Le marché de la publicité sur mobile est-il prêt à décoller ?

Seul secteur de la publicité en ligne à voir ses recettes augmenter plus vite au premier semestre 2009 qu’au premier semestre 2008, la publicité sur mobile apparaît de plus en plus comme un nouveau relais de croissance du marché publicitaire sur Internet, avec des atouts et inconvénients propres au support. Mais le marché publicitaire mobile doit encore se structurer.

Le marché de la publicité sur mobile réunit depuis la fin de l’année 2008 l’ensemble des conditions propices à son décollage. C’est ce qu’atteste une étude INEUM Consulting, réalisée en mars 2009 et intitulée « Marché de la publicité : après l’essor du web, au tour du mobile ? ». Dans cette étude, le cabinet de conseil insiste à la fois sur le taux de pénétration du mobile, sur les nouvelles applications mobiles en ligne et les nouveaux terminaux, et enfin sur la performance de la communication sur mobile, le tout pour prédire un décollage du marché publicitaire sur mobile. Celui-ci ne représentait fin 2008 que 0,6 % du total des investissements publicitaires dans le monde, soit près de 3 milliards de dollars, pour un marché publicitaire mondial évalué à 490 milliards de dollars.

La publicité mobile : un mode de communication entre médias de masse et de proximité

Le téléphone mobile est un support de communication dont le taux de pénétration excède de loin celui des médias traditionnels et qui, à terme, constituera le premier moyen d’accès à Internet dans le monde, l’accès par les lignes fixes de téléphonie étant réservé aux seuls pays disposant d’infrastructures filaires développées, essentiellement les pays d’Amérique du Nord, d’Europe de l’Ouest et quelques pays d’Asie. En effet, le taux de pénétration du mobile atteint en Europe 119 % (octobre 2008, Commission européenne), 91,3 % en France (février 2009, ARCEP) et le monde comptait 4,6 milliards d’abonnés fin 2007 (IUT, 2008).

Outre un taux important de pénétration, le téléphone mobile dispose d’atouts spécifiques par rapport aux autres supports de communication. L’étude INEUM recense certains de ces atouts en insistant notamment sur le fait que le téléphone mobile est d’abord un objet personnel qui accompagne son utilisateur quasiment en temps réel : 91 % des abonnés mobiles gardent leur téléphone à moins d’un mètre d’eux, 24 heures sur 24 et 365  jours par an ! Cet objet personnel par excellence autorise en outre, de par les applications qu’il supporte, divers types de communication publicitaire : la publicité dite push, celle dite pull et, enfin, la publicité interactive. Derrière ces termes se cachent en fait les différents modes de publicité sur téléphone mobile. La publicité dite push correspond à toutes les formes de communication où l’utilisateur reçoit de manière passive un message promotionnel, qui est « poussé » vers lui. Parmi ces formes de communication, les SMS et les MMS sont les plus utilisés, ainsi que toutes les formes de marketing géolocalisé, en lien donc avec l’environnement physique dans lequel évolue l’utilisateur du téléphone mobile.

Quant à la publicité dite pull, celle « tirée » par le consommateur et qui répond à une demande de sa part, elle prend souvent la forme de bannières sur les sites qu’ouvre l’internaute. Elle peut encore prendre la forme de SMS et MMS promotionnels sollicités, de liens sponsorisés sur les sites mobiles des moteurs de recherche, de parrainage pour les vidéos que l’utilisateur demande à voir, ou encore correspondre aux portails embarqués sur les mobiles et sélectionnés par défaut par l’utilisateur.

Enfin, la publicité interactive consiste en un échange avec le consommateur, souvent en lui communiquant des informations ou des promotions sur un produit en réponse à une demande, grâce à des systèmes d’étiquettes intelligentes, qu’il s’agisse de codes-barres lus par le mobile, stratégie très utilisée par les annonceurs au Japon, qu’il s’agisse encore de systèmes de reconnaissance d’image pour les mobiles intégrant un appareil photo, de communication bluetooth avec des bornes interactives, par exemple dans un magasin pour ensuite délivrer des coupons de réduction, ou alors de technologies dites NFC, une puce étant dans ce cas intégrée dans le mobile qui permet d’échanger des informations avec un lecteur (voir le n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008). En France, la technique d’identification par lecture optique d’un code graphique se développe grâce à l’adaptation par les différents opérateurs de la norme Datamatrix sous la marque Flashcode (voir le n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008).

