L’information, un bien commun à sauvegarder

Soixante-dix ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Commission Information et Démocratie*, créée à l’initiative de l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF), a adopté, le 5 novembre 2018, la Déclaration internationale sur l’information et la démocratie.

DÉCLARATION INTERNATIONALE SUR L’INFORMATION ET LA DÉMOCRATIE

Préambule

L’espace global de l’information et de la communication est un bien commun de l’humanité qui doit être protégé comme tel. Son organisation relève de la responsabilité de l’humanité tout entière, par l’intermédiaire d’institutions démocratiques, dans le but de faciliter la communication entre les individus, les cultures, les peuples et les nations, au service des droits humains, de la concorde civile, la paix, la vie et l’environnement.

L’espace global de l’information et de la communication doit servir l’exercice de la liberté d’expression et d’opinion, en respectant les principes du pluralisme, de la liberté, la dignité, la tolérance et l’idéal de la raison et de la compréhension. La connaissance est nécessaire aux êtres humains pour développer leurs capacités biologiques, psychologiques, sociales, politiques et économiques. L’accès à la connaissance, en particulier celle de la réalité, est un droit fondamental.

Le contrôle politique sur les médias, l’assujettissement de l’information à des intérêts particuliers, l’influence croissante d’acteurs privés qui échappent au contrôle démocratique, la désinformation massive en ligne, la violence contre les reporters et l’affaiblissement du journalisme de qualité, menacent l’exercice du droit à la connaissance. Toute tentative de limiter abusivement cet exercice, par la force, la technologie ou le droit, est une violation du droit à la liberté d’opinion.

L’espace de l’information et de la communication doit être organisé de manière à permettre l’exercice des droits et de la démocratie. Il doit préserver et renforcer nos capacités à affronter les défis de notre temps, à anticiper notre destin commun et à rendre possible un développement durable prenant en compte les droits et intérêts des générations futures.

L’espace de l’information et de la communication doit garantir la liberté, l’indépendance et le pluralisme de l’information. Ce bien commun a une valeur sociale, culturelle et démocratique. À ce titre, il ne saurait être réduit à sa seule dimension commerciale. Les positions dominantes dans la production, la diffusion, le traitement et l’agrégation de l’information doivent être évitées si possible et contrôlées dans le cas contraire, de façon à préserver la diversité des faits et des points de vue.

 

Afin de lutter contre les maux de l’information qui menacent l’humanité – fake news, entraves au métier de journaliste et irresponsabilité des plateformes internet –, la Commission Information et Démocratie défend, par cette Déclaration internationale, des principes fondamentaux, tels que :

« La consécration d’un « droit à l’information », entendu comme un droit à l’information fiable, est une innovation qui établit que les êtres humains sont titulaires d’un droit fondamental qui leur permet de revendiquer la réception d’informations collectées, traitées et diffusées de manière libre, conformément à un idéal d’engagement pour la vérité, de pluralité des points de vue et une méthode rationnelle d’établissement des faits. Cette extension prolonge une évolution historique du droit.

Alors que la notion de « liberté d’expression » est utilisée pour justifier l’irresponsabilité d’entités qui créent des moyens techniques, des architectures de choix et des normes pour l’espace de l’information et de la communication, la Déclaration rappelle que la liberté d’expression est un droit des individus, avec des exceptions limitées. Les entités structurantes doivent respecter des principes fondamentaux : leurs activités doivent par exemple respecter une neutralité politique, idéologique et religieuse et il leur revient d’assurer le pluralisme, notamment par la sérendipité, et de mettre en place des mécanismes de promotion de l’information fiable. Ces entités structurantes doivent être prévisibles pour ceux sur qui elles ont de l’influence, résistantes à la manipulation et transparentes à l’inspection.

La Déclaration s’attache aussi à consacrer la fonction sociale du journalisme, qui justifie un effort particulier pour assurer sa viabilité financière. Le journalisme a pour rôle d’être un « tiers de confiance » pour les sociétés. Les journalistes ont vocation à rendre compte de la réalité de la manière la plus large, la plus profonde et la plus pertinente possible, en s’attachant à décrire les événements mais aussi les situations complexes et les évolutions, en conservant un équilibre entre les aspects positifs et négatifs des activités humaines et en distinguant l’important du trivial. La liberté et la sécurité des journalistes, l’indépendance de l’infor­mation, le respect de la déontologie sont des conditions essentielles pour l’exercice du journalisme, quel que soit le statut de ceux qui l’exercent. »

Selon la Commission, un groupe international d’experts indépendants doit être créé pour veiller au respect des principes de la Déclaration.

Lors du Forum de Paris sur la paix, le 11 novembre 2018, douze pays ont pris cette initiative : le Burkina Faso, le Costa Rica, le Danemark, la Lettonie, le Liban, la Lituanie, la Norvège, le Sénégal, la Suisse, la Tunisie, la France et le Canada.

* Présidée par Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF) et Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la Paix, la Commission est composée de 25 personnalités de 18 nationalités, parmi lesquels les lauréats du Nobel Amartya Sen, Joseph Stiglitz et Mario Vargas Llosa, la lauréate du prix Sakharov Hauwa Ibrahim, et également, par ordre alphabétique, des spécialistes des nouvelles technologies, d’anciens dirigeants d’organisations internationales, des juristes et journalistes, à savoir Emily Bell, Yochai Benkler, Teng Biao, Nighat Dad, Can Dündar, Primavera de Filippi, Mireille Delmas-Marty, Abdou Diouf, Francis Fukuyama, Ulrik Haagerup, Ann Marie Lipinski, Adam Michnik, Eli Pariser, Antoine Petit, Navi Pillay, Maria Ressa, Marina Walker, Aidan White et Mikhail Zygar.

Sources :

  • « La « Déclaration internationale sur l’information et la démocratie » : des principes fondamentaux pour l’espace global de l’information et de la communication », Commission Information & Démocratie, Reporters sans frontières, rsf.org, 5 novembre 2018.
  • « L’engagement de chefs d’État et de gouvernement sur la base de la Déclaration sur l’information et la démocratie : « une démarche historique » », Reporters sans frontières, rsf.org, 11 novembre 2018. 

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