Désignation et révocation des PDG des sociétés du secteur public de la radio-télévision, ailleurs qu’en France.

Selon les pays, la désignation du PDG, ou de son équivalent, des sociétés du secteur public de la radio-télévision va, suivant une graduation qui en assure plus ou moins l’indépendance et, à travers lui, de l’organisme aux destinées duquel il préside, de la nomination par le pouvoir politique (Chef de l’Etat, Gouvernement, Parlement), à la décision d’une instance de régulation, en passant par une élection par le conseil d’administration dont certains des membres au moins sont désignés par l’une ou l’autre de ces autorités, ou combine, de multiples façons, certains éléments de ces diverses modalités.

Un des points les plus controversés tout au long de la discussion qui précéda, en France, à l’adoption de la loi de 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision concerne le changement du mode de désignation et de révocation des PDG des sociétés du secteur public. La mention faite des modalités en vigueur dans différents autres pays permettra, par comparaison, d’apprécier celle qui est retenue en France.

Au Canada, aux termes de l’article 36 de la « Loi sur la radiodiffusion », de 1991, portant statut de la société Radio Canada, le conseil d’administration de ladite société est « composé de douze administrateurs, dont son président et le président-directeur général, nommés par le Gouverneur » du Canada. Le mandat des administrateurs est de « de cinq ans, à titre inamovible, sous réserve de révocation motivée de la part du Gouverneur ». Pour assurer l’indépendance, tant politique qu’économique, des administrateurs, l’article 37 de la loi pose que, « avant leur entrée en fonction, les administrateurs prêtent et souscrivent ou font, selon le cas, le serment ou l’affirmation solennelle suivants […] : « Je, ……………….., jure (ou déclare) solennellement que j’exercerai de mon mieux, fidèlement, sincèrement et impartialement, les fonctions de ………………. (Ajouter, en cas de prestation de serment : Ainsi Dieu me soit en aide) » ». L’article 38 de la même loi précise que « nul ne peut être nommé administrateur ni continuer à occuper cette charge […] si, directement ou indirectement – notamment en qualité de propriétaire, d’actionnaire, d’administrateur, de dirigeant ou d’associé – il participe à une entreprise de radio-diffusion, il possède un intérêt pécuniaire ou un droit de propriété dans celle-ci ou il a pour principale activité la production ou la distribution de matériaux ou sujets d’émissions essentiellement destinés à être utilisés par celle-ci […] Les administrateurs sont tenus de se départir entièrement, dans les trois mois suivant leur transmission, des droits ou intérêts in- compatibles avec leur charge ». Aux termes de l’article 41, le président du conseil d’administration en « préside les réunions ». Sa charge « s’exerce à temps partiel ». La fonction principale est celle de président-directeur général de la société. L’article 42 de la loi précise qu’il « est le premier dirigeant de la société » et que, « à ce titre, il en assure la direction et contrôle la gestion de son personnel et peut exercer les autres attributions que lui confèrent les règlements administratifs de la société ».

Aux termes de la loi belge, l’administrateur général de la RTBF « est désigné par le Gouvernement », après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur une liste d’« au maximum trois candidats » présentée par le conseil d’administration de ladite société. Son mandat est normalement de six ans. Il fait cependant « l’objet d’une évaluation en milieu et en fin de mandat, par un collège de quatre experts externes désignés par le conseil d’administration. Une évaluation défavorable entraîne une délibération motivée à prendre par le Gouvernement sur le maintien ou la révocation de celui-ci dans sa fonction d’administrateur général ». Le même texte dispose que, « dans le cas où l’évaluation de fin de mandat est favorable, le Gouvernement peut renouveler le mandat de l’administrateur général sortant ». Il est encore prévu que « l’administrateur général ne peut être démis ou révoqué que par arrêté du Gouvernement, pris sur avis conforme du conseil d’administration statuant à la majorité qualifiée des deux tiers et après avoir été entendu par le Gouvernement ».

