Les sites communautaires multiplient les accords de fourniture légale de contenus

Malgré la plainte déposée par Viacom contre YouTube, qui réclame 1 milliard de dollars au site d’échange de vidéos pour « violation massive et intentionnelle des droits d’auteur », YouTube s’impose progressivement comme un acteur majeur de la diffusion légale de contenus vidéo sur Internet en multipliant les accords de diffusion avec les ayants droit.

L’objectif pour Google, qui a racheté YouTube en octobre 2006, est de devenir la première chaîne de télévision du futur où les internautes, plutôt que d’être astreints à une programmation linéaire, viendraient choisir les programmes qu’ils désirent visionner. Mais cette stratégie dépend tout à la fois de la légalité des échanges de vidéos sur la plate-forme et de l’invention d’un modèle économique viable. En effet, l’exploitation publicitaire de contenus protégés étant interdite en l’absence de licence, YouTube se doit de passer des partenariats avec les éditeurs de contenus, sauf à n’être qu’une plate-forme d’échanges pour l’essentiel illégaux, comme ont pu l’être les sites de peer to peer de première génération. Une fois cet obstacle franchi, YouTube pourra développer des stratégies publicitaires plus complexes, notamment en intégrant de la publicité aux vidéos disponibles en ligne, et rentabiliser ainsi son activité, les revenus publicitaires générés par YouTube étant pour l’instant quasi-inexistants.

A cet égard, la succession d’annonces de partenariat entre YouTube et les éditeurs de contenus semble préparer une évolution de la physionomie du site d’échange de vidéos. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que 70 % des contenus les plus regardés sur YouTube sont des contenus protégés. Autant dire que Google ne peut pas se permettre de les retirer de son site, sauf à voir l’audience s’effondrer et, avec elle, les moyens de s’imposer comme le futur leader de la distribution de vidéos sur Internet. Google aurait ainsi conclu plus de 1 000 accords de partenariat avec des propriétaires de contenus, dont les plus importants sont les accords conclus avec certaines des plus grandes chaînes de télévision américaines, dont NBC, CBS et Fox, avec la NBA qui propose sur YouTube NBA Channel, un espace dédié de diffusion des vidéos du championnat de basket américain, enfin avec des maisons de disques, qu’il s’agisse d’Universal Music, Warner Music ou des maisons de disques indépendantes comme Wind-up Records, Hollywood Records (groupe Disney) ou le label de la chanteuse Hilary Duff. Ces accords prévoient à chaque fois un partage des revenus publicitaires ainsi générés sur YouTube.

Le 2 mars 2007, YouTube et la BBC annonçaient également un accord de partenariat. Non exclusif, ce partenariat porte sur la création de trois chaînes à la marque BBC diffusées depuis YouTube. Deux chaînes porteront sur le divertissement, une première proposant des clips de nouveaux spectacles et du contenu promotionnel pour les séries à succès diffusées sur la BBC.

La seconde chaîne de divertissement reprendra des clips en provenance de BBC World et bénéficiera en partie des revenus publicitaires générés par leur diffusion sur YouTube. Une dernière chaîne proposera quant à elle des clips d’actualité en provenance de BBC World, ce qui permettra là encore de les financer par de la publicité pour les utilisateurs non résidents de Grande-Bretagne. En effet, à l’exception de BBC Worldwide, la division commerciale de la British Broadcatsing Corporation, la publicité est interdite sur les chaînes de la BBC diffusées en Grande-Bretagne, lesquelles sont financées exclusivement par la redevance.

Pour la BBC, cet accord de partenariat avec YouTube doit lui permettre d’augmenter l’audience de son site en lui offrant la possibilité de toucher un public hors de ses frontières. En effet, les clips diffusés sur YouTube, accompagnés de promotions pour les émissions de la BBC, comportent un lien vers le site de la BBC. A cet égard, YouTube est considéré par la BBC comme un outil promotionnel – un public potentiel de 70 millions d’internautes – et non comme un moyen de distribution alternatif, les émissions n’étant pas diffusées dans leur intégralité.

Enfin, Google a développé pour YouTube une technologie permettant de contrôler et de facturer l’accès aux vidéos mises en ligne par les internautes afin de pouvoir rémunérer ces derniers. YouTube compte ainsi attirer sur son site des contenus générés par les utilisateurs qui soient de qualité (musique, images) et lui permettent de s’affranchir en partie de sa dépendance à l’égard des producteurs professionnels de contenus.

YouTube devra également faire face à la stratégie des autres acteurs de la vidéo en ligne et des acteurs médias qui, inquiets de son hégémonie sur ce marché, ont décidé de lancer des offres concurrentes. En effet, les groupes propriétaires de contenus préfèrent conserver leur contrôle sur les vidéos diffusées en ligne, au point souvent de se contenter d’accords de partenariat très restrictifs avec les plates-formes d’échange de vidéos ou les plates-formes de distribution comme celle d’iTunes d’Apple. Ainsi, après avoir contraint YouTube à retirer de son site la plupart des vidéos lui appartenant, Viacom a vu l’audience de ses propres sites augmenter très nettement. De même, le groupe Disney a fait le choix de diffuser lui- même ses propres séries plutôt que de passer par un intermédiaire. Il a également passé un accord avec Apple, Steve Jobs étant présent au conseil d’administration de Disney, qui annonçait, début février, avoir vendu 1,3 million de films en trois mois sur la plate-forme iTunes Music Store.

