L’innovation en circuit fermé : le modèle Apple face à ses limites

Après être devenu la plus grande capitalisation boursière de l’histoire à l’été 2012, Apple a vu son titre fondre de 20 % en deux mois, juste après la sortie de l’iPhone 5 et de l’iPad mini, deux produits qui auraient dû au contraire relancer la confiance des investisseurs. Car l’entreprise, connue pour ses innovations de rupture, est de plus en plus concurrencée par des acteurs extrêmement agiles. Le sud-coréen Samsung est capable de proposer des terminaux haut de gamme face aux produits d’Apple. Avec leur modèle de gratuité ou de vente à perte, des pure players du Web comme Google et Amazon sont capables de remettre en cause la domination d’Apple sur les marchés que l’entreprise a pourtant créés. Les procès intentés par Apple ne font en l’occurrence que retarder l’échéance des concurrences nouvelles.

Apple affole la Bourse

En atteignant, le 10 avril 2012, 644 dollars par action, Apple s’est imposé une première fois comme la première capitalisation boursière du monde, devant Exxon Mobile. Le titre bénéficie en effet des performances exceptionnelles de l’iPhone, dont les ventes représentent près de la moitié du chiffre d’affaires du groupe, mais également des très bonnes performances de l’iPad, lequel représente depuis 2012 un quart du chiffre d’affaires du groupe. Ces deux terminaux, l’iPhone sorti en 2007 et l’iPad sorti en 2010, sont en effet l’emblème ou le symbole d’Apple et de sa capacité à inventer et à ouvrir de nouveaux marchés. Ce sont eux qui tirent la croissance du groupe et justifient l’envolée de sa capitalisation boursière, qui a doublé entre 2011 et 2012.

Pourtant, Apple était victime d’une première alerte en Bourse le 16 avril 2012. Le titre chutait de 4,15 % et la capitalisation boursière du groupe diminuait en une journée de 23,4 milliards de dollars. Sur une semaine, 10 % de la valeur en Bourse du groupe s’évaporait, soit 59,5 milliards de dollars. La raison d’une telle chute était à chercher dans les inquié- tudes des investisseurs à l’égard des ventes d’iPhone, dont le groupe est dépendant. En effet, sur le marché américain où Apple réalise le tiers de ses ventes d’iPhone, Verizon venait d’annoncer la mise en place d’une politique moins avantageuse de subventionnement des mobiles.

Le 17 avril 2012, la courbe s’inversait et l’action Apple repartait à la hausse grâce à des perspectives optimistes communiquées par les investisseurs, en attente alors d’un nouvel iPhone et surtout d’un nouveau marché à imaginer et à conquérir, celui de la télévision connectée. Le 25 juillet 2012, une nouvelle chute de 5 % du cours en Bourse du groupe, en une seule journée, témoignait encore de la fébrilité des investisseurs : Apple n’avait vendu que 26 millions d’iPhone 4S lors du deuxième trimestre 2012, contre 35 millions au premier trimestre. Le titre repartait ensuite à la hausse, la chute des ventes d’iPhone étant expliquée par l’attentisme des consommateurs impatients de pouvoir s’offrir la version 5 de l’iPhone.

C’est cette dernière qui, grâce à des rumeurs bien orchestrées, aura permis au groupe d’atteindre la plus haute capitalisation boursière de l’histoire le 20 août 2012 à 623 milliards de dollars en séance, soit 20 % du PIB français ! La raison d’une telle envolée du cours s’expliquait de nouveau par les perspectives ouvertes par le lancement de l’iPhone 5, mais également par l’arrivée probable d’un iPad mini et des rumeurs persistantes sur le lancement d’une iTV. La confirmation a suivi. Le 12 septembre 2012, l’iPhone 5 était présenté avec l’annonce d’une commercialisation prévue le 21 septembre. Le 2 novembre 2012, l’iPad mini était à son tour mis sur le marché. Et la hausse du titre a duré jusqu’au 19 septembre 2012 où l’action a atteint 702 dollars en clôture du Nasdaq.

Or, depuis ce pic de septembre 2012, la chute du titre semble ne plus devoir s’interrompre, alors même qu’Apple a sorti une nouvelle version de son iPhone et une déclinaison de l’iPad, ses deux produits emblématiques : mi-novembre, le titre Apple avait perdu 20 %, soit une baisse de capita- lisation d’environ 150 milliards de dollars en deux mois. Le 5 décembre 2012, l’action chutait encore brutalement de 6,43 % en journée, soit une perte de valorisation boursière de près de 35 milliards de dollars.

Les raisons de cette baisse sont nombreuses. La première d’entre elles est tout simplement liée à la prise de bénéfices des investisseurs, l’action Apple ayant, malgré ses baisses, gagné plus de 30 % depuis le 1er janvier 2012. La deuxième d’entre elles est plus structurelle et traduit la perte relative de confiance des investisseurs à l’égard du modèle iPhone et iPad. Les deux locomotives actuelles du groupe ne seraient pas en passe de reproduire l’éclatant succès du groupe avec l’iPod, à savoir la prise de contrôle d’un marché avec l’imposition de produits haut de gamme aux marges élevées. Le marché des smartphones comme celui des tablettes serait en train de basculer dans un univers grand public où les leaders s’appellent Google, Amazon et Samsung, Apple ne conservant que le très haut de gamme. Le risque est donc, pour Apple, de se retrouver de nouveau dans une situation d’outsider comme il l’a été sur le marché des PC avec ses Mac, quand l’alliance Wintel, celle de Microsoft et d’Intel, a historiquement contrôlé plus de 95 % du marché.

