Disney donne à Netflix les moyens de constituer une offre premium

En s’accordant avec Netflix pour une diffusion en exclusivité de ses films, Disney est la première grande major hollywoodienne à préférer un service de SVoD aux chaînes payantes pour valoriser ses droits. Ce choix confirme la montée en puissance des offres délinéarisées de télévision, au détriment des offres payantes de chaînes, obligeant ces dernières à investir dans la création originale pour mieux fidéliser les abonnés déjà conquis.

Netflix, le loueur de DVD par courrier, repositionné en plateforme de SVoD (Subscription VoD ou en français VADA, vidéo à la demande par abonnement) s’impose comme un acteur majeur du paysage audiovisuel américain après l’annonce de la signature d’un accord avec Disney en décembre 2012. Dès 2013, Netflix pourra proposer à ses abonnés les films de Disney le jour de leur sortie en vidéo (DVD). En 2016, Netflix disposera en outre d’une exclusivité pour proposer en streaming à ses abonnés les films produits par Disney, Marvel et Pixar, les trois studios de dessins animés du groupe Disney, entre sept et neuf mois après leur sortie en salle. Netflix disposait déjà d’un accord de ce type avec le studio Dreamworks.

Netflix remplace donc chez Disney son partenaire traditionnel, la chaîne Starz, qui bénéficiait jusqu’alors de la première fenêtre de diffusion sur les écrans de télévision. La SVoD l’emporte par conséquent sur les chaînes payantes du câble et du satellite, une évolution dont Disney prend acte avant les autres grands studios américains. Netflix, qui poursuit sa croissance à marche forcée pour faire face à l’augmentation du coût des droits, est devenu un véritable concurrent des chaînes payantes : il compte 25 millions d’abonnés aux Etats-Unis fin 2012, plus que Starz et ses 20,7 millions d’abonnés. Et Netflix finance désormais les studios qui voient dans la SVoD un moyen de mieux valoriser leurs productions alors que l’économie des chaînes payantes est menacée par le développement de la consommation délinéarisée de vidéos. Netflix a ainsi augmenté de 41,5 % ses achats de droits au premier semestre 2012 par rapport au premier semestre 2011, avec un investissement de 1,4 milliard dollars contre 804,9 millions de dollars un an plus tôt. L’accord avec Disney est de son côté estimé par les analystes aux alentours de 350 millions de dollars par an. Disney a par ailleurs, dans le même temps, abandonné son propre service de SVoD Movies Online dès la fin 2012. Le groupe reste toutefois présent au sein de Hulu, créé en 2007 par les studios américains pour concurrencer YouTube et désormais Netflix, mais qui, du fait de son modèle initial de gratuité, ne comptait fin 2012 que 2 millions d’abonnés payants aux Etats-Unis.

Pour faire face à la hausse de ses dépenses d’achat de droits, Netflix doit fidéliser ses abonnés sur son marché historique, les Etats-Unis, et en conquérir de nouveaux, notamment à l’extérieur. Netflix comptait ainsi, fin 2012, 4,3 millions d’abonnés en dehors des Etats-Unis, dans les pays où il est implanté, le Canada et l’Amérique latine, et l’Europe depuis 2012 avec le lancement de son service au Royaume-Uni et en Irlande, où il a fidélisé en sept mois un million d’abonnés, mais également en Norvège, au Danemark, en Suède et en Finlande. Aux Etats-Unis, Netflix espère une hausse de 20 % de son nombre d’abonnés en 2013 et compte notamment sur l’accord avec Disney pour faire baisser son taux de résiliation, les programmes familiaux des catalogues de Disney, Marvel et Pixar favorisant un plus grand attachement des foyers à son offre de SVoD. Pour la chaîne Starz, clairement pénalisée par l’accord entre Disney et Netflix, les économies liées à la perte des droits Disney seront réinvesties dans la production de programmes originaux, suivant ici le modèle de HBO qui a également inspiré en France la stratégie du groupe Canal+ (voir REM n°21, p.79). En effet, les productions originales ont permis à la chaîne HBO, ancêtre de toutes les chaînes premium, de conserver ses abonnés et lui offrent désormais les moyens d’une expansion internatio- nale grâce à la SVoD, HBO proposant ses programmes directement aux téléspectateurs européens grâce à des partenariats locaux en Europe de l’Est et dans les pays nordiques. Comme Disney, HBO cherche à rentabiliser également ses productions sur les nouveaux supports délinéarisés et non plus seulement grâce aux chaînes payantes qui, selon Analysis Masson, devrait voir le nombre de leurs abonnés baisser légèrement à l’horizon 2017 du fait de la concurrence des services déli- néarisés dits over the top (voir REM n°24, p.50).

Sources :

  • « L’américain HBO vendra ses séries directement aux téléspectateurs européens », Marion-Jeanne Lefebvre, Les Echos, 22 août 2012.
  • « Malgré de mauvais résultats financiers, Netflix continue d’étendre sa présence mondiale », Nathalie Charles, mediamerica.org, 13 novembre 2012.
  • « Avec Disney, Netflix bouscule la télé payante », Karl de Meyer, Les Echos, 6 décembre 2012.
Alexandre Joux, directeur de l'Ecole de journalisme et de communication d'Aix-Marseille (EJCAM), Aix-Marseille Université, IRSIC (Institut de recherche en sciences de l'information et de la communication)

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