Vivendi finalise sa séparation des télécoms avec la vente suprise de GVT

En cédant GVT, son dernier actif télécoms, le groupe Vivendi achève son recentrage sur les médias, tout en conservant des participations stratégiques au capital de plusieurs opérateurs de télécommunications. Désormais riche, mais ne contrôlant plus d’entreprises en forte croissance, le groupe Vivendi a les moyens de se réinventer pour devenir, peut-être, un géant des médias à l’ère numérique.

Après avoir cédé SFR à Numericable en avril 2014 (voir REM n°30-31, p.68), le groupe Vivendi, qui a entamé depuis 2012 un programme de cessions pour se désendetter et se recentrer sur les médias (voir REM n°24, p.40), semblait se satisfaire de sa nouvelle configuration avec un acteur puissant de la télévision en Europe, le Groupe Canal+, le leader mondial de la musique, Universal Music Group, et enfin le « Free » brésilien du fixe, l’opérateur GVT. Ainsi Vincent Bolloré, nouveau président du conseil de surveillance du groupe depuis le 24 juin 2014, précisait-il à l’occasion de sa prise de fonction que GVT, qui reste envers et contre tout un acteur des télécoms, relevait bien de la stratégie médias de Vivendi, GVT se développant dans la distribution de chaînes de télévision. Il reste que GVT, qui n’a pas trouvé preneur en 2012 et 2013, était sur la liste des premières filiales à vendre. Et c’est l’absence de repreneurs qui a conduit Vivendi à céder finalement un actif média, le leader mondial du jeu vidéo, Activision-Blizzard (voir REM n°28, p.51). Autant dire que l’offre surprise de Telefonica sur GVT, formulée le 4 août 2014, a reposé la question d’une vente de GVT et donné à Vivendi l’occasion de clarifier une fois de plus sa stratégie. A l’évidence, conserver GVT oblige Vivendi à rester d’abord un conglomérat, un opérateur télécoms ayant d’abord des priorités technologiques et non des priorités médias. Enfin, s’ajoute à l’anomalie GVT l’attelage compliqué que constitue déjà l’ensemble Canal+ / Universal, les synergies entre les deux filiales, l’une ancrée en France, l’autre aux Etats-Unis, étant difficiles à identifier.

Pour Telefonica, s’emparer de GVT est essentiel alors que le marché brésilien des télécoms est en train de se consolider. Certes, l’opérateur espagnol n’a pas cherché à racheter GVT quand il a été mis en vente par Vivendi, Telefonica espérant à cette époque s’emparer progressivement de TIM Brasil (détenu par Telecom Italia) afin de consolider le marché mobile. Mais TIM a été conservé par Telecom Italia. GVT est alors devenu pour Telefonica l’occasion d’une consolidation fixe-mobile, qui isole d’ailleurs TIM sur le marché brésilien, seul opérateur à être 100 % mobile. C’est pourquoi Telefonica, qui avait échoué à racheter une première fois GVT en 2009, quand Vivendi s’en était emparé pour 2,8 milliards d’euros, s’est finalement résolu à proposer 6,7 milliards d’euros pour l’opérateur brésilien, dont 3,95 milliards d’euros en numéraire et 12 % du capital du nouvel ensemble brésilien, qui fusionnera Vivo (Telefonica) et GVT. A cette offre a été ajoutée, dès le 4 août, la possibilité pour Vivendi d’acquérir une partie de la participation de Telefonica dans Telecom Italia, et cela afin d’éviter tout problème de concurrence sur le marché brésilien où TIM devient outsider après la fusion.

Face à ce scénario difficile pour TIM Brasil, Telecom Italia a fait une contre-offre à Vivendi dès la mi-août, essentiellement en actions, Telecom Italia étant trop endetté pour envisager un achat en numéraire. Mais c’est finalement Telefonica qui aura été retenu par Vivendi, le 28 août 2014, après des tractations qui ont conduit au relèvement de l’offre de Telefonica à 7,45 milliards d’euros. Le 19 septembre 2014, Vivendi et Telefonica confirmaient avoir finalisé la cession. L’opérateur espagnol apporte à Vivendi 4,66 milliards d’euros en numéraire, qui s’ajoutent aux opérations réalisées depuis un an et font de Vivendi un groupe désendetté et disposant de près de 10 milliards d’euros à investir, sans même recourir au crédit ! Le solde de GVT est financé en actions, Vivendi disposant de 7,4 % de Telefonica Brasil, coté plus de 2 milliards d’euros en Bourse, et de 5,7 % du capital de Telecom Italia, mais de 8,3 % des droits de vote, ce qui fait de Vivendi le premier actionnaire de l’opérateur transalpin.

Autant dire que Vivendi se retrouve, après la cession de GVT, constitué de deux filiales, Groupe Canal+ et Universal Music, et de participations multiples dans des opérateurs de télécommunications : 20 % dans SFR-Numericable, auxquels s’ajoutent les participations dans Telefonica Brasil et Telecom Italia, soit une présence significative au capital de trois opérateurs, autant finalement qu’au début du programme de cession. Ces participations vaudront très cher quand le marché européen des télécommunications accélérera sa consolidation. En revanche, désormais amputé de GVT, Vivendi n’a plus de filiale en forte croissance et devra trouver les moyens de créer des synergies entre Canal+ et Universal Music, ou intégrer ces deux filiales dans un ensemble de médias bien plus vaste grâce à un rachat géant, que le groupe peut désormais se permettre. Et la croissance se fera pour Canal+ comme pour Universal, soit en conquérant de nouveaux marchés, l’Afrique étant notamment dans la ligne de mire de Canal+ qui y lance une chaîne familiale, A+, en octobre 2014, soit en se développant sur internet, notamment en contrôlant une plate-forme de distribution et d’agrégation de contenus, à l’instar de Netflix pour la vidéo ou de YouTube pour la musique, seuls acteurs à profiter véritablement de la dématérialisation des contenus des industries culturelles.

Sources :

  • « Vivendi : la stratégie de Bolloré dans les médias », Enguérand Renault, Le Figaro, 25 juin 2014.
  • « Telefonica propose 7 milliards à Vivendi pour lui ravir GVT, sa pépite brésilienne », Julien Dupont-Calbo et Nicolas Rauline, Les Echos, 6 août 2014.
  • « Les prétendants au rachat de GVT se pressent autour de Vivendi », Solveig Godeluck, Les Echos, 27 août 2014.
  • « Cession de GVT : Vivendi ouvre des négociations exclusives avec Telefonica », Solveig Godeluck, Les Echos, 29 août 2014.
  • « Vivendi va accroître sa cagnotte en cédant GVT », Elsa Bembaron, Le Figaro, 29 août 2014.
  • « Vivendi finalise la vente de GVT à Telefonica », E.B., Le Figaro, 20 septembre 2014.
  • « Vivendi cède GVT mais ne sort pas des télécoms », Fabienne Schmitt, Les Echos, 22 septembre 2014.

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