Enfin, si Apple n’est finalement pas en mesure de monopoliser le marché des smartphones et des tablettes, comme il y est parvenu sur la musique en ligne et les baladeurs, une révolution sera nécessaire : Apple devra inventer le nouveau marché qu’il parviendra à contrôler. Or les rumeurs sur l’iTV, alors même que l’Apple TV existe depuis 2007, ne suffisent pas aux yeux des investisseurs à compenser le recul d’Apple sur les marchés des smartphones et des tablettes.

De l’iPod à l’iPhone 5, d’une innovation de rupture à une innovation incrémentale

En revenant à la tête d’Apple dès 1997, Steve Jobs a accéléré la mue de la société qu’il a fondée en 1976, grâce notamment à une diversification qui a fait sortir l’entreprise du seul marché de la production d’ordinateurs. Cette diversification s’incarne une première fois en 2001 avec le lancement de l’iPod, un baladeur musical qui va métamorphoser l’image du groupe. En effet, avec l’iPod, Apple fait la preuve qu’il est capable de réinventer des marchés, en l’occurrence celui de la musique, en même temps qu’elle prouve sa capacité à réaliser des bénéfices avec des terminaux au cœur des nouveaux marchés imaginés.

A la suite du lancement du nouveau terminal, Steve Jobs a convaincu Warner Music et Universal Music de lui laisser l’accès à leurs catalogues pour lancer un service de musique en ligne, sans partager avec eux les bénéfices liés aux ventes d’iPod. Ce sera la naissance d’iTunes Music Store en 2003 qui correspond à la véritable innovation de rupture dans le domaine de la musique en ligne. Avec iTunes, Apple lie le terminal à une plateforme de services par l’intermédiaire duquel le consommateur accède à ses contenus : les contenus, ici la musique, servent à valoriser un terminal le temps que celui-ci, grâce à ses services (l’ensemble des fonctionnalités et la structure de l’offre d’iTunes) devienne un objet de désir. Dès lors, l’iPod s’impose comme « le » lecteur de musique numérique, celui pour lequel le consommateur est également prêt à télécharger légalement des titres. Il relègue au rang de commodités essentielles, peu chères et grand public, l’ensemble des autres lecteurs dits « MP3 ».

Grâce à cette stratégie, l’iPod a écarté du marché des lecteurs musicaux tous ses concurrents, sauf sur les produits d’entrée de gamme. En 2012, Apple contrôle encore 70 % du marché des lecteurs musicaux grâce à ses iPod, qu’il a déclinés du haut de gamme vers le très haut de gamme, avec l’iPod Shuffle à 39 euros et l’iPod Touch à 439 euros. De ce point de vue, le succès de l’iPod est pour Apple un cas d’école : inventer un marché de l’électronique grâce à un terminal et un service, en s’appuyant sur un marché du divertissement que l’on investit en le renouvelant, puis conserver la domination totale du marché pour continuer de vendre les terminaux haut de gamme produits par le groupe et générant des marges élevées.

Cette stratégie a été initialement reproduite avec les premières gammes d’iPhone. Commercialisé aux Etats-Unis dès juillet 2007 (voir REM n°2-3, p.15), l’iPhone est complété dès juillet 2008 par l’App Store, un magasin d’applications dédié à l’iPhone. Au terminal innovant, avec l’écran tactile qui s’impose dès la première version de l’iPhone, s’ajoute donc encore une plateforme de services qui doit faire de l’iPhone un mini-ordinateur portable, objet tout à la fois de divertissement et de communication, et surtout pas un téléphone comme un autre. La rupture que constitue l’iPhone en termes d’usages de l’Internet mobile va se traduire très rapidement dans le chiffre d’affaires du groupe, l’iPhone comp- tant désormais pour la moitié de celui-ci et pour 60 % de ses bénéfices.

Comme pour l’iPod, l’iPhone va être décliné afin de conserver la domination sur le marché. Si l’iPod a été décliné en versions de différents formats, l’iPhone suivra toutefois un autre chemin : à la sortie de chaque nouvelle version, l’ancienne version voit son prix baisser, ce qui permet d’élargir la gamme sans sortir des produits totalement origi- naux. Or c’est là justement que se trouve probablement la limite de la stratégie d’Apple déployée pour l’iPhone : la sortie de l’iPhone 5 ne rend pas caducs ou périmés les modèles d’iPhone 4S ou d’iPhone 4. D’une innovation de rupture, on passe donc à une innovation incrémentale : chaque nouvelle version d’iPhone complète la précédente plutôt que de la faire disparaître. Et c’est peut-être là finalement le cœur de la logique d’Apple. Le groupe est connu pour avoir pris le risque de cannibaliser ses propres produits, l’iPhone devant se substituer à l’iPod, comme aujourd’hui l’iPad semble se substituer au Mac Book. Il décline en fait une gamme élargie de produits sans véritablement les abandonner. L’iPhone a de ce point de vue relancé Apple après que le monde s’est équipé en iPod, comme l’iPad risque d’être demain le relais de croissance quand les ventes d’iPhone s’essouffleront. Car il y a effectivement un risque d’essoufflement si l’on considère les performances de l’iPhone 5.