Toutes ces manières de communiquer sur mobile font du téléphone portable un support polyvalent de communication, proche de la communication média quand il s’agit d’affichage de bannières et proche du hors-média quand il s’agit de l’envoi de SMS ou de MMS, sorte de e-mail (courriel) adapté au mobile. Grâce à son taux de pénétration, le mobile permet une communication de masse. En même temps, parce qu’il est un objet éminemment personnel et géolocalisable, il permet une communication personnalisée et de proximité. De ce point de vue, et encore plus que le Web, l’Internet mobile rapproche la communication média et hors-média au point d’en estomper parfois les frontières. Même si l’affichage de bannières et une campagne SMS restent distincts, le fait que ces deux formes de communication puissent être pilotées simultanément depuis un même support et adressées à un même destinataire change les stratégies des annonceurs, qui devaient dans l’univers physique juxtaposer les supports pour être en mesure de produire une communication « globale ». C’est bien là tout l’avantage de la communication sur mobile : le support permet une communication de masse et en même temps l’émission de messages personnalisés à un destinataire identifié. Cette personnalisation de la communication se traduit également dans un taux de clics – donc dans des performances – plus élevé sur mobile que sur Internet.

Les atouts et les limites de la publicité sur téléphone mobile

Selon l’Internet Advertising Bureau (IAB), cité par l’étude INEUM, le taux de clics sur le mobile avoisine les 10 % quand il n’est que de 1 % en moyenne sur Internet. Cet écart très important, alors même que le mobile est un objet personnel et que la communication publicitaire y est perçue comme plus intrusive que sur les autres supports, s’explique en fait par les contraintes légales et techniques qui obligent les régies mobiles à ne travailler que sur des bases d’adresses de clients ayant donné leur accord pour recevoir des messages publicitaires.

En effet, à l’exception des bannières sur des sites, la communication sur mobile par e-mail, SMS ou MMS relève en France du dispositif mis en place par la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004, qui impose d’obtenir l’accord préalable de la personne à qui l’on envoie un message à caractère publicitaire. Cette obligation dite opt-in est énoncée par la directive européenne du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment du commerce électronique, dont la LCEN est la transposition en droit français. Elle a pour conséquence de limiter l’envoi de SMS et MMS publicitaires sur mobile aux seuls utilisateurs ayant donné leur accord, donc à des utilisateurs qui ressentiront moins la publicité comme intrusive et qui en attendent une information commerciale intéressante pour eux. Les bases de données des opérateurs pour la publicité mobile portent donc sur des individus identifiés et optinés, ayant donné un consentement préalable. Elles sont limitées en nombre mais très bien maîtrisées, avec un ciblage important des utilisateurs.

Cette contrainte légale se transforme en atout dès lors que les bases optinées des opérateurs sont suffisamment importantes pour toucher une cible élargie. En effet, même si la communication mobile autorise une communication de masse, le coût d’envoi des SMS, et encore plus des MMS, est beaucoup plus élevé que celui d’un e-mail dans une campagne classique sur Internet. Cette contrainte technique, qui a une conséquence économique, neutralise en partie les contraintes de l’opt-in puisqu’elle conduit les annonceurs à ne cibler que des utilisateurs identifiés et favorables à la communication publicitaire sur leur mobile. La communication publicitaire sur mobile, notamment par SMS, est donc beaucoup plus ciblée et segmentée que la communication publicitaire sur Internet, ce qui se traduit par des rendements plus élevés des campagnes.

La communication graphique sur mobile, c’est-à-dire les bannières, bénéficie elle aussi des contraintes techniques propres au support. La taille des écrans, si elle impose des contraintes spécifiques en matière d’affichage, se révèle être un atout par rapport aux sites Web accessibles depuis un écran d’ordinateur : seule une bannière apparaît sur chaque site mobile, l’exposition étant de ce fait plus efficace, car l’attention est alors concentrée sur un seul message publicitaire. Mais l’affichage sur mobile reste pénalisé par la multiplicité des systèmes d’exploitation des terminaux mobiles, obligeant les régies à adapter la taille de leurs bannières et les fonctions associées. Reste que le nombre limité de bannières sur les pages mobiles a un effet positif sur le marché : la disponibilité des espaces est réduite et le décalage constaté sur le Web « classique » entre l’offre et la demande n’est pas perceptible sur le Web mobile. Les remises des régies mobiles sont de ce fait moins importantes, avoisinant 30 % quand elles montent facilement à 80 % pour les sites Web classiques. Selon l’étude INEUM, malgré des tarifs bruts plus attrayant pour les bannières sur mobile, on constate ainsi un coût pour mille (CPM) net moyen trois fois plus important sur le mobile, à 15 euros contre 5 euros nets pour le Web « classique ».

