Pourquoi les lecteurs de PQR préfèrent-ils la version papier de leur journal ?

Seuls 19 % des internautes français lisent la presse quotidienne régionale en ligne alors qu’ils sont 45 % à lire les quotidiens régionaux imprimés et 48 % à lire la presse nationale en ligne.

En septembre 2011, le réseau pluridisciplinaire M@rsouin, qui regroupe des laboratoires de recherche bretons, a publié les résultats d’une enquête intitulée « PQR à l’heure du numérique », menée auprès d’une population d’internautes âgés de 18 ans et plus avec le soutien du département des études et de la prospective du ministère de la Culture et de la Communication et du groupement d’intérêt scientifique « Culture-médias et numérique ».

En France, 26 % des internautes lisent régulièrement, trois fois par semaine et plus, un quotidien régional imprimé, alors qu’ils sont 34 % sur l’ensemble de la population. Les Français âgés de 25 à 50 ans ainsi que les actifs sont surreprésentés parmi les internautes lisant régulièrement la PQR par rapport à l’ensemble des lecteurs réguliers de PQR.

La lecture de la presse quotidienne régionale est liée au sentiment d’attachement à sa région, au fait de vivre dans la région de naissance, ou encore à la possibilité de discuter de l’actualité avec son entourage. Ainsi, 52 % des lecteurs réguliers de PQR se disent attachés à leur territoire alors qu’ils sont seulement 38 % parmi ceux qui ne la lisent pas régulièrement. Les lecteurs de quotidiens régionaux imprimés sont plutôt âgés ; ils ont un niveau d’études généralement inférieur et des revenus plutôt supérieurs à ceux qui ne lisent pas la PQR imprimée ; ils résident plutôt dans des petites villes ou à la campagne, la lecture d’un quotidien local étant moins significative dans les grandes villes.

Lorsque les internautes sont interrogés sur leur consommation de l’actualité en ligne, 48 % déclarent lire au moins une fois par semaine des articles sur les sites de presse nationale (quotidiens et magazines), 45 % dans la PQR imprimée, 19 % sur les sites de la PQR, 18 % sur les portails et agrégateurs, 9 % sur les sites des radios et des télévisions, 8 % sur les sites de presse en ligne (pure players) et 6 % sur les blogs. L’âge est un facteur déterminant de la consommation de l’actualité en ligne. Les 25-34 ans sont les plus nombreux à préférer lire l’actualité en ligne tous médias confondus, à l’exception des blogs consultés tout autant par les internautes âgés de 35 à 49 ans et de 65 ans et plus. En revanche, la lecture de la presse nationale en ligne concerne toutes les tranches d’âge dans la même proportion (autour de 50 %), tandis que les portails et les agrégateurs de contenus attirent plutôt les moins de 35 ans. L’augmentation avec l’âge de la propension à lire la PQR imprimée n’existe pas pour la lecture de l’actualité régionale en ligne. Ainsi, l’écart entre la lecture papier et la lecture en ligne augmente significativement avec l’âge des internautes, passant de 10-15 % environ pour les 18-35 ans, à 30-35 % pour les 35-65 ans, et 50 % après 65 ans. Ces derniers sont 62 % à déclarer lire l’actualité au moins une fois par semaine sur la PQR imprimée et seulement 12 % à consulter les sites de la PQR, contre respectivement 32 % et 18 % pour les internautes âgés de 18 à 24 ans. La presse nationale et les portails apparaissent comme les principaux concurrents sur Internet de la PQR auprès des jeunes internautes. En revanche, les internautes âgés de 35 à 64 ans s’informent au moins une fois par semaine, tout autant par la PQR imprimée que par les sites de la presse nationale (47 %).

Age et consommation de l’actualité en ligne

L’étude montre également que le niveau d’études est un facteur plus déterminant encore que l’âge sur la consommation d’actualités en ligne. L’audience des supports de lecture en ligne augmente parallèlement au niveau d’études et particulièrement celle des sites de la presse nationale, des pure players et des blogs. La PQR fait figure d’exception. Imprimée ou numérique, elle est le seul média dont l’audience n’augmente pas, et baisse même légèrement, quand s’élève le niveau d’études des internautes (ayant déjà un niveau d’instruction moyen supérieur au reste de la population). Cette tendance s’expliquerait par la concurrence faite à la PQR sur Internet par les autres sites sur le terrain de l’information nationale et internationale, attirant davantage les lecteurs au niveau d’études plus élevé. Une autre particularité de la PQR réside dans l’autonomie de chacune des versions, imprimée et en ligne, puisque les internautes qui ne lisent pas la PQR imprimée sont aussi nombreux à fréquenter les sites web de la PQR que ceux qui la lisent (respectivement 18 % et 20 %).

Niveau d’études et consommation de l’actualité en ligne

Ainsi, les auteurs de l’étude dressent le constat suivant : la PQR imprimée et la PQR en ligne correspondent à deux modèles distincts. Tous les critères économiques et sociaux qui permettent d’expliquer l’attrait de la PQR imprimée (attachement local, âge, niveau d’études, revenu…) ne s’appliquent pas au Web. La lecture de la presse locale en ligne est avant tout liée à l’usage quotidien d’Internet. Les lecteurs de la PQR imprimée qui lisent l’ensemble des rubriques de leur quotidien régional sont plus enclins à multiplier leurs sources d’information en ligne : parmi les lecteurs qui lisent exclusivement les pages locales et de services de la PQR imprimée, 47 % ne consultent aucun média en ligne, contre 24 % pour ceux qui lisent l’ensemble des pages de leur journal papier. Ayant accès à une multiplicité de sources concurrentes des pages d’actualités internationales, nationales ou de services de la PQR (petites annonces, agenda culturel, publicités locales…), 79 % des internautes qui lisent leur quotidien régional en ligne déclarent être principalement à la recherche d’informations de proximité. Cette information « hyperlocale » est surtout proposée par des sites et blogs d’association ou de quartier. Ainsi, « l’échec relatif de la PQR en ligne », comme l’écrivent les auteurs de l’étude, tiendrait au manque d’informations offertes concernant les territoires « aussi petits soient-ils ». Pour combler ce manque à gagner d’audience sur le Web, la PQR devrait développer davantage ce potentiel que représenterait pour elle l’information de proximité. D’autant que les lecteurs de la PQR en ligne se disent majoritairement sensibles à la mise en valeur de leur territoire sur le Web, et qu’ils sont plus enclins à partager des articles par l’intermédiaire des réseaux sociaux que ne le sont les lecteurs de la presse nationale.

Source :

  • « La Presse quotidienne régionale face aux enjeux du numérique », Godefroy Dang Nguyen, Sylvain Dejean, Adrien Souquet, M@rsouin, Télécom Bretagne, 24 p., marsouin.org, septembre 2011.