Dévoilé le 12 septembre 2012 et commercialisé depuis le 21 septembre 2012, l’iPhone 5 affiche des ventes record avec cinq millions de terminaux écoulés dès les trois premiers jours de commercialisation. L’iPhone restera donc en 2012 et en 2013 le terminal le plus vendu dans le monde. Mais le succès de l’iPhone 5 ne se traduit pas par une chute des ventes de son prédécesseur, l’iPhone 4S, et les ventes de l’iPhone 5 n’ont pas dépassé en volume celles de l’iPhone 4S. Si Apple est parvenu fin 2012 à vendre 58 % d’iPhone en plus par rapport à 2011, c’est donc en cumulant l’iPhone 5 et d’anciens modèles moins chers, ce qui implique des marges moins élevées.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. La première d’entre elles est le prix. Vendu 679 euros en France sur le site d’Apple, l’iPhone 5 coûte 50 euros de plus que l’iPhone 4S de 16 Go. Et il faut ajouter à cela une nouvelle connectique, baptisée Lightning, qui rend obsolète, sauf à acheter un adaptateur, les stations iPod et autres accessoires du foyer. Avec un abonnement, le coût d’un iPhone 5 est de 150 euros, mais de 100 euros pour un iPhone 4S, et l’iPhone 4 est désormais offert en échange d’un engagement de deux ans. Qu’apporte donc l’iPhone 5 qui devrait inciter à payer plus cher et ne pas se satisfaire de l’iPhone 4 ou 4S ? Un écran plus large, une connexion aux réseaux 4G, mais pas en France où les fréquences pour le très haut débit mobile ne sont pas adaptées au spectre exploité par Apple. En définitive, le passage de l’iPhone 4S à l’iPhone 5 permet de bénéficier des avantages proposés par le Galaxy S3 de Samsung depuis fin mai 2012, lequel s’était déjà écoulé à 20 millions d’exemplaires le jour de la sortie de l’iPhone 5. Autant dire que l’iPhone 5 révèle le retard d’Apple face à Samsung : ce dernier a appris à développer des smartphones en s’inspirant des succès de l’iPhone et il est désormais en mesure de proposer des modèles haut de gamme avec un temps d’avance sur Apple.

La différence entre Samsung et Apple repose donc de plus en plus sur leurs marques respectives et de moins en moins sur leurs capacités technologiques. Sur ce point, Samsung pourrait même prendre l’avantage. Il s’est en effet imposé sur le marché des smartphones grâce à Android, le système d’exploi- tation créé par Google pour contrer l’iPhone (voir REM n°13, p.33). Indépendamment des parts de marché, Android n’est plus un outsider face au couple iPhone-iTunes : le magasin d’applications qui accompagne Android revendique plus de 700 000 applications début 2013, autant que sur l’AppStore (775 000), et certaines font référence.

Ainsi, conscient des risques liés à la montée en puissance d’Android qui va devenir progressivement la première place de marché pour les applications, donc le premier interlocuteur des développeurs, Apple a souhaité mieux se distinguer de l’univers Google pour la sortie de l’iPhone 5. Il a retiré YouTube des applications installées par défaut sur l’iPhone et a surtout décidé d’abandonner Google Maps, au profit de son propre service de cartographie, élaboré en partenariat avec Tom Tom. L’objectif pour Apple est de proposer une alternative à Google sur un service stratégique, car il conditionnera demain le développement de la publicité géolocalisée. Mais sur les services, et ici bien plus que sur le matériel, les nouveaux acteurs du Web ont une avance certaine : défectueuse, l’application Plans d’Apple a paradoxalement dévoilé la dépendance du constructeur à Google, le PDG d’Apple, Tim Cook, ayant dû présenter ses excuses et conseiller à ses utilisateurs de se rabattre sur Google Maps.

Pour continuer de vendre un iPhone plus cher que tout autre smartphone, Apple a besoin de conserver son image de performance et d’excellence. Ce type d’erreur est donc très risqué car il banalise Apple vis- à-vis de ses concurrents, Samsung ou Google. Ainsi, une étude de Strategy Analytics mentionnée par Le Monde en novembre 2012 révèle que la loyauté des utilisateurs d’iPhone aux Etats-Unis recule, 88 % des utilisateurs disant être prêts à racheter un iPhone lors du renouvellement de leur terminal, contre 93 % en 2011. En Europe, ils ne sont plus que 75 %, contre 88 % en 2011.

L’Internet mobile selon Google : Apple évincé du marché qu’il a créé

Face à Samsung et Google, Apple reste très puissant puisque l’iPhone est le terminal le plus vendu dans le monde et représente désormais quelque 20 % du parc de smartphone installés, une part en augmentation du fait du recul des Blackberry et autres Nokia. Mais Apple n’a qu’un modèle, ce qui explique la part de marché importante de l’iPhone, avec une gamme constituée en fait du dernier iPhone sorti et des deux anciens modèles. Samsung couvre en revanche toute la gamme des smartphones, du plus simple au plus sophistiqué avec le Galaxy S3. Il entraîne donc avec lui Android sur les segments de marché où Apple est positionné. C’est en ce sens que le Galaxy S3 a été présenté à juste titre comme l’iPhone killer.

Android, mis à la disposition des constructeurs par Google dès 2008, s’est d’abord répandu sur le marché des smartphones d’entrée de gamme. Parce qu’il permet d’économiser la licence du système d’exploitation, les constructeurs asiatiques l’ont adopté très rapidement, les géants de l’époque le refusant à l’inverse, avec Apple bien sûr qui propose un univers propriétaire de logiciels, mais également RIM avec son Blackberry ou encore le leader histo- rique, Nokia, qui préférait son propre système d’exploitation pour mobile Symbian, un moyen de se démarquer, avant d’opter pour celui de Microsoft (voir REM n°18-19, p.68).

Mais Samsung est parvenu à sortir Android du marché d’entrée de gamme grâce à une capacité sans commune mesure à monter en gamme très rapidement et à innover face aux leaders du marché, en l’occurrence Apple.