Enfin, dernier avantage propre au mobile, la géolocalisation devrait faire de ce support le moyen par excellence de la communication de proximité et interactive, en temps réel. Les solutions techniques interactives, si elles existent, doivent encore se démocratiser et le marché se structurer, mais les perspectives offertes sont nombreuses. De ce point de vue, à quelques expérimentations près, comme Nokia qui propose une offre de ciblage géographique depuis octobre 2008 dans dix grandes villes américaines, le marché de la publicité sur mobile reste d’abord concentré sur le seul canal standardisé : le SMS. Toutefois, tous les paramètres d’un marché structuré se mettent progressivement en place. Ainsi, le 8 juillet 2009, l’Association française pour le multimédia mobile, qui regroupe les trois opérateurs mobiles français, Orange, SFR et Bouygues, annonçait avoir retenu Médiamétrie pour établir une mesure d’audience unique de l’Internet mobile, permettant ainsi aux annonceurs et aux régies de travailler sur des chiffres partagés. A la différence du Web classique où l’audience des sites est établie à partir de panels d’internautes, l’audience du Web mobile sera établie directement grâce aux informations communiquées par les opérateurs mobiles, exploitant ainsi la totalité des données d’usage de leur client, les résultats étant rendus anonymes.

Des spécificités de marché importantes pour la communication sur mobile

Malgré son nombre de caractères limité (160 signes), le SMS est le premier canal de la communication sur mobile. Selon Advertsing Age, en 2007, les SMS/MMS représentaient à eux seuls 92 % des actions de communication sur mobile, contre 8 % pour les bannières et autres catégories de la publicité en mode pull. Mais ce canal de communication est appelé à se développer.

La communication en mode pull est déjà prédominante aux Etats-Unis, où 90 % des investissements se font sur ce canal, dans la mesure où la réception de SMS et MMS a été longtemps facturée par les opérateurs américains. Le mode pull s’impose également en Italie et au Royaume-Uni, quand 70 % des investissements en France restent dédiés au push. Mais le pull est amené à croître partout avec le développement de l’Internet mobile grâce aux réseaux 3G, quand la communication SMS se satisfait sans difficultés des performances offertes par le réseau GSM (2G). En effet, le développement des offres d’accès illimité et à haut débit à l’Internet mobile va à coup sûr entraîner une hausse de la fréquentation des sites Web mobiles, et donc du marché des bannières sur ces sites. A cela s’ajoute l’apparition de terminaux mobiles de mieux en mieux adaptés à la navigation en mobilité, dont l’iPhone d’Apple est sans aucun doute le terminal le plus représentatif. Lancé en novembre 2007, l’iPhone d’Apple s’était écoulé à plus de 21 millions d’exemplaires en juin 2009. Et les utilisateurs de l’iPhone tirent la consommation de l’Internet mobile, puisqu’ils y passent 50 fois plus de temps que les autres utilisateurs de mobiles 3G, si l’on en croit Julien Veillon, directeur de la publicité mobile chez Dare Digital London, cité dans l’étude INEUM. Autant dire que sur mobile, l’expérience utilisateur varie d’un opérateur à l’autre et que le marché est encore très segmenté.

Cette segmentation se traduit également dans la stratégie des opérateurs, qui cherchent à contrôler l’accès de leurs clients à l’Internet mobile en les faisant dépendre de leur portail, dans une stratégie dite Walled Garden. Ainsi, en France, 85 % des connexions à l’Internet mobile passent par les portails des opérateurs, l’I-mode de Bouygues, Vodafone Live pour SFR ou encore le portail Orange pour France Télécom. Mais, là encore, la situation devrait évoluer et l’accès à l’Internet mobile s’ouvrir au pro- fit des pure Internet players du Web mobile, comme ce fut le cas sur l’Internet fixe, où les connexions étaient dans les premiers temps effectuées à partir des portails des fournisseurs d’accès à Internet, dont AOL a été l’emblème, quand aujourd’hui un moteur de recherche par défaut constitue souvent la première porte d’entrée sur le Web « classique ». Les acteurs d’Internet ne s’y sont pas trompés, qui tentent chacun de se positionner sur les futurs carrefours de l’Internet mobile, à l’instar de Google qui a développé le système de navigation pour mobile Android, qu’il propose à tous les fabricants de terminaux et grâce auquel il est possible d’accéder à Internet depuis son téléphone portable sans passer par le portail de son opérateur (voir le n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008). C’est donc sur le off portal, c’est-à-dire les sites Web mobiles accessibles indépendamment du portail mobile de son opérateur, que la publicité sur mobile est amenée à se développer demain. Et les pionniers de l’Internet mobile indiquent la voie. Le premier marché de la publicité mobile au monde, le Japon, avec 1,55 milliard de dollars de recettes publicitaires sur mobile en 2008 selon l’IDATE, soit 53 % du marché dans son ensemble, se caractérise ainsi par une navigation off-portal de 60 %.

Sources :

  • Marché de la publicité : après l’essor du Web, au tour du mobile ?, INEUM Consulting, 2009.
  • « L’Internet mobile se dote d’un outil de mesure d’audience exhaustif », Association française du multimédia mobile, 8 juillet 2009.
  • « Publicité sur mobile : enfin un outil commun de mesure d’audience », Olivier Chicheportiche, ZDNet, 8 juillet 2009.

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