Les acteurs de la chaîne du livre à l’ère du numérique, trois notes d’analyse

Le Centre d’analyse stratégique (CAS), service rattaché au Premier ministre, prédit dans un rapport rendu public en mars 2012, « Au XXIe siècle, le livre va se diversifier avec le numérique : comparable à la version papier (« livre numérique homothétique ») ou s’en distinguant très largement pour devenir un « livre enrichi » aux multiples contenus et utilisations. L’usage primera-t-il ainsi sur le support ? On passera d’une forme unique, le livre imprimé, à un concept multiforme, l’écrit numérique. Ce caractère multiforme du numérique, encore flou, est déroutant pour le travail traditionnel des « passeurs du livre », bibliothécaires ainsi que libraires. Toutes les répercutions du numérique sur le livre ne sont pas encore clairement visibles ».

En collaboration avec le Centre national du livre (CNL), le CAS a publié trois notes d’analyse, détaillées et instructives, faisant une série de propositions adressées aux auteurs, éditeurs, libraires et bibliothécaires, afin de tirer pleinement parti des bouleversements engendrés par l’arrivée du numérique dans le monde du livre. Là où le marché du livre numérique a déjà décollé, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, pays qui sont loin de disposer d’un réseau de librairies comparable à celui de la France, la distribution est déjà aux mains des acteurs internet américains. Soutenir la filière du livre dans sa mutation numérique, c’est aussi, et avant tout, pour la France préserver la diversité de l’édition.

Le marché du livre numérique est encore embryonnaire en France, avec un très faible nombre de titres disponibles en version numérique. Seul un livre sur dix est aujourd’hui disponible en version numérique, un sur trois pour les best-sellers. La Fnac.com propose 50 000 titres au format numérique, contre un million de références pour Amazon. Le succès des tablettes tactiles devrait contribuer au développement de nouveaux usages numériques appliqués à la lecture, grâce notamment à la commercialisation de ces outils à un prix abordable. Selon le CAS, des mesures d’encouragement sont nécessaires pour que les acteurs de l’édition se lancent enfin sur ce nouveau marché, que la crainte de la remise en cause de leur modèle économique avait poussés trop longtemps à ignorer, laissant place libre aux plates-formes internet américaines, au premier rang desquelles, Amazon et Apple. Priorité à l’interopérabilité : le désir d’achat d’un livre et, en l’occurrence, le téléchargement de sa version numérique, ne peut être entravé par l’existence de formats de fichier numérique, de modèles de tablette ou de liseuse et de plate-forme de distribution qui ne sont pas compatibles. C’est l’ambition du projet Open Source du groupe Decitre.

Nécessité d’une plate-forme unique : quatre grandes plates-formes, et quelques-unes plus modestes, participent au morcellement de l’offre de livres, tout en entraînant des frais supplémentaires pour les revendeurs. Les distributeurs, qui sont pour la plupart les éditeurs eux-mêmes en France, auraient tout intérêt à accepter une mutualisation de la distribution numérique.

Fixer un taux limite de remise : les éditeurs devraient fixer des prix de vente plus attrayants, autour de 40 % de décote par rapport au livre papier (contre 20 % à 35 % aujourd’hui), sans céder pour autant au dumping, à l’instar du grand vendeur de livres en ligne Amazon, une stratégie commerciale qui détruit le marché du livre de poche et menace les libraires.

Adapter le contrat d’édition : il serait normal que les auteurs disposent d’un avenant à leur contrat d’édition papier détaillant précisément l’ensemble des conditions d’exploitation de leur œuvre sous forme numérique, ainsi qu’un contrat ad hoc pour les livres enrichis ou « hyper livres ».

Soutenir une stratégie de distribution multicanal : les librairies traditionnelles devraient bénéficier d’une politique de soutien, notamment avec l’appui du Centre national du Livre, pour développer les ventes sur Internet.

Parmi l’ensemble de ses propositions riches d’enseignement sur la filière du livre, le CAS n’oublie pas l’importance des réflexions qui devront être menées concernant les livres scolaires, pour lesquels l’usage du numérique peut être prometteur. Un groupe d’experts, enseignants et inspecteurs de l’Education nationale, pourrait conseiller les éditeurs dans ce domaine. S’agissant des bibliothèques publiques, le CAS préconise que les conditions économiques d’achat de livres numériques puissent être examinées avec les éditeurs et que, sur cette question, le rôle de médiation de la Bibliothèque publique d’information (BPI) du Centre Pompidou soit renforcé, notamment à travers son programme Carel (Consortium pour l’acquisition des ressources électroniques en ligne). Sous l’égide du ministère de la culture, un groupe de travail, composé de bibliothécaires, d’experts du livre et de la lecture, d’élus locaux, devrait être créé pour formuler des recommandations concrètes sur l’évolution à l’ère du numérique de ces lieux publics d’accès à la connaissance.

Les acteurs de la chaîne du livre à l’ère du numérique, trois notes d’analyse, Centre d’analyse stratégique, strategie.gouv.fr, mars 2012 : Les auteurs et les éditeurs, n° 270, 15 p.; Les librairies, n° 271, 7 p. ; Les bibliothèques publiques, n° 272, 11 p.

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