Samsung a d’abord trouvé en Google un allié sûr. Google ne pouvait pas se permettre de ne pas contrôler le marché de l’Internet mobile, après s’être imposé sur celui de l’Internet fixe grâce à son moteur de recherche et une approche ouverte du Web. Il lui a donc fallu remonter la chaîne de valeur du pur service en ligne – le moteur de recherche – jusqu’au système d’exploitation et à son terminal. Google a ici copié Apple pour s’imposer dans le Web mobile où le terminal et les logiciels embarqués décident en grande partie de la navigation des mobinautes (voir REM n°13, p.33). En effet, parce que c’est l’iPhone qui a popularisé l’Internet mobile, les usages se sont développés autour d’un terminal et d’un magasin d’applications, et non autour d’un moteur de recherche. Android a donc d’abord pour fonction de supplanter l’iOS d’Apple. C’est la raison pour laquelle il est mis à disposition gratuitement afin que le plus grand nombre de constructeurs l’adoptent. Car la stratégie de Google avec Android est celle héritée du Web et non celle des constructeurs comme Apple qui cherchent les produits haut de gamme où les marges sont les plus élevées. La logique du Web suppose souvent de conquérir d’abord le plus grand nombre d’utilisateurs, ensuite d’imaginer les conditions de valorisation des services proposés. Les marges sont donc très faibles et les bénéfices ne sont importants qu’à la condition de bénéficier d’une taille mondiale. C’est ce qu’a encore résumé Eric Schmidt, en octobre 2012, lorsqu’il annonça qu’un milliard de téléphones sous Android devraient être activés en 2013, contre 500 millions en 2012. Avec cette logique, c’est donc tout le modèle d’Apple qui vole en éclats : Android transforme l’Internet mobile en produit bon marché et impose une popularisation des services « par le bas », cantonnant dans un premier temps l’iPhone au haut de gamme.

Une fois le rapport de force inversé face à Apple, Google a dû trouver parmi les constructeurs celui qui était susceptible de briser la logique d’innovation propre à Apple. Android a permis dans un premier temps de faire passer l’iOS sous les 50 % de parts de marché, mais n’a pas enlevé à Apple son image d’innovation sur le marché des smart- phones, donc sa capacité à en dessiner les évolutions futures. Parmi les constructeurs, Samsung a été le seul à pouvoir concurrencer l’iPhone.

Le groupe sud-coréen a lancé son premier smart- phone Galaxy en 2009, un téléphone d’entrée de gamme qui lui permet de contrôler 5 % du marché mondial des smartphones, très loin derrière l’iPhone proche à l’époque du monopole. Mais Samsung cherche à occuper la première place sur chaque marché où il opère. Le groupe va alors procéder à des investissements très importants en matière de marketing, mais aussi de recherche et de dévelop- pement ainsi que dans sa chaîne de production. Très vite, Samsung s’impose donc comme un fast follower d’Apple, le groupe susceptible de répondre très rapidement aux innovations d’Apple sur le marché des smartphones, tout en proposant des produits à meilleur marché afin de s’imposer. Sorti en mai 2011, le Galaxy S2 sera le premier terminal haut de gamme de Samsung qu’il positionnera face aux iPhone 4.

Or, à partir de l’iPhone 3, les nouveaux smartphones d’Apple n’apportent plus de rupture technologique forte (l’iPhone 2 s’accompagne du lancement de l’AppStore). Dès lors, de fast follower, Samsung va devenir un des apporteurs d’innovations sur le marché : le Galaxy S3, sorti en mai 2012, est ainsi l’un des rares smartphones très haut de gamme à tenir tête à l’iPhone, à tel point que l’iPhone 5, sorti cinq mois plus tard, reprend certaines de ses caractéristiques, notamment l’écran plus grand et la connexion aux réseaux 4G.

Après avoir suivi le marché, Samsung en dicte désormais en partie les règles. Le groupe sud- coréen est devenu le premier vendeur de terminaux mobiles au premier trimestre 2012, avec 86 millions de téléphones vendus, soit 20 % de parts de marché, devançant ainsi Nokia pour la première fois (83 millions de téléphones vendus). Et Samsung a également pris la première place du marché des smartphones au premier trimestre 2012, devançant cette fois-ci Apple, avant même la sortie du Galaxy S3. A eux deux, Apple et Samsung réalisent 55 % des ventes mondiales de smartphones au premier trimestre 2012 et s’approprient 90 % des bénéfices, les marges élevées étant chez Apple avec une marge opérationnelle de 32 %, contre 17,45 % dans la téléphonie pour Samsung.

Cette situation va sans nul doute évoluer. Pour résister à la concurrence de Samsung sur le haut de gamme, Apple est obligé d’accélérer le renouvellement de sa gamme de produits et d’investir encore plus en recherche et développement, ce qui s’est traduit par une baisse des marges au dernier trimestre 2012, qui est pourtant le plus porteur avec les ventes de Noël. Apple doit dépenser plus pour innover plus souvent et vendre moins cher pour résister à Samsung – ce qu’il a reconnu avec le lancement de l’iPad Mini dont les marges sont plus faibles que celle de l’iPad. Selon le Wall Street Journal, Apple envisagerait même de lancer un iPhone low cost pour les pays asiatiques, notamment la Chine ou le Brésil, où l’iPhone ne compte respectivement que pour 19 et 1,6 % des ventes. Dans le même temps, Samsung parvient à vendre de plus en plus cher ses terminaux : entre 2011 et 2012, le prix de vente moyen d’un téléphone de marque Samsung est ainsi passé de 129 à 192 dollars, confirmant la montée en gamme du constructeur sud-coréen.