Au Japon, les douze gouverneurs qui constituent le conseil d’administration de la NHK sont nommés, pour trois ans, par le Premier ministre. Ils élisent leur président pour un mandat de six ans.

En Italie, les différents partis politiques avaient l’habitude de se répartir les postes de responsabilité des différentes chaînes publiques relevant de la RAI.

Dans la précédente loi espagnole du 10 janvier 1980, le conseil d’administration de la RTVE était composé de douze membres élus, à la majorité des deux tiers, pour moitié par la Chambre des députés et pour moitié par le Sénat. La présidence du conseil d’administration était tournante entre ses différents membres. La fonction essentielle était celle de directeur général, nommé, pour quatre ans, par le Gouvernement, après avis du conseil d’administration. Le Gouvernement pouvait mettre prématurément un terme à son mandat après avis du conseil d’administration ou sur la proposition des deux tiers de celui-ci.

Aux termes de la loi espagnole du 5 juin 2006 en vigueur aujourd’hui, le conseil d’administration de la RTVE continue d’être composé de douze membres dont huit sont désormais élus par la Chambre des députés et quatre par le Sénat, à la majorité des deux tiers de l’une ou l’autre assemblée. La Chambre des députés en désigne, à la même majorité, le président, parmi les membres du conseil d’administration. Les administrateurs sont normalement désignés pour six ans. Leur mandat peut cependant être interrompu sur décision prise par la Chambre des députés, à la majorité des deux tiers, de sa propre initiative ou sur proposition du conseil d’administration.

La « Charte » de la BBC, de juillet 2006, pose, en son article 6, à propos de « l’indépendance de la BBC », que celle-ci « est indépendante pour tout ce qui concerne ses programmes […] et sa gestion ».

Aux termes de l’article 7, « au sein de la BBC sont constitués un conseil et un comité exécutif […] Le rôle du conseil est de déterminer les orientations générales de la BBC […] et de superviser l’action du comité exécutif ». L’article 13 détermine la composition du Conseil : « un président, un vice-président et des membres » au nombre de dix, nommés par la Reine. L’article 14 prévoit que quatre des membres représentent l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. L’article 23 confie au Conseil le soin d’assurer « l’indépendance de la BBC ». Selon ce que prévoit l’article 29, le président du Comité exécutif est nommé par le Conseil d’administration. L’article 40 précise que le directeur général est membre du comité exécutif. Il assure la direction générale et « est responsable de la programmation ».

En Allemagne, s’agissant de l’ARD, constituée d’un réseau de chaînes régionales, leur assemblée désigne, chaque année, l’intendant de l’une d’entre elles comme président de la structure fédérative. Pour ce qui est de la ZDF, son intendant est désigné, pour cinq ans, par son assemblée composée de représentants des partis politiques, des organisations syndicales et des églises.

Aux termes de l’article 6 de son statut de novembre 1991 (révisé en novembre 2007), la Société suisse de radiodiffusion comprend une « assemblée des délégués », composée de 41 membres représentant les diverses sociétés de radiodiffusion locales constitutives. Selon l’article 7, l’assemblée des délégués nomme trois membres du conseil d’administration et le président du conseil d’administration de la SSR. Elle « approuve la nomination du directeur général ». Il y est précisé que « l’assemblée des délégués peut révoquer les personnes qu’elle a nommées ». L’article 10 précise que « le conseil d’administration est composé de 9 membres : a) les présidents de chacune des sociétés régionales (d’office) ; b) 3 membres désignés par l’assemblée des délégués ; c) 2 membres désignés par le Conseil fédéral ». L’article 15 dispose que « le directeur général coordonne la politique du groupe […]. Dans l’intérêt du groupe, il peut aussi donner des instructions concernant les activités du programme ».

Sans doute convient-il de tenir compte de ce que, au-delà des textes, ce sont les traditions et la pratique qui importent.

Professeur à l’Université Paris 2

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