Responsabilité du « producteur » d’un service de communication au public en ligne : condition d’une fixation préalable

Pour se prononcer sur les conditions de mise en jeu de la responsabilité pénale du producteur d’un service de communication au public en ligne, le Conseil constitutionnel avait été saisi en application de la procédure nouvelle de contrôle de la conformité d’une loi à la Constitution que sont les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). A l’occasion d’un litige, celles-ci permettent désormais, aux justiciables, de contester, devant tout juge, la constitutionnalité d’une disposition législative dont il pourrait leur être fait application. En l’espèce, dans sa décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011, le Conseil constitutionnel s’est livré à ce qui est qualifié de « réserve d’interprétation » pour déterminer les conditions de la possible mise en jeu de la responsabilité pénale du « producteur » d’un service de communication au public en ligne, dans le cadre de ladite « responsabilité en cascade » (descendant, à défaut du directeur de la publication, à l’auteur, et à défaut de l’auteur, au producteur) définie, à l’origine, à l’égard de la communication audiovisuelle (radio et télévision), étendue désormais à l’ensemble des services de « communication au public par voie électronique », par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, et applicable notamment aux infractions (diffamation, injure, racisme…) définies par la loi du 29 juillet 1881 et par quelques autres textes qui retiennent cette même forme de responsabilité.

A la différence du « directeur de la publication », à propos duquel il est expressément posé, par l’article en cause, qu’il ne peut être tenu pour pénalement responsable de ces infractions que « lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public », la rédaction de l’article en cause conduisait jusqu’ici, « à défaut » du premier, à engager la responsabilité de « l’auteur, et à défaut de l’auteur », celle du « producteur », sans la subordonner à une condition de « fixation préalable ». Comprise, à l’origine, comme signifiant un enregistrement de paroles et de sons par quelque moyen que ce soit (bande magnétique, support numérique), cette notion doit, en fonction de l’évolution des techniques notamment numériques et de leurs usages, être appliquée à tout procédé qui permet de prendre connaissance du message litigieux avant sa mise à disposition du public et, en conséquence, de s’y opposer. Le producteur ayant ainsi connaissance d’un tel contenu et n’ayant pas fait obstacle à sa diffusion, il peut être alors justifié que sa responsabilité se trouve engagée. Tout autre situation ferait notamment peser, sur le producteur, une présomption de culpabilité, contraire au principe fondamental de présomption d’innocence et introduirait une inégalité de traitement entre les directeurs de publication et les producteurs.

Grâce à une formulation qui pourrait être plus explicite, mais sans pouvoir cependant procéder lui-même à une rédaction nouvelle dudit article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, le Conseil constitutionnel considère que la disposition contestée ne saurait être interprétée « comme permettant que le créateur ou l’animateur » (sans doute est-ce ainsi qu’il identifie le producteur) « d’un site de communication au public en ligne (…) voie sa responsabilité engagée en sa qualité de producteur à raison du seul contenu d’un message dont il n’avait pas connaissance avant la mise en ligne ». Il conclut que, « sous cette réserve, les dispositions contestées ne sont pas contraires » aux principes de valeur constitutionnelle et, en conséquence, que « l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ».

Cela pourrait être formulé de manière plus positive. En clair : la responsabilité pénale du « producteur » (dont la fonction mériterait éclaircissements et précisions) d’un service de communication au public en ligne ne pourra désormais, dans la « cascade », être engagée qu’en cas de « fixation préalable ».

 

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