En s’installant sur le marché haut de gamme, tout en contrôlant le marché d’entrée de gamme et de moyenne gamme, Samsung est donc en train d’évincer Apple du marché des smartphones, tout au moins de le cantonner dans une position marginale, haut de gamme et atypique avec son univers propriétaire, un peu comme l’ont été les Mac pour le PC. Sur le marché des smartphones, le nombre d’applications pour chaque système d’exploitation n’en est pas moins crucial. Or, plus un système d’exploitation est marginalisé, moins il attire les développeurs, et plus il risque encore d’être marginalisé. Ce n’est certes pas le cas d’Apple aujourd’hui qui vend chaque année toujours plus d’iPhone. Mais sa part de marché stagne légèrement sous les 20 % fin 2012, quand Android équipe déjà près de 75 % des smartphones vendus dans le monde et gagne les marchés des pays émergents, augmentant beaucoup plus rapidement que l’iPhone le nombre des terminaux reposant sur son système d’exploitation. Ainsi, au troisième trimestre 2012, la part de marché de l’iPhone dans les ventes mondiales de smartphones est passée à 14 %, contre 23 % au premier trimestre 2012. Android est donc à l’Internet mobile ce que Windows a été au marché des ordinateurs personnels. Et Samsung ne pourra donc plus s’en passer : c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Google met en avant la réussite de Samsung car, grâce à Android, le groupe sud-coréen est parvenu à réaliser sur le marché des smartphones un chiffre d’affaires supérieur à celui de Google !

L’alliance Google-Samsung, pertinente sur le marché des smartphones, pourrait l’être également sur le marché des tablettes. En effet, Samsung a, comme sur le marché des smartphones, décidé de s’imposer sur le haut de gamme en présentant une offre alternative à l’iPad. Samsung a, dès 2010, lancé sa tablette Galaxy Tab 10.1, renouvelée en 2012. La Galaxy Tab n’est pas parvenue à ébranler la domination d’Apple sur le marché des tablettes, l’iPad représentant entre 60 et 70 % des ventes de tablettes dans le monde en 2012. C’est probablement la raison pour laquelle Samsung a été contraint d’innover pour proposer une alternative à l’iPad avec le lancement du Galaxy Note, un hybride de smartphone et de mini-tablette doté d’un stylet, avec un écran tactile de 5,8 pouces pour le Galaxy Note 2, sorti en août 2012, soit un écran légèrement plus grand que les écrans des plus grands smartphones.

Le succès de Samsung sur le marché des smartphones et ses innovations sur le marché des tablettes, recourant elles aussi à Android, s’il ne s’est pas traduit par une domination du sud-coréen, a en revanche facilité le lancement de tablettes concurrentes sous Android en crédibilisant le système d’exploitation de Google. De nouvelles tablettes apparaissent ainsi qui devraient donner à Android les moyens de s’imposer face à l’iPad d’Apple, si tant est que le marché des tablettes se démocratise un jour. Google compte ici sur ses propres forces avec le lancement d’une mini-tablette, le Nexus 7, dotée d’un écran de sept pouces et vendue 199 euros, mais surtout sur la force commerciale d’Amazon qui a opté pour Android avec le lancement de sa gamme de tablettes Kindle Fire. Lancé le 25 octobre 2012, le Kindle Fire HD se décline dans une version 7 pouces à 199 dollars, ce prix imposé par Amazon faisant désormais référence pour l’entrée de gamme, la Nexus 7 ayant été initialement proposée à 259 dollars. Une version avec grand écran, concurrente de l’iPad 3, est proposée dès 299 dollars, mais à 199 dollars seulement si l’utilisateur accepte l’affichage de publicités sur son écran de veille, ce qui met le Kindle Fire deux fois et demie moins cher que l’iPad. Le terminal n’est plus le foyer des marges importantes, comme chez Apple, la marge étant réalisée avec les services, ce qu’a résumé Jeff Bezos en présentant le Kindle Fire HD : « Nous voulons gagner de l’argent quand nos clients utilisent nos produits, et non lorsqu’ils les achètent » .

Le Kindle Fire HD dans sa version mini, le Nexus 7, et encore plus le Galaxy Note, se caractérisent par leur écran plus petit que celui de l’iPad. Or, en 2011, le segment des tablettes de 7 pouces représentait déjà presque le quart du marché  ce qui signifie que l’iPad grand format est ultra dominant sur le reste du marché. Ce succès des tablettes au petit écran, tiré pour l’instant par des coûts plus bas que l’iPad, a condamné Apple à suivre ici la concurrence avec le lancement d’un iPad doté d’un écran de 7 pouces, l’iPad Mini, présenté le 23 octobre 2012. Avec ce dernier, les tablettes 7 pouces pourraient, selon le cabinet iSuppli, représenter 33 % du marché des tablettes en 2013.

Apple est donc là encore obligé de prendre un risque pour tenter de conserver sa domination sur le marché des tablettes. Il prend le risque de cannibaliser les ventes d’iPad, le prix de vente de l’iPad Mini commençant à 309 euros contre 509 euros pour l’iPad 4. Il prend aussi le risque d’adopter une stratégie de suivisme face aux offres concurrentes de Google et d’Amazon, bien meilleur marché.

