Avec des réseaux de type « mesh » ou « ad hoc », la téléphonie mobile se passe d’opérateur

Alors que les opérateurs de téléphonie mobile s’organisent pour rester maîtres de l’itinérance entre leur réseau 3G et le Wi-Fi afin de garder leur clientèle captive (voir REM n°21, p.16), diverses solutions émergent pour communiquer d’un terminal à l’autre sans passer par les réseaux d’antennes, de satellites ou de câbles gérés par les opérateurs de télécommunications. Certaines sont d’ailleurs utilisées par les opposants dans les pays où règne la censure. Offrant une accessibilité « à la demande », les réseaux de type mesh ou ad hoc sont des alternatives aux infrastructures existantes. Des étudiants de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon collaborent au projet du scientifique australien Paul Gardner-Stephen, de l’université Flinders d’Adelaïde, portant sur le développement de réseaux de communication sans infrastructures. L’objectif est de remédier au manque de possibilités de communication dans les zones géographiques du monde qui n’intéressent pas les opérateurs de télécommunications, comme certains pays en voie de développement, ou encore de remplacer un réseau détruit par une catastrophe naturelle.

Une application gratuite baptisée Serval, compatible avec le système d’exploitation Android, permet, une fois déverrouillée la carte SIM, la connexion de plusieurs téléphones portables entre eux, sans utiliser les infrastructures mises en place par les opérateurs. Equipés de ce logiciel, deux appareils peuvent communiquer entre eux à la condition de ne pas être éloignés l’un de l’autre de plus de quelques centaines de mètres. Sur une plus grande distance, ce sont les autres appareils équipés de cette application se trouvant dans les alentours qui servent de relais, sans intervention particulière de leur propriétaire. En utilisant les émetteurs Wi-Fi des téléphones et, le cas échéant, les bornes Wi-Fi à proximité, l’application Serval assure le maillage (mesh) de toute une zone à des fins de connexion.

A l’avenir, la technologie Serval pourrait s’appuyer sur les fréquences de téléphonie mobile GSM. Le but à terme est de consolider le réseau avec des téléphones spéciaux qui serviront de relais à tous les autres, équipés de l’application Serval ou non. L’ambition de son inventeur est de rendre la téléphonie « mobile », au sens propre du terme, c’est-à-dire de permettre un usage décentralisé, indépendant des infrastructures des opérateurs. « Dans les années 1980, les ingénieurs travaillant sur les premiers prototypes avaient imaginé des réseaux mesh, simples et bon marché. Mais les compagnies de téléphone les avaient empêchés de travailler dans cette direction, parce qu’elles voulaient préserver leur modèle pyramidal contrôlé par le haut, hérité du téléphone filaire, techniquement caduc mais commercialement très profitable. Aujourd’hui encore si les mobiles ne peuvent pas se parler directement au niveau local, c’est parce qu’ils sont verrouillés par les opérateurs, qui obligent les usagers à passer par leurs relais et donc leurs systèmes de facturation », explique Paul Gardner- Stephen.

Dans les zones à forte densité de population, comme les grandes villes, Serval permet de créer un réseau totalement indépendant, échappant à tout contrôle commercial ou politique. Lauréate d’un concours de logiciels innovants à Séoul en novembre 2011, l’application Serval intéresse déjà des fabricants chinois de téléphones portables.

Faire communiquer les machines entre elles afin d’établir des réseaux de communication autonomes, appelés « réseaux mobiles ad hoc », conviendra à l’avenir à toutes sortes d’applications grand public sur lesquelles travaillent des start up.

A partir des travaux de recherche menés à l’université Pierre et Marie Curie (UPMC) et à l’université Paris-Sud 11, la société Green Communication est spécialisée dans l’architecture de réseaux de nouvelle génération, basée notamment sur les communications sans fil. Elle développe un concept de réseau autonome qui utilise les ondes Wi-Fi pour la transmission de la voix ou de données grâce à des logiciels équipant n’importe quel terminal, téléphone, ordinateur, clé USB ou encore un boîtier (une box). Chaque appareil communicant est à la fois émetteur et récepteur, faisant office de relais d’un réseau totalement décentralisé, susceptible d’évoluer, ou même de disparaître temporairement, afin notamment de préserver l’autonomie des équipements en consommant le moins d’énergie possible. Ainsi, les terminaux connectés entre eux peuvent constituer un réseau local, voire ultra-local, à l’échelle d’un quartier ou d’un bâtiment, permettre ainsi d’échanger des informations entre automobilistes ou encore, d’une façon plus générale, combler le manque ou la défaillance d’infrastructures fixes. Green Communication participe au programme européen EIT (European institue of innovation & technology).

Sources :

  • Green Communication, green-communications.fr – Serval, servalproject.org
  • « Des réseaux de communications sans infrastructures », cahier Sciences & Techno, Le Monde, 21 janvier 2011.
  • « Les réseaux de téléphonie bientôt hors du contrôle des Etats », Yves Eudes, Le Monde, 22-23 avril 2012.
  • « L’innovation technologique qui pourrait révolutionner les mobiles », Aymerie Renou, Le Parisien, 9 mai 2012.

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