Filtrage d’Internet. Responsabilités et obligations des fournisseurs d’accès

Se fondant sur diverses directives, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie d’une « demande de décision préjudicielle » par une juridiction belge, rappelle, dans un arrêt du 24 novembre 2011, Scarlet Extended SA c. Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs (SABAM) et autres (voir infra), le principe de limitation de responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et, en conséquence, d’exclusion de filtrage généralisé des contenus qu’ils rendent disponibles, sauf en certaines circonstances et à certaines conditions.

Exclusion de mesures générales de filtrage

Pour rappeler le principe de la limitation de responsabilité, sinon d’exclusion totale de responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet, l’arrêt emprunte à la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, dite « commerce électronique ». En son article 12, celle-ci énonce que « les Etats membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à transmettre, sur un réseau de communication, des informations fournies par le destinataire du service ou à fournir un accès à un réseau de communication, le prestataire de services ne soit pas responsable des informations transmises ».

Des différentes directives (2001/29/CE, du 22 mai 2001, dite « droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information » ; 2004/48/CE, du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ; 95/46/CE, du 24 octobre 1995, relative au traitement des données à caractère personnel ; 2002/58/CE, du 12 juillet 2002, ayant  même objet) dont elle assure l’interprétation, la Cour de justice conclut qu’elles « s’opposent à une injonction faite à un fournisseur d’accès à Internet de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services […] qui s’applique indistinctement à l’égard de toute sa clientèle ; à titre préventif ; à ses frais exclusifs et sans limitation dans le temps […] en vue de bloquer le transfert de fichiers ».

Recevabilité de mesures particulières de filtrage

L’exclusion de mesures générales de filtrage n’empêche cependant pas la possibilité de recourir à des mesures particulières, en certaines circonstances et à certaines conditions.

De la directive du 8 juin 2000, la CJUE retient notamment la formulation des considérants 45 et 47 selon lesquels : « les limitations de responsabilité des prestataires de services […] sont sans préjudice de la possibilité d’actions en cessation de différents types » et « l’interdiction, pour les Etats membres, d’imposer aux prestataires de services une obligation de surveillance ne vaut que pour les obligations de caractère général. Elle ne concerne pas les obligations de surveillance applicables à un cas spécifique ». Elle considère que n’en est pas affectée « la possibilité, pour une juridiction ou une autorité administrative » (ce qui, du point de vue du respect des libertés, peut paraître pourtant plus gênant, comme l’a considéré le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009, à propos des compétences, que le législateur avait voulu donner à la Hadopi, en matière de suspension de l’accès à Internet), « conformément aux systèmes juridiques des Etats membres, d’exiger du prestataire qu’il mette un terme à une violation ou qu’il prévienne une violation ».

De la directive du 22 mai 2001, dite « société de l’information », l’arrêt emprunte notamment la disposition de l’article 8 selon laquelle « les Etats membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit » de propriété intellectuelle. Sur décision de justice, les fournisseurs d’accès peuvent, à tout le moins, être contraints de mettre ainsi en œuvre des mesures particulières de filtrage et de blocage des contenus dont ils assurent la mise à disposition du public.

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