Hypersensibilité aux ondes électromagnétiques (EHS) : entre symptômes et hypothèses

L’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) admet pour vraies les douleurs exprimées par les personnes victimes d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques (EHS). C’est une petite avancée pour les personnes concernées mais il reste beaucoup à faire.

Troubles du sommeil et des rythmes circadiens, fatigue, maux de tête, troubles de l’attention et de la mémoire, stigmates cutanés, ultra-sensibilité : autant de symptômes biologiques ou physiologiques pour lesquels les scientifiques ne sont pas encore parvenus à démontrer le lien irréfutable avec les champs magnétiques. Ce lien reste donc impossible « à exclure avec certitude », déclare l’Anses dans un avis rendu le 27 mars 2018.

En France, 3 millions de personnes souffriraient d’affections dues à une exposition aux ondes électromagnétiques émises par les téléphones portables, box internet, antennes-relais, appareils électroménagers ou installations électriques (voir La rem n°36, p.17). En l’absence de critères scientifiques validés pour établir un diagnostic de l’EHS, l’Agence de sécurité sanitaire souligne que la seule expertise possible s’appuie sur la déclaration des personnes concernées et reconnaît que les troubles et les souffrances exprimées « correspondent à une réalité vécue » les conduisant « à adapter leur quotidien pour y faire face ».

Après divers rapports et avis publiés depuis 2003 sur cette question dont l’Agence met en évidence « la grande complexité », l’expertise rendue publique en mars 2018 s’appuie à la fois sur l’analyse de travaux scientifiques et sur une vaste campagne d’auditions de médecins, de chercheurs, d’associations et de personnes déclarant souffrir d’EHS, mais également sur une consultation publique, ouverte entre juillet et octobre 2016, ayant permis de recueillir plus de 500 commentaires basés sur un pré-rapport. La conclusion reste inchangée : « En l’état actuel des connaissances », selon l’Agence, « l’absence de preuve expérimentale solide » ne permet pas « d’établir un lien de causalité entre l’exposition aux champs électromagnétiques et les symptômes décrits par les personnes se déclarant EHS ».

Admettant néanmoins que « les radiofréquences constituent un objet de préoccupations sanitaires, environnementales et sociétales importantes depuis plusieurs années, en France comme à l’étranger » et que « les symptômes peuvent avoir un retentissement important sur la qualité de vie des personnes », l’Anses recommande la mise en place de conditions nécessaires à « une prise en charge adaptée par les acteurs des domaines sanitaires et sociaux », suggérant notamment l’intervention de la Haute Autorité de santé pour sensibiliser les professionnels sur cette question.

Afin de favoriser une prise en charge coordonnée des besoins exprimés par les personnes électrohypersensibles, l’Anses préconise de développer la formation des professionnels de santé, comme celle des acteurs sociaux, « à l’accueil et à l’écoute », afin de répondre à leurs difficultés conduisant parfois à un « isolement psychosocial ». Enfin, outre la poursuite des travaux de recherche, l’Anses recommande le renforcement de la collaboration entre les scientifiques et les associations de personnes se déclarant EHS, ainsi que la mise en place d’infrastructures de recherche qui permettent de réaliser un suivi à la fois sur le long terme et dans un cadre expérimental tenant compte des conditions de vie des personnes concernées. L’Anses insiste sur la nécessaire pérennité des crédits de recherche sur la question des effets sanitaires des radiofréquences.

Certaines mesures de précaution sont inscrites dans la loi, comme l’interdiction votée en février 2015, d’installer des bornes Wi-Fi dans les crèches ou le décret d’août 2016, pris en application d’une directive européenne, qui oblige les employeurs, depuis le 1er janvier 2017, à protéger leurs salariés contre les ondes électromagnétiques émises par les appareils électroniques au sein de leur entreprise. Si les femmes enceintes et les jeunes de moins de 18 ans doivent bénéficier d’une attention particulière, le décret dispose que les taux peuvent être « temporairement » dépassés lorsqu’en dépend l’exécution du travail.

Un marché des équipements protecteurs des ondes électromagnétiques est né. Des boîtiers pour téléphone mobile ou un coffret pour enfermer la box internet permettent de canaliser les ondes électromagnétiques et d’en réduire le rayonnement. L’Agence nationale des fréquences (ANFR), dans le même temps, continue de rappeler à l’ordre les fabricants de téléphones portables. Quatre d’entre eux, TCL, Modelabs Mobiles, Huawei et TP-Link, ont encore été signalés, en mai 2018, pour dépassement de la valeur limite autorisée de l’indice DAS (débit d’absorption spécifique ou niveau de radiation, soit 2 W/kg (voir La rem n°42-43, p.29). Une mise à jour a été effectuée à distance par les trois premiers cités, afin d’effectuer la mise en conformité de leurs modèles respectifs, Alcatel Pixi 4-6’’, Echo Star Plus et Huawei Honor 8. Quant au quatrième, le fabricant chinois TP-Link, il a été contraint, pour des raisons techniques, de retirer de la vente son téléphone Neffos X1 TP902 et de rappeler les appareils déjà vendus.

Sources :

  • « Dès 2017, les employeurs devront protéger leurs salariés contre les ondes électromagnétiques », Xavier Berne, Nextinpact.com, 8 août 2016.
  • « Des boîtiers pour lutter contre les ondes en liberté », Didier Sanz, Le Figaro, 24 avril 2017.
  • Avis de l’Anses relatif à l’expertise sur « l’hypersensibilité électromagnétique (EHS) ou intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques (IEI-CEM) » du 13 mars 2018, Anses.fr, 27 mars 2018.
  • « Dépassement du DAS tronc : mise à jour de trois téléphones », Actualité, Anfr.fr, 29 mai 2018.
  • Neffos X1 TP902 : retrait de commercialisation du téléphone », Actualité, Anfr.fr, 29 mai 2018.

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