Les nouveaux Wi-Fi

Davantage de débit, moins de latence, une plus grande autonomie et une sécurité renforcée, le Wi-Fi 6 et le Wi-Fi 6E optimisent le débit de la connexion sans fil, notamment dans un contexte réunissant de nombreux utilisateurs et, tout particulièrement, dans les zones congestionnées comme les aéroports, les gares, les centres commerciaux, les universités ou encore les stades. Un dérivé du Wi-Fi, nommé ITS-G5, pourrait également jouer un rôle important dans le domaine de la voiture connectée.

La Wi-Fi Alliance, consortium chargé de la normali­sation du réseau sans fil depuis 1999, a finalement décidé d’adopter le nom « Wi-Fi 6 » pour désigner la norme la plus récente de ce réseau qui, toutes générations confondues, est déjà utilisée dans « 13 milliards de produits dans le monde et sous-tend déjà plus de la moitié du trafic Internet mondial », rapporte Raphaël Balenieri, journaliste aux Echos.

Cette nouvelle norme, certifiée depuis septembre 2019 et siglée 802.11AX, fonctionne sur les bandes des 2,4 GHz et 5 GHz et repose sur de nombreuses améliorations techniques dont l’OFDMA (Orthogonal Frequency-division multiple access), qui permet de moduler le débit selon les besoins réels de l’utilisateur. Lorsque deux personnes utilisaient un réseau Wi-Fi de la précédente génération, si l’un écrivait un courriel tandis que l’autre regardait une vidéo en 4K, le débit alloué était le même pour les deux. L’OFDMA permet de moduler dynamiquement le débit entre les faibles besoins du courriel et la consommation importante de bande passante de la vidéo. Autre nouveauté : le MU-MIMO (Multiple Users Multiple Input Multiple Output) : ce procédé consiste à multiplier les antennes, d’émission et de réception, afin de permettre simultanément aux utilisateurs de télécharger des données, comme avec le Wi-Fi 5, mais aussi d’en envoyer, ajoutant ainsi de la fluidité dans les zones congestionnées. L’« Uplink resource scheduler » organise et limite les conflits de données envoyées par plusieurs utilisateurs en même temps. Enfin, le TWT, pour « Target Wakeup Time », est un système de mise en veille du point d’accès Wi-Fi lorsqu’il n’est pas sollicité, qui permet aux appareils de consommer moins d’énergie et de provoquer moins d’interférences avec les réseaux environnants.

À peine le Wi-Fi 6 était-il certifié que le consortium annonçait en janvier 2020 le lancement du Wi-Fi6E, qui fonctionnera sur la bande de fréquences des 6 Ghz. Cette norme « est bien adaptée pour faciliter la croissance continue du Wi-Fi dans les zones mal desservies, en raison de sa proximité avec la fréquence de 5 GHz où le Wi-Fi fonctionne déjà, de la plus grande disponibilité de canaux de plus grande taille et de l’accessibilité à un spectre clair avec moins d’interférence des appareils Wi-Fi 4 ou Wi-Fi 5 existants » selon Edgar Figueroa, président de la Wi-Fi Alliance. Il sera particulièrement adapté aux services et applications nécessitant une large bande passante, comme la diffusion de vidéos en haute définition ou encore la réalité virtuelle ou la réalité augmentée (voir La rem n°36, p.65).

Parce qu’il convient que l’appareil émetteur et l’appareil récepteur soient dotés de ces nouvelles normes, le grand public devra renouveler ses équipements en box, smartphones et objets connectés afin qu’ils soient compatibles avec le Wi-Fi 6 et le Wi-Fi 6E. En janvier 2020, seul SFR proposait une box intégrant un émetteur Wi-Fi 6. Cinq smartphones Samsung, un smartphone Asus, ainsi que les trois smartphones qu’Apple a lancés en 2019, supportent également la nouvelle norme. Quant au Wi-Fi 6E, il faudra encore attendre la validation des régulateurs nationaux pour que les constructeurs commencent à l’implémenter dans leurs équipements. Le Wi-Fi est également promis à d’autres usages, notamment dans le domaine de la voiture connectée.