Parmi les concurrents de YouTube, DailyMotion, deuxième site d’échange de vidéos au monde avec plus de 3 millions de visiteurs uniques en décembre 2006, a également conclu, à la suite de YouTube, des partenariats avec plusieurs majors du disque pour diffuser leurs clips vidéo, ainsi du partenariat avec Warner Music, annoncé le 22 janvier 2007, et avec Universal Music, conclu le 6 mars 2007. Le 21 décembre 2006, DailyMotion et la Société civile des producteurs de phonogramme (SPPF) avaient annoncé un accord expérimental pour un an.

Sur le territoire américain, les succès de YouTube ont également conduit ses principaux rivaux à lancer leur propre plate-forme d’échange de vidéos en s’appuyant cette fois-ci sur le contrôle de certains des plus grands catalogues aux Etats-Unis. Ainsi, NBC et News Corp., lequel possède MySpace, le deuxième site communautaire aux Etats-Unis, avec 19 % de parts de marché contre 41 % pour YouTube en décembre 2006, vont-ils lancer durant l’été 2007 un service de vidéo premium en ligne. Il sera accessible depuis les portails concurrents de Google, NBC et News Corp. s’étant d’ores et déjà alliés à AOL, MSN et Yahoo!, lesquels revendiquent ensemble, en incluant MySpace, quelque 96 % de l’audience mensuelle totale sur Internet aux Etats-Unis. On y trouvera gratuitement certains films, comme Borat ou Little Miss Sunshine, des séries comme Les Simpsons, Prison Break ou 24, ainsi que des clips des catalogues de la Fox (News- Corp.) et de NBC Universal. Pour News Corp. et NBC Universal, l’objectif est de reprendre le contrôle sur leurs contenus tout en récupérant, par la publicité sur la plate-forme et celle intégrée dans les films et programmes diffusés, une partie des recettes publicitaires qui ont migré de la télévision vers Internet.

De son côté, Microsoft a également lancé, en septembre 2006, sa propre plate-forme d’échange de vidéos, baptisée Soapbox. Il s’est toutefois résolu, en mars 2007, à stopper le processus de recrutement de nouveaux membres pour limiter le nombre de vidéos échangées illégalement, en l’attente d’un système technique permettant de contrôler la nature des contenus mis en ligne par les internautes. SoapBox fait également partie des partenaires de News Corp. et NBC Universal pour la diffusion en ligne de vidéos.

Enfin, YouTube devra affronter une concurrence d’un genre nouveau, celle des télévisions du futur en peer to peer, et notamment Joost, qui, après des accords avec Warner Music ou Endemol, a annoncé, le 20 février 2007, avoir passé un accord de partenariat avec Viacom, alors même que celui-ci est en procès contre YouTube.

Sources :

  • « Les fondateurs de Skype dévoilent une plate-forme TV gratuite », Gavin Haycock, Reuters – 01net., 17 janvier 2007.
  • « Warner signe un accord majeur avec DailyMotion », Emmanuel Torregano, Le Figaro, 22 janvier 2007.
  • « Pour nourrir sa croissance, Google veut inventer de nouveaux marchés », Michel Kitareff, Les Echos, 2 février 2007.
  • « Walt Disney a vendu 1,3 million de films sur iTunes en trois mois », Les Echos, 2 février 2007.
  • « Viacom s’associe avec la plate-forme de télévision sur Internet Joost », AFP in tv5monde.org, 20 février 2007.
  • « Google peine à attirer les fournisseurs de contenus sur YouTube », Laetitia Mailhes, Les Echos, 28 février 2007.
  • « La BBC et YouTube signent un accord de mise en ligne de vidéos de la BBC », communiqué de presse BBC, 2 mars 2007.
  • « La BBC scelle un accord avec YouTube pour y proposer des vidéos », AFP in tv5monde.org, 2 mars 2007.
  • « YouTube multiplie les partenariats pour du contenu légal », AFP in tv5monde.org, 4 mars 2007.
  • « DailyMotion va diffuser les clips vidéo d’Universal Music », E.P. et G.P., Les Echos, 7 mars 2007.
  • « Google fait de l’œil aux éditeurs de contenus », Sandrine Cassini, La Tribune, 13 mars 2007.
  • « Procès à 1 milliard de dollars contre YouTube et Google », David Barroux, Les Echos, 14 mars 2007.
  • « News Corp et NBC s’allient pour créer le rival du site de vidéo YouTube », Isabelle Repiton, La Tribune, 23 mars 2007.
  • « NBC et News Corp créent un concurrent de YouTube », N.M., Les Echos, 23-24 mars 2007.

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