Le marché des jeux vidéo : Tencent s’impose en géant mondial

La prise de contrôle de Supercell par le chinois Tencent permet à ce dernier de s’imposer en leader mondial du jeu vidéo. De leur côté, les éditeurs historiques accélèrent leur diversification, qu’il s’agisse d’Activision Blizzard ou de Nintendo, quand Vivendi et Facebook reviennent sur le marché avec de nouveaux projets.

Les éditeurs de jeux vidéo issus des consoles et du jeu sur PC se transforment progressivement en géants de l’entertainment (voir La rem n°37, p.56), déployant leurs licences en direction du cinéma et de la télévision. Ils se développent en même temps dans l’e-sport. Parallèlement, le marché du jeu vidéo sur mobile, né au début des années 2010, grâce au succès de l’iPhone, entre désormais en phase de consolidation accélérée. Le signal fort de la consolidation a été donné le 2 novembre 2015 avec l’annonce du rachat de King Digital Entertainment par Activision Blizzard pour 5,9 milliards de dollars. Un ancien du jeu vidéo s’emparait alors d’une pépite du jeu vidéo sur mobile, un marché que les grands acteurs historiques du jeu vidéo n’ont pas su conquérir significativement. Le même type d’opération s’est reproduit un peu plus de six mois plus tard avec l’annonce, en juin 2016, de la prise de contrôle du suédois Supercell par le groupe chinois Tencent.

À l’instar de King Digital Entertainement, éditeur du jeu mobile Candy Crush, Supercell fait partie des éditeurs ayant rencontré un succès mondial grâce à un jeu phare, Clash of Clans, sorti en 2012. Supercell est une jeune société, fondée en 2010. Son modèle économique est classique, Supercell proposant des jeux dits freemium, où la rémunération dépend des micro-transactions effectuées par une petite partie de l’immense communauté de joueurs, à qui le jeu est proposé gratuitement. Sa rentabilité est exceptionnelle, Supercell ayant réalisé des profits nets de 924 millions de dollars pour 2,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2015. La société a en effet opté pour un développement limité à quelques jeux, mais pour lesquels les dispositifs d’engagement et la propension à payer ont été fortement travaillés.

Ainsi, Supercell compte environ 100 millions de joueurs quotidiens dans le monde en ayant produit seulement quatre jeux depuis sa création, Clash of Clans, sa licence phare, Boom Beach, Hay Day et Clash Royale. Ces jeux au potentiel exceptionnel ont convaincu le groupe chinois Tencent de dépenser 8,6 milliards de dollars pour acquérir près de 85 % de Supercell auprès principalement du groupe japonais SoftBank, détenteur de 73 % du capital de l’éditeur de jeux vidéo pour mobile. L’opération valorise Supercell à quelque 10 milliards de dollars, et elle permet au groupe chinois de s’imposer comme un leader mondial du jeu vidéo.

À vrai dire, Tencent n’est pas connu pour ses jeux vidéo, mais d’abord pour les réseaux sociaux qu’il contrôle, WeChat, et ses 806 millions d’utilisateurs en juin 2016, ou encore QQ et ses 660 millions d’utilisateurs de mobiles. En revanche, le chiffre d’affaires de Tencent dépend majoritairement de ses activités d’éditeur de jeux vidéo, Tencent étant un acteur important du marché du jeu vidéo chinois pour PC et smartphone. Outre ses activités chinoises, Tencent a mis en œuvre une stratégie de diversification à l’international en direction de l’e-sport et du jeu vidéo sur mobile, comme Activision Blizzard dans lequel il détient une participation minoritaire. Tencent contrôle ainsi le leader mondial de l’e-sport, Riot Games. Il détient également 21,5 % du capital de l’éditeur américain Glu Mobile, connu pour quelques jeux vidéo mobiles à succès, notamment Kim Kardashian: Hollywood. Enfin, il s’apprête à contrôler le leader mondial du jeu vidéo mobile avec Supercell, l’opération restant soumise aux autorisations des autorités de concurrence. Ces actifs regroupés représentent en tout un peu plus de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel, ce qui positionne Tencent parmi les plus grands, même si le groupe ne dispose que de quelques jeux connus mondialement grâce à Glu Mobile, Rio Games et Supercell. Cette stratégie de développement international, doublée de bases solides en Chine, a d’ailleurs permis à Tencent de s’imposer comme la première capitalisation boursière chinoise en septembre 2016, devant China Mobile.

