L’Autorité française de la concurrence précise les contours d’une position dominante de Google sur le marché de la publicité en ligne

La condamnation de Google dans l’affaire Navx a été l’occasion, pour l’Autorité française de concurrence, de préciser que le marché des liens sponsorisés pouvait être considéré comme « pertinent » pour l’examen d’une position dominante. Cet avis aura sans aucun doute une influence sur la décision de la Commission européenne, saisie par trois plaignants à l’encontre du moteur de recherche.

Après le jugement de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu le 23 mars 2010, qui validait la légalité d’AdWords en matière de droit des marques, en l’absence notamment de « rôle actif » de Google dans la vente des mots clés mis aux enchères (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010), l’avis de l’Autorité française de la concurrence dans le conflit opposant Navx à Google, rendu le 30 juin 2010, pourrait au contraire renforcer les contraintes pesant sur le système d’achat de mots clés du moteur de recherche.

Navx avait saisi l’Autorité de la concurrence en février 2010 après que Google eut refusé, en novembre 2009, de diffuser les liens sponsorisés que la société achetait sur AdWords. Navx, qui édite des bases de données permettant de localiser les radars routiers et les stations essence, s’était appuyé sur les liens sponsorisés de Google pour développer son activité de vente au grand public : la société a dépensé plus de 700 000 euros en 2008 et 2009 pour l’achat de mots clés sur Google, qui lui ont permis de réaliser par les renvois d’audience effectués depuis le moteur de recherche entre 60 % et 83 % de son chiffre d’affaires mensuel. En suspendant la mise en ligne des liens sponsorisés de Navx, Google a donc pénalisé grandement la société, qui était devenue dépendante du moteur de recherche. Quatre jours après cette suspension, Google adressait un courrier à la société lui indiquant que la publicité pour les détecteurs de radars était contraire « à la politique de contenus » sur AdWords. C’est cette justification que Navx a dénoncée en s’adressant à l’Autorité de concurrence, laquelle a pu constater que Navx, qui propose des cartes et non des détecteurs de radars stricto sensu, avait pour concurrent des entreprises comme Tom Tom, qui n’ont pas été exclues du système AdWords. Dans son avis du 30 juin 2010, l’Autorité de concurrence a donc d’abord dénoncé « le manque d’objectivité et de transparence » de la politique d’AdWords, qui a conduit à « traiter de façon discriminatoire » Navx par rapport à ses concurrents. L’Autorité de concurrence a par ailleurs donné à Google cinq jours pour rouvrir le compte AdWords de Navx, et quatre mois pour clarifier les conditions d’achat des mots clés, notamment pour la commercialisation des radars routiers.

Cet avis, à titre conservatoire, devrait être suivi en 2011 d’un jugement sur le fond. Mais il donne des indications sur la position de l’Autorité française de la concurrence à l’égard du marché de la publicité sur Internet. L’autorité, qui a été saisie sur ce sujet pour avis par le gouvernement français en février 2009, a en effet considéré, dans l’affaire Navx, que l’entreprise Google « doit être regardée comme détenant une position dominante sur le marché de la publicité liée aux recherches ». Autant dire que l’Autorité de concurrence semble considérer le marché des liens sponsorisés comme un marché pertinent, sur lequel des positions dominantes peuvent être examinées. Sur ce point, Google, qui contrôle en France 90 % du marché des liens sponsorisés, plaide au contraire en faveur de la prise en compte du marché publicitaire dans sa totalité, en incluant notamment les bannières où la concurrence entre régies est plus vive.

Afin de donner suite à l’avis de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire Navx, Google a précisé, le 8 juillet 2010, que la publicité est désormais autorisée pour les bases de données et les logiciels de détection de radars en France et en Pologne. Depuis le 14 septembre 2010, le groupe a également libéralisé l’achat des noms de marques sur AdWords, après le jugement de la CJUE. Reste que le précédent constitué par l’avis de l’Autorité française de la concurrence pourrait inciter les autorités européennes à lancer une enquête sur les pratiques de Google à la suite des plaintes, déposées par Ciao, sur les conditions commerciales d’AdWords, et par ejustice.fr et Foundem sur les conditions de référencement.

L’avis de l’Autorité française de la concurrence valide en revanche la politique commerciale d’AdWords qui est d’exclure certaines publicités, à condition que le processus soit transparent pour tous les annonceurs. L’abus de position dominante ne pourra donc être constaté qu’au cas par cas, sur certains des aspects des contrats AdWords, comme ce fut le cas avec Navx. Par ailleurs, concernant les conditions de référencement, certains annonceurs dénoncent une absence de neutralité dans les résultats du moteur de recherche. Ces entorses – jamais prouvées – à la search neutrality ont ainsi conduit à l’ouverture au Texas de la première enquête contre Google sur ce sujet à la suite d’une plainte déposée de nouveau par Foundem, associé à SourceTool et myTriggers.

Sources :

  • « Liens sponsorisés : Google épinglé par l’Autorité française de concurrence », AFP, 30 juin 2010.
  • « L’Autorité de la concurrence épingle les liens sponsorisés de Google », Le Monde, 30 juin 2010.
  • « L’Autorité de la concurrence rappelle Google à l’ordre sur son service AdWords », Solveig Godeluck, Les Echos, 1er juillet 2010.
  • « Le français Navx fait condamner le géant Google », Marc Cherki, Le Figaro, 1er juillet 2010.
  • « L’impartialité commerciale de Google mise en cause », Jean-Baptiste Jacquin, La Tribune, 1er juillet 2010.
  • « Google libéralise la gestion des marques sur AdWords », Nicolas Rauline, Les Echos, 5 août 2010.
  • « Actualité judiciaire chargée pour Google », I.R., La Tribune, 6 septembre 2010.

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