L’auteur et l’acte de création

« Les auteurs se trouvent souvent dans l’angle mort des politiques publiques »

Les auteurs de ce rapport formulent vingt-trois recommandations pour remédier à « un phénomène déjà ancien de fragilisation des conditions de vie et de création des artistes-auteurs, aggravé récemment par des facteurs conjoncturels ». Ils montrent notamment que « les artistes-auteurs demeurent insuffisamment organisés pour faire entendre leur voix et que les pouvoirs publics ne les prennent qu’imparfaitement en considération dans leurs politiques ».

Depuis plusieurs années, des sociétés de gestion des droits d’auteur, ainsi que des associations de promotion et de défense des intérêts des auteurs, notamment la Société des gens de lettres (SGDL), alertent sur la dégradation de la situation économique des artistes. Franck Riester, ministre de la culture, a confié en avril 2019 à Bruno Racine, conseiller maître à la Cour des comptes et ancien président de la BnF, le soin d’élaborer des solutions pour parer aux difficultés croissantes auxquelles sont confrontés les artistes-auteurs. Remis en janvier 2020, le rapport a été rédigé avec le concours de Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles, de Céline Roux, maître des requêtes au Conseil d’État et de Bertrand Saint-Etienne, auditeur à la Cour des comptes.

Dans sa première partie, les auteurs du rapport analysent la dégradation de la situation économique et sociale des artistes-auteurs – à laquelle les jeunes et les femmes sont encore plus exposés –, et qui se traduit par « une érosion de leurs revenus, en dépit de l’augmentation générale de la valeur créée ». La mission souligne également le déséquilibre de leurs relations avec les acteurs de l’aval : éditeurs, producteurs, diffuseurs, organisateurs de manifestations culturelles, etc. À cela s’ajoutent de profondes inquiétudes, liées notamment aux réformes sociales en cours, celle concernant le régime des retraites, et à la complexité des démarches administratives à laquelle ils doivent faire face. En outre, l’absence de représentativité des auteurs, catégorie professionnelle particulièrement hétérogène, dessert « la défense de leurs intérêts professionnels communs ». Enfin, « les auteurs se trouvent souvent dans l’angle mort des politiques publiques », contrairement aux acteurs de l’aval, puissants et mieux organisés pour obtenir des aides publiques, tandis que celles qui sont accordées aux créateurs sont « excessivement modestes ».

Dans la deuxième partie, sont décrites « les grandes tendances à l’œuvre dans le monde de la création, susceptibles de façonner la scène artistique de demain ». Si l’autoproduction se développe progressivement, elle n’équilibre en rien les rapports de force entre les créateurs et les plateformes de diffusion avec lesquelles ils travaillent, ni leurs relations avec les acteurs de l’aval.

Le rapport insiste sur l’urgence de renforcer collectivement la place des créateurs et la nécessité de les rassurer en établissant au préalable « une meilleure reconnaissance de leur professionnalité ». Il manque un statut pour l’artiste-auteur professionnel. La mission préconise, entre autres, d’organiser des « élections professionnelles dans chaque secteur de création artistique afin de doter les artistes-auteurs d’organisations représentatives, financées par les organismes de gestion collective ». Elle recommande également de créer un Conseil national pour mettre fin au morcellement de la représentativité des créateurs, Conseil national au sein duquel seraient présents les organismes de gestion collective et les représentants des producteurs, éditeurs et diffuseurs.

En outre, le rapport suggère que soit désormais établi un contrat de commande tenant compte des spécificités du travail de création en remplacement du tradi­tionnel à-valoir – l’avance faite sur les droits d’auteur. Il pourrait être demandé aux organismes de gestion collective de « réserver une part de leurs crédits d’action culturelle aux aides bénéficiant directement aux artistes-auteurs », tout comme il devrait également être facile de conditionner l’octroi d’une aide publique « au respect des droits des artistes-auteurs ». Le ministre entend-il la colère des quelque 270 000 écrivains, auteurs de BD et de livres, scénaristes, graphistes, monteurs, chorégraphes, plasticiens, designers et photographes, qui cotisent actuellement en tant qu’artistes-auteurs au régime général et qui sont les victimes d’une précarité économique, depuis longtemps dénoncée à l’unanimité mais nullement prise en compte par les gouvernements successifs ?

L’auteur et l’acte de création, Bruno Racine et Noël Corbin, Céline Roux, Bertrand Saint-Etienne, janvier 2020.

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