Face à Tencent, mais aussi à Activision-Blizzard et King, le marché du jeu vidéo mobile se consolide, les studios intégrant progressivement de grands groupes. Vivendi s’est définitivement emparé de Gameloft en France. Au Japon, Nintendo a déployé une stratégie de partenariat pour pénétrer le marché du jeu vidéo mobile, dont il était resté distant jusqu’en 2015. Après un premier jeu mobile lancé en 2015, Miitomo, Nintendo a opté pour l’exploitation de la licence phare Pokemon et lancé Pokemon Go le 5 juillet 2016 en Australie et en Nouvelle-Zélande, puis le 6 juillet aux États-Unis. Ce jeu vidéo pour mobile est proposé par Nintendo, associé à The Pokemon Company, dont Nintendo détient 33 % du capital, et à la start-up Niantic, au sein de laquelle Nintendo et The Pokemon Company ont pris des participations.

Pokemon Go est le premier jeu vidéo mobile en réalité augmentée puisqu’il s’agit de chasser des Pokémon dans le monde réel, les Pokémon apparaissant sur l’écran du smartphone en train de filmer l’environnement de son utilisateur. Le succès a été exceptionnel, avec 21 millions de joueurs actifs en simultané moins d’une semaine après le lancement de l’application, un lancement à l’origine limité à cinq pays, le Japon n’en faisant pas partie. Ce succès a ainsi permis à Nintendo, en perte de vitesse sur le marché des consoles où la Wii U n’a pas rencontré de succès, de presque doubler sa capitalisation boursière en une semaine, preuve de la nécessité pour les géants historique du jeu vidéo, issus de l’univers des consoles ou simples éditeurs de jeux, de se positionner également dans l’univers de la mobilité.

Le jeu sur PC n’a toutefois pas perdu de son attrait, et il pourrait retrouver sur grand écran les moyens de toucher un public nouveau grâce au développement de l’e-sport. En effet, au-delà des plates-formes spécialisées de visionnage, qu’il s’agisse de celles détenues par les éditeurs de jeux ou alors de YouTube Gaming et de Twitch, les compétitions d’e-sport pourraient progressivement intégrer les grands carrefours d’audience, qu’il s’agisse des chaînes de télévision ou des réseaux sociaux. Facebook a ainsi commencé à configurer Facebook Live afin d’y retransmettre des compétitions en direct. Un accord a été passé avec Blizzard Entertainment en juin 2016, qui intégrera une fonctionnalité Go Live dans ses jeux afin que les joueurs retransmettent en direct leurs parties sur Facebook. Fin août 2016, Facebook a scellé un partenariat avec Unity, la plate-forme utilisée par les développeurs de jeux vidéo, afin de faciliter la déclinaison de leurs jeux dans l’univers du réseau social. La taille de la communauté de Facebook ne devrait pas laisser les développeurs indifférents, d’autant que Facebook a été jusqu’au début des années 2010 le lieu d’expérimentation du jeu social, fédérant des audiences phénoménales sur PC avec des jeux comme Farmville.

Sources :

  • « Facebook défie Twitch et YouTube dans les jeux vidéo », Nicolas Richaud, Les Echos, 9 juin 2016.
  • « Tencent débourse 8,6 milliards de dollars pour Clash of Clans », Yann Rousseau, Les Echos, 22 juin 2016.
  • « Le chinois Tencent s’offre Clash of Clans pour 8,6 milliards de dollars », Chloé Woitier, Le Figaro, 22 juin 2016.
  • « Nintendo démarre en fanfare sa mue vers le jeu mobile », Sébastien Dumoulin, Les Echos, 12 juillet 2016.
  • « La folle semaine de Pokémon GO », Lucie Ronfaut, Le Figaro, 15 juillet 2016.
  • « Le phénomène Pokémon GO, dernier épisode de la saga d’un jeu mythique », Nicolas Richaud, Les Echos, 15 juillet 2016.
  • « Le pari risqué Facebook dans les jeux vidéo », Q.E., Les Echos, 30 août 2016.
  • « Tencent devient le groupe chinois le plus cher », Benjamin Ferran, Le Figaro, 6 septembre 2016.
  • « Tencent devient la plus grosse capitalisation boursière de Chine », N. Ra, Les Echos, 6 septembre 2016.

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