Si Apple prend ces risques avec l’iPad Mini, c’est parce que le succès des tablettes de 7 pouces menace l’iPad dont la part de marché a régressé au troisième trimestre 2012, à 55 %, contre 68 % au deuxième trimestre 2012. Or le marché des tablettes est pour Apple peut-être encore plus stratégique que le marché des smartphones. Les tablettes sont en effet en train de se substituer aux mini-PC qu’elles devraient dépasser à l’horizon 2016 selon Gartner, voire aux PC. Elles seront donc demain l’un des vecteurs principaux de connexion à l’Internet. Et elles sont déjà utilisées pour lire et consulter les contenus haut de gamme que sont les films, les programmes audiovisuels, les jeux vidéo, autant de contenus où Apple est parvenu à s’imposer avec iTunes. Perdre le contrôle du marché des tablettes signifie donc perdre en partie le contrôle de la consommation de contenus multimédias des internautes, un segment qu’Apple cherche à investir pour se relancer dans l’attente de l’invention d’un nouveau terminal espéré aussi révolutionnaire que l’a été l’iPhone.

Guerre des brevets versus innovation

La perte de souveraineté d’Apple sur le marché des smartphones est devenue réalité, avec une part de marché de 14,9 % au troisième trimestre 2012, quand Android représente les trois quarts des ventes de smartphones. Pour comparaison, Android représentait 57 % des ventes de smartphones en 2011 selon IDC. Android est le système d’exploitation de l’Internet mobile. Sera-t-il aussi celui des tablettes ?

C’est pour retarder, voire empêcher, la réalisation de ce scénario qu’Apple s’est lancé dans une guerre juridique afin de protéger sa domination sur les marchés qu’il a créés, celui des smartphones comme celui des tablettes. A chaque fois, Apple dénonce le recours par certains de ses concurrents à des brevets techniques qu’il détient, un domaine où les nouveaux géants du Net se protègent en constituant par rachat des stocks de brevets (voir REM n°21, p.29). Mais Apple attaque surtout ses concurrents sur des éléments liés au design de ses produits, un moyen pour lui de se protéger le plus longtemps possible de la concurrence. Un produit Apple ne doit pas être comparé à un produit concurrent qu’Apple souhaiterait cantonné à l’entrée de gamme comme il y est parvenu sur le marché des baladeurs musicaux.

Alors qu’Apple a attaqué ses concurrents à 142 reprises entre 2006 et 2012, le procès le plus retentissant aura sans aucun doute été celui qui l’a opposé à Samsung sur le sol américain. Apple a déposé une plainte contre Samsung aux Etats-Unis en avril 2011 pour la violation de sept brevets, quatre liés au design d’Apple et trois liés à ses logiciels, réclamant un dédommagement de 2,75 milliards de dollars à Samsung. Apple reproche au sud-coréen d’avoir sorti des smartphones et tablettes ressemblant trop à ses propres produits et utilisant Android, un système d’exploitation que Steve Jobs avait dénoncé comme « volé » pour n’être qu’une copie de l’iOS, et contre lequel il s’était dit prêt à lancer une « guerre thermonucléaire ». Il en va en effet du futur d’Apple sur l’Internet de demain et de sa capacité à conserver sa suprématie face aux concurrences asiatiques. Ainsi, sur les 2,75 milliards de dollars réclamés, Apple considère que 2 milliards de dollars ont été indument gagnés par Samsung grâce à la copie de son design (par exemple des bords arrondis pour les tablettes !), ce qui a en outre limité les ventes d’Apple qui perd ainsi 500 millions de bénéfices. Enfin, les licences non payées pour les brevets techniques auxquels aurait eu recours Samsung représentent 25 millions de dollars.

Faute d’un accord entre les deux groupes, un jury populaire américain a tranché en faveur d’Apple le 24 août 2012, considérant que Samsung avait délibérément violé tous les brevets d’Apple sauf un, à savoir le design des tablettes Galaxy Tab. Le jury a en outre condamné Samsung à 1,05 milliard de dollars d’amende et a surtout ouvert la voie à une procédure d’interdiction de vente des smartphones et tablettes Samsung sur le territoire américain. C’est là en effet le véritable enjeu pour Apple : empêcher son concurrent de l’affronter directement sur son marché le plus rentable tout en indiquant aux autres constructeurs que le recours à Android constitue potentiellement un risque juridique important.

Dès le 28 août 2012, Apple a donc demandé à la justice américaine d’interdire la commercialisation des terminaux cités dans la procédure, soit huit smartphones de type Galaxy S1 et S2. Une audience a été sollicitée pour déterminer si le Galaxy S3, véritable concurrent de l’iPhone 5, devait également être retiré de la vente, en même temps que Samsung demandait une révision à la baisse de son amende et un nouveau procès. De manière indépendante, Samsung a également demandé l’autorisation de commercialiser de nouveau la Galaxay Tab 10.1 interdite aux Etats-Unis depuis le 26 juin 2012, ce qu’il a obtenu.

A la suite d’une nouvelle audience, le 6 décembre 2012, la justice américaine a refusé un nouveau procès à Samsung, le 18 décembre 2012, en même temps qu’elle annonçait ne pas interdire la vente de ses smartphones sur le territoire américain, la décision d’achat des consommateurs ne reposant pas sur la petite fraction des fonctionnalités liées à des brevets Apple au sein des téléphones Samsung. La juge a estimé qu’un accord entre Apple et Samsung serait préférable, l’affaire concernant « un manque à gagner et non la capacité de demeurer un acteur viable du marché ». Autant dire qu’une rémunération d’Apple pour chaque terminal recourant à Android ou s’inspirant d’un quelconque brevet lié au design est souhaitée par la justice américaine, obligeant ainsi les constructeurs asiatiques à rémunérer l’entreprise qui a été à l’origine du développement du marché des smartphones. Des précédents existent : Microsoft a obtenu des constructeurs de terminaux recourant à Android qu’ils lui reversent environ 5 % du prix du téléphone, Android utilisant des brevets détenus par Microsoft. Et Apple s’est mis d’accord avec HTC le 10 novembre 2012, les deux groupes mettant fin aux poursuites entre eux grâce à un accord de licence.

