La télévision italienne ne peut guère se passer de Silvio Berlusconi

Alors que le président du Conseil italien multiplie les critiques contre les journalistes de la télévision publique, la RAI est victime de l’incapacité de l’opposition à se mettre d’accord sur le candidat au poste de président de la commission de surveillance, ce qui entrave pour l’instant la direction du groupe public à son plus haut niveau. Enfin, Silvio Berlusconi a obtenu, dans le cadre de son plan anticrise, une augmentation de la TVA sur les chaînes payantes, ce qui pénalise Sky Italia, le principal concurrent privé de Mediaset, au risque d’un conflit d’intérêts.

Silvio Berlusconi, président du Conseil italien, propriétaire du groupe de communication Mediaset par l’intermédiaire de sa famille, ne cesse d’envenimer le débat sur la nature de la télévision dans la Péninsule. En effet, le président du Conseil n’hésite pas à s’interroger ouvertement sur la qualité des émissions de la télévision publique, la RAI, à qui il reproche ses programmes anxiogènes alors que le pays est touché par la crise financière et économique mondiale. Plus généralement, Silvio Berlusconi politise le débat sur la télévision publique et le métier de journaliste, considérant que son gouvernement, et lui en particulier, vont finalement à la télévision pour se faire « insulter ». Une attitude délicate pour celui qui, avec RTI (Mediaset), contrôle les principales chaînes privées italiennes, Canale 5, Italia 1 et Rete 4, soit plus de 40 % des audiences de la télévision en clair en Italie.
A vrai dire, la télévision italienne ne parvient pas à échapper aux enjeux politiques, quel que soit le parti considéré. Ainsi, l’élection du président de la commission de surveillance de la RAI, un poste traditionnellement dévolu à l’opposition, a récemment illustré, une fois de plus, l’imbroglio politique dont les Italiens sont capables quand il s’agit de leur télévision publique. Alors que la gauche devait se mettre d’accord sur un nom en juillet 2008 afin de donner à la RAI son nouveau président de la commission de surveillance, les différents partis de l’opposition ne sont finalement jamais parvenus à s’accorder sur le nom initialement proposé, Leoluca Orlando, membre du parti anticorruption de l’Italie des valeurs (Idv). Début novembre 2008, la majorité de droite proposait donc un candidat de gauche pour le poste de président de la commission de surveillance de la RAI, en la personne de Ricardo Villari, membre du parti démocrate (PD), aussitôt qualifié de « traître » par ses pairs, qui ont dénoncé une intervention masquée de Silvio Berlusconi. En définitive, la RAI se retrouve bloquée, avec deux potentiels présidents de la commission de surveillance, un poste stratégique qui permet notamment de décider des directions des différentes chaînes publiques italiennes.

Même la télévision payante, dominée par le bouquet satellitaire Sky, propriété du groupe News Corp., fait désormais partie du débat politique qui conduit l’opposition à dénoncer l’utilisation par Silvio Berlusconi de ses prérogatives politiques au profit de ses activités au sein des chaînes de télévision. En effet, à l’occasion de son plan anticrise, Silvio Berlusconi a fait adopter, le 1er décembre 2008, une mesure doublant la TVA sur les chaînes de télévision payante, qui passe ainsi de 10 à 20 %. Cet alignement sur le taux de TVA des chaînes en clair revient, pour Silvio Berlusconi, à supprimer un « privilège » accordé à Sky qui, avec 4,7 millions d’abonnés fin 2008, contrôle 91 % du secteur de la télévision payante en Italie. Sans nul doute, la mesure pénalise le principal concurrent privé de Mediaset en Italie, ce que n’a pas manqué de pointer l’opposition. Le 30 novembre 2008, M. Berlusconi s’était toutefois défendu de tout conflit d’intérêt, annonçant que Mediaset s’apprête à lancer une chaîne à péage, qui sera, elle aussi, soumise au nouveau taux de TVA. Reste que la mesure anticrise, qui doit rapporter 210 millions d’euros supplémentaires par an à l’Etat, sera financée principalement par Sky Italia.

Les clivages partisans s’estompent toutefois quand il s’agit de défendre des intérêts commerciaux : en concurrence sur le marché des chaînes en clair, les dirigeants de la RAI, comme ceux de Mediaset, s’accordent ainsi sur la menace que constitue Sky Italia pour leur modèle économique et ont annoncé la constitution d’une société commune, Tivu, détenue a parité, qui lancera une plate-forme de télévision gratuite par satellite en juin 2009. En effet, le nombre d’abonnés au bouquet satellitaire du groupe News Corp. est passé de 3,1 millions à 4,7 millions en quatre ans, rassemblant ainsi une part d’audience significative aux chaînes en clair, alors même que Sky Italia n’a pas le droit de commercialiser ses bouquets de chaînes via des offres triple play, ce support étant partout en Europe le relais de croissance des chaînes payantes. Cette restriction, imposée par les autorités européennes de la concurrence lors de la fusion en 2003 des deux bouquets italiens de télévision par satellite, doit être levée en 2011 : en positionnant dès 2009 une offre de télévision gratuite par satellite face à l’offre payante de News Corp., la RAI et Mediaset espèrent, en proposant également une offre élargie de chaînes, limiter l’attrait des Italiens pour le bouquet de leur concurrent.

Sources :

  • « Deux présidents pour un fauteuil : Berlusconi sème la zizanie à gauche », AFP, tv5.org, 19 novembre 2008.
  • « M. Berlusconi ne veut plus que la RAI se « paye » sa tête », Philippe Ridet, Le Monde, 22 novembre 2008.
  • « Télévision italienne : la gauche accuse Berlusconi de conflit d’intérêt », AFP, tv5.org, 1er décembre 2008.
  • « En Italie, M. Berlusconi double la TVA pour la télé payante », Philippe Ridet, Le Monde, 2 décembre 2008.
  • « Mediaset et la RAI s’allient contre Murdoch », Frank Paul Weber, La Tribune, 22 janvier 2009.

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