Les véhicules connectés

La connectivité des voitures via l’internet n’est pas une nouveauté. Mais, en 2019, la Commission européenne a souhaité accélérer son adoption en incitant les constructeurs à proposer des véhicules qui communiquent directement entre eux (V2V – vehicle to vehicle) mais également avec les infrastructures routières (V2I – vehicle to infrastructure) via des unités de bord de route (UBR) ou encore avec les piétons (V2P – vehicle to pedestrian).

Les communications directes de courte portée, entre véhicules, seront échangées dans la bande de fréquen­ces des 5,9 GHz, alors que les communications de plus longue portée pourront être transmises via le réseau cellulaire des opérateurs de télécommunications à travers les bandes de fréquences qui leur sont attribuées. La bande de fréquences des 5,9 GHz est une « bande libre », harmonisée au niveau européen et réservée aux systèmes de transport routier intelligents (STI) ; elle peut donc être utilisée par n’importe quel acteur des transports, sans déclaration préalable ni demande d’autorisation.

Selon une récente étude du cabinet IDC, près de 70 % des nouveaux véhicules légers et poids lourds dans le monde, et 90 % des véhicules les plus récents aux États-Unis seront livrés avec une connectivité intégrée d’ici à 2023. Ce marché mondial, estimé à plusieurs milliards d’euros par an, fait l’objet d’une intense guerre de lobbying entre constructeurs automobiles, opérateurs de télécommunications et équipementiers de réseaux afin d’imposer leur norme respective : le Wi-Fi ITS-G5 (pour Intelligent Transportation System, dans la bande des 5,9 MHz) en Europe et son équivalent américain et asiatique, le DSRC (Dedicated Short Range Communications) d’une part, ou la 5G C-V2X (pour Vehicle-to-Everything) d’autre part.

Pour les partisans du Wi-Fi ITS-G5, parmi lesquels Renault, Volvo, Toyota, PSA et Volkswagen, cette norme a « suffisamment été testée et standardisée dans le cadre de projets financés par les pouvoirs publics ». Depuis 2014, le projet européen SCOOP (pour Systèmes COOPératifs) a pour objet de tester, dans des conditions réelles, la communication entre véhicules ainsi qu’avec les infrastructures. SCOOP est testé en France par Renault et PSA depuis 2018. Les véhicules connectés sont munis de capteurs et calculateurs qui recueillent autant d’informations que « la vitesse, l’angle du volant, l’adhérence des pneus, la mise en route des essuie-glaces ou encore le déclenchement des airbags », précise un communiqué du groupe Renault. Ces données sont utilisées pour détecter n’importe quel type d’urgence et, si un problème survient, elles déclenchent l’envoi d’un message d’alerte à partir d’un boîtier embarqué. Christine Tissot, chef du projet SCOOP au sein du Groupe Renault précise : « L’objectif prioritaire est de proposer à nos clients des véhicules qui améliorent la sécurité sur les routes et de fluidifier la circulation : les voitures commu­niquent entre elles et s’alertent, en temps réel, en cas de dangers, de ralentissements et d’accidents. Les gestionnaires d’infrastructures transmettent également aux véhicules équipés des informations sur les conditions de circu­lation, les chantiers, la vitesse autorisée, les accidents ou les obstacles dangereux sur la route ». Disponible sur les Renault Mégane et les Peugeot C4 et DS4 les plus récentes, sans surcoût pour le client, SCOOP vise à déployer « 3 000 véhicules sur 2 000 km de routes répartis en cinq sites : Île-de-France, A4, Isère, rocade de Bordeaux et Bretagne ». D’autres projets, pour tester sur le terrain la connectivité des véhicules, sont portés par la Commission européenne, comme C-Roads, Easyway, Datex II ou encore Eu EIP, en élargissant les expérimentations aux milieux urbains et en équipant les bords de route de balises permettant une connectivité avec les infras­tructures routières. Des tests sont également en cours depuis une dizaine d’années aux États-Unis, en Corée du Sud, à Taïwan ou encore au Japon.