Ainsi, Apple se retrouve dans la même position que Microsoft face à Android de Google : il obtient des « royalties » sur les téléphones Android, à défaut de pouvoir contrôler le marché des smartphones. Cette tendance illustre un phénomène de fond où le brevet, qui servait initialement à protéger l’innovation, est de plus en plus utilisé comme un moyen de se protéger de la concurrence en renchérissant les coûts de production qui incluent de plus en plus le versement de « royalties ». C’est d’ailleurs cette dérive que la Commission européenne a pointé en informant Samsung que les multiples procès qu’il a lancés contre Apple en Europe constituent « un abus de position dominante interdit par les règles antitrust de l’Union européenne », dès lors que le recours à des plaintes est « abusif », en l’occurrence quand il concerne des brevets essentiels à une norme technologique, ici la norme 3G/UMTS de l’Institut européen des télécommunications (ETSI) utilisée tant par Samsung que par Apple. L’innovation, de ce point de vue, peut être copiée, en Europe par Apple, aux Etats-Unis par Samsung, moyennant ou pas « royalties », ce qui perturbe la stratégie d’Apple.

En effet, Apple a fondé sa stratégie sur sa capacité d’innovation pour créer des marchés haut de gamme autour de terminaux et services dont il a l’exclusivité. Cette stratégie, qui l’a cantonné dans un rôle d’outsider avec les Mac, a abouti avec le succès de l’iPod, où Apple a conservé l’essentiel du marché. Avec l’iPhone, probablement demain avec l’iPad, le marché lui échappe car les « copieurs » savent égaler Apple dans le haut de gamme tout en démocratisant le marché avec des produits de bas et de milieu de gamme. Ils optent en outre pour des modèles d’affaires radicalement différents. Samsung a une logique de constructeur mondial avec une chaîne de production intégrée et des marges faibles, ce qui lui permet de tirer les prix vers le bas. Amazon innove sur les prix en vendant le Kindle à perte parce qu’il veut d’abord vendre des services. Google innove avec Android en le mettant gratuitement à disposition et en cherchant à se financer grâce à la publicité sur mobile, jouant d’abord sur sa capacité à être l’interlocuteur principal de l’internaute.

Apple est du même coup contraint d’innover à un rythme accéléré à mesure qu’il investit des marchés où sont positionnés des acteurs de l’électronique ou du Web de plus en plus agiles. Il s’est passé six ans entre la sortie de l’iPod et de l’iPhone, trois ans entre la sortie de l’iPhone et de l’iPad. Et les rumeurs sur la sortie d’un nouveau terminal, l’iTV, se font de plus en plus pressantes, ramenant à deux ou trois, années l’impératif de conquête d’un nouveau marché.

Dans ce contexte concurrentiel nouveau, Apple dépend de plus en plus de sa capacité à produire des innovations de rupture, alors même qu’il s’éloigne en partie de cette approche pour se consacrer à une innovation incrémentale qui lui permet d’allonger la durée de vie de ses produits, notamment en constituant des gammes de terminaux par la mise sur le marché de plusieurs versions du même objet. Apple pourra-t-il longtemps jouer cette double carte de l’innovation de rupture et de l’innovation incrémentale ?

Le premier type d’innovation est risqué et ne se justifie qu’à la condition de contrôler suffisamment longtemps le marché créé, ce qui est le cas avec l’iPod, et l’est quand même avec l’iPhone, grâce notamment à l’avance longtemps maintenue de l’offre d’applications. Mais Apple sait désormais que créer un nouveau marché peut favoriser l’innovation chez les fast followers qui viendront le contrôler. Car Apple transforme en fait des marchés existants, celui de la musique, celui des télécommunications, celui du mini PC avec l’iPad, mais s’interdit, avec sa stratégie haut de gamme, d’en contrôler la démocratisation. C’est probablement la raison pour laquelle l’innovation attendue dans le domaine de la télévision, avec l’iTV, devra reposer sur une logique totalement différente, qui ne soit pas nécessairement celle de l’interlocuteur unique avec un terminal révolutionnaire, mais peut-être celle du partenaire idéal, comme ceux qui contrôlent déjà le marché des images, à savoir les câblo-opérateurs et les fournisseurs d’accès à Internet. C’est d’ailleurs ce type d’alliance qui a permis le succès de l’iPhone, à savoir un partenariat, dès l’iPhone 2, entre Apple et les opérateurs de télécommunications qui, en étant autorisés à subventionner l’iPhone, ont pu le commercialiser massivement en abaissant le coût facial de vente. L’iTV pourrait de ce point de vue n’être que le décodeur idéal des câblo-opérateurs pour résister à la télévision connectée et permettre à Apple d’être l’interlocuteur du téléspectateur devenu vidéonaute, en lui proposant un univers relativement fermé – plus fermé en tous cas que celui que ne manqueront pas de prôner les pure players du Web.

Apple devra en outre intégrer au cœur de ses pratiques l’apport des internautes à l’amélioration de ses produits et la logique de partenariats entre acteurs du Web. Il l’a fait une première fois avec l’iPhone en autorisant les développeurs à travailler avec ses propres API afin de proposer des applications pour l’App Store. Il le fait avec l’iPhone 5 en nouant des partenariats avec Facebook, Twitter ou LinkedIn dont les applications sont désormais intégrées au cœur des iPhone. Il le fait encore avec Foursquare pour développer son application de cartographie. C’est en effet du côté des applications qu’Apple trouvera son nouveau relais de croissance, et non du seul côté des terminaux haut de gamme. En 2012, environ 21 milliards d’applications ont été téléchargées sur l’App Store, un chiffre en hausse de 74 % par rapport à 2011. En optimisant ses applications phares, avec par exemple la tentative de substituer son service de cartographie à Google Maps, Apple aura demain les moyens d’engendrer des revenus nouveaux avec la publicité sur mobile et le micro-paiement, avec les vidéos en ligne et les jeux vidéo sur la télévision connectée, des revenus qui ne dépendront pas de sa capacité d’innovation mais des seuls usages quotidiens de ses terminaux.

Sources :

  • « Apple se refait une santé après avoir trébuché à Wall Street », Virginie Robert et Romain Gueugneau, Les Echos, 18 avril 2012.
  • « Le ralentissement des ventes d’iPhone pèse sur la croissance d’Apple », Romain Gueugneau, Les Echos, 26 juillet 2012.
  • « Procès Samsung : comment Apple défend l’originalité de son design », Marina Torre, latribune.fr, 6 août 2012.
  • « L’iPhone, un jackpot de 50 milliards de dollars pour Apple », Elsa Bembaron, Le Figaro, 11 août 2012.
  • « Apple veut faire de la télévision avec les câblo-opérateurs », Solveig Godeluk, Les Echos, 20 août 2012.
  • « Apple devient la plus grosse valeur boursière de l’histoire », Solveig Godeluk, Les Echos, 21 août 2012.
  • « Un jury populaire devra départager Apple et Samsung », Solveig Godeluk et Maxime Amiot, Les Echos, 22 août 2012.
  • « Les destins d’Apple et Samsung soumis à neuf jurés », Elsa Bembaron, Le Figaro, 23 août 2012.
  • « La justice rebat les cartes du marché du mobile », Pierre-Yves Dugua, Le Figaro, 27 août 2012.
  • « Apple fragilise son grand rival Samsung avec l’appui de la justice », Karl de Meyer, Les Echos, 27 août 2012.
  • « La spéculation est relancée dans les mobiles », Elsa Bembaron, Le Figaro, 28 août 2012.
  • « Etats-Unis : Apple demande une interdiction à la vente pour 8 télé- phones Samsung », latribune.fr, 28 août 2012.
  • « Apple fait fondre de 12 milliards de dollars la capitalisation de Sam- sung », Yann Rousseau, Les Echos, 28 août 2012.
  • « Apple présente son iPhone 5, plus grand et plus fin », Elsa Bembaron et Didier Sanz, Le Figaro, 13 septembre 2012.
  • « Apple dégaine son iPhone 5 pour contrer l’offensive de Samsung », Guillaume de Calignon, Les Echos, 13 septembre 2012.
  • « L’iPhone 5 n’est pas compatible avec les réseaux 4G en France », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 15 septembre 2012.
  • « L’iPhone 5, une « déception » toute relative », Guillaume de Calignon, Les Echos, 27 septembre 2012.
  • « Cartographie de l’iPhone : le mea culpa d’Apple », Le Figaro, 29 septembre 2012.
  • « La justice américaine souffle le chaud et le froid sur Apple », Elsa Bembaron, Le Figaro, 3 octobre 2012.
  • « Qui veut encore casser son iPhone ? », David Barroux, Les Echos, 18 octobre 2012.
  • « La guerre des tablettes force Apple à revoir sa stratégie sur l’iPad », Romain Gueugneau, Les Echos, 18 octobre 2012
  • « Avec l’iPad « mini », Apple veut étendre sa domination dans les tablettes », Romain Gueugneau, Les Echos, 24 octobre 2012.
  • « Apple veut rester maître sur le marché des tablettes grâce à l’iPad mini », Elsa Bembaron, Le Figaro, 24 octobre 2012.
  • « Apple riposte à Microsoft et Google », Elsa Bembaron, Le Figaro, 27 octobre 2012.
  • « Un smartphone sur trois vendus dans le monde est un Samsung », Guillaume de Calignon, Les Echos, 29 octobre 2012.
  • « Wall Street s’interroge sur l’avenir d’Apple », Romain Gueugneau, Les Echos, 13 novembre 2012.
  • « Samsung distance Apple sur le marché des smartphones », Elsa Bembaron, Le Figaro, 15 novembre 2012.
  • « La guerre des brevets au service des parts de marché plus que de l’innovation », Sylvain Cypel et Cécile Ducourtieux, Le Monde, 16 novembre 2012.
  • « Les nouvelles batailles qui attendent Apple », Jules Minvielle, point de vue Les Echos, 28 novembre 2012.
  • « Apple négocie avec China Mobile un accord aux enjeux colossaux », Nabil Bourassi, latribune.fr, 4 décembre 2012.
  • « 35 milliards de valorisation boursière envolés en une séance, Apple accuse le coup », Nabil Bourassi, latribune.fr, 6 décembre 2012.
  • « Brevets : Apple n’obtient pas l’interdiction des smartphones Samsung aux Etats-Unis », latribune.fr, 18 décembre 2012.
  • « Samsung dans la ligne de mire de la Commission européenne », G. de C., Les Echos, 24 décembre 2012.
  • « Apple envisage un iPhone low cost », Lucie Robequain, Les Echos, 10 janvier 2013.
  • « L’iPhone à la peine face à la concurrence de Samsung », Romain Gueugneau, Les Echos, 15 janvier 2013.

Alexandre Joux, directeur de l'Ecole de journalisme et de communication d'Aix-Marseille (EJCAM), Aix-Marseille Université, IRSIC (Institut de recherche en sciences de l'information et de la communication)

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