Les tenants de la norme concurrente, réunis à travers l’association 5GAA (5G Automotive Association), plaident, quant à eux, pour la 5G C-V2X ou, à tout le moins pour le LTE C-V2X, en attendant que la 5G soit disponible. Notamment promue par BMW, Daimler, Ford, PSA Deutsche Telekom Ericsson, Huawei, Intel, Qualcomm ou encore Samsung, la norme 5G C-V2X propose les mêmes types de commu­nication que son concurrent : une connectivité au réseau, aux autres véhicules, aux infrastructures ou encore aux piétons. Oyunchimeg Shagdar, (Research Team Leader) à l’institut Vedecom (Véhicule Décarboné et Communicant et sa Mobilité) indique, dans des propos rapportés par Zdnet.fr, que « la Chine, avec Huawei en tête, mène une bataille contre l’ITS G5 européen et le DSRC américain ».

Les enjeux sont considérables puisque la 5G C-V2X cible, en plus des bandes de fréquences propres aux opérateurs de télécommunications, les mêmes canaux de fréquences que ceux utilisés par la norme Wi-Fi ITS-G5. D’autre part, les deux normes n’étant pas inter­opérables, un véhicule ne pourra pas communiquer avec un véhicule doté de l’autre technologie, à moins d’embarquer les deux. Si la Commission européenne s’était d’abord prononcée en avril 2019 pour l’adoption de la norme Wi-Fi, le Parlement européen n’a pas suivi puisque 21 pays européens sur 28 ont voté contre en juillet 2019.

Selon le rapport « Réseaux du futur – Note n°2 – Les voitures connectées » de l’Arcep, publié le 19 février 2019, certains prônent un modèle hybride, mais les difficultés restent nombreuses et concernent notamment « les modèles économiques associés, qui ne sont pas clairement identifiés, en particulier en ce qui concerne le déploiement des unités de bord de route, utilisées par les gestionnaires d’infrastructures pour communiquer avec les véhicules […] et la difficulté à garantir une réelle fiabilité de la communication sur une large part des réseaux routiers, pourtant critique pour les cas d’usages liés à la sécurité routière ». Le coût de déploiement de ces unités de bord, installées le long des infrastructures routières, est estimé par l’Arcep à environ 1 500 euros du kilomètre, et comme il s’agit avant tout de sécurité routière et non de services commerciaux ou de marketing, personne ne sait qui, de l’État, des collectivités territoriales, des gestionnaires autoroutiers, ou des acteurs privés, pourrait prendre en charge ces investissements. De plus, un autre modèle pourrait exister, basé sur la connectivité des smartphones des personnes véhiculées, que ce soit le conducteur ou les passagers. Ce casse-tête génère de nombreuses incertitudes et a pour effet de ralentir le déploiement de ces technologies dans les véhicules, ainsi que les travaux d’investissements nécessaires pour équiper les infrastructures routières.

Sources :

  • « Comment la norme 802.11ax va révolutionner nos connexions Wi-Fi », Jean-Sébastien Zanchi, 01net.com, 17 février 2017.
  • « Véhicules connectés : les opérateurs 5G demandent l’abandon de l’ITS G5 », APM, zdnet.fr, 22 octobre 2018.
  • « Voiture connectée : l’UE veut faire du wifi la nouvelle norme face à la 5G », latribune.fr, 22 octobre 2018.
  • « Réseaux du futur – Note n° 2, Les voitures connectées », ARCEP, Arcep.fr, 19 février 2019.
  • « ITS-G5, C-V2X : l’Arcep dresse l’état des lieux du casse-tête de la voiture connectée », Sébastien Gavois, nextinpact.com, 20 mars 2019.
  • « Worldwide Connected Vehicle Forecast, 2019-2023 », IDC Report #US45050319, idc.com, May 23, 2019.
  • « EU opens road to 5G connected cars in boost to BMW, Qualcomm », Foo Yun Chee, Reuters.com, July 4, 2019.
  • « Véhicules connectés : la 5G prend le meilleur sur le WiFi dans l’UE », zdnet.fr, 5 juillet 2019.
  • « Wi-Fi 6, que retenir pour un usage professionnel ? », Pierre Benhamou, zdnet.fr, 23 septembre 2019.
  • « Le Wi-Fi 6 met le cap sur la bande des 6 GHz », Pierre Benhamou, zdnet.fr, 6 janvier 2020. 

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