Avec Disney+, Verizon n’a plus besoin ni d’AOL ni de Yahoo !

Le rachat d’AOL et de Yahoo ! par Verizon avait pu symboliser le retour de la convergence. Leur revente à un fonds dédié aux médias désigne la fin de cette stratégie.

C’était le retour de la convergence après les grandes déconvenues du début des années 2000 et l’échec de la fusion AOL-Time Warner (voir La rem n°12, p.35) : en 2015, un opérateur de téléphonie mobile, Verizon, s’emparait d’un producteur de contenus sur internet, AOL, pour 4,4 milliards de dollars (voir La rem n°34-35, p.47) ; en 2017, le même Verizon s’emparait de Yahoo ! pour 4,5 milliards de dollars (voir La rem n°40, p.61). Ensemble, les deux ex-grandes gloires de l’internet au tournant des années 2000 devenaient Oath, puis Verizon Media. Pour l’opérateur de téléphonie mobile, les contenus en ligne allaient contribuer à renforcer encore plus la connaissance de ses abonnés, les fidéliser et, idéalement, permettre de diversifier ses recettes en développant la publicité personnalisée. En effet, en croisant les données liées à l’activité d’opérateur mobile (dont la géolocalisation) et celles liées à la consommation de contenus, un bon indicateur des centres d’intérêt des abonnés, Verizon Media pouvait espérer s’imposer comme une grande régie en ligne. Mais la technologie publicitaire d’AOL comme celle de Yahoo ! n’ont pas été en mesure de rivaliser avec les algorithmes de Google et Facebook qui continuent de siphonner le marché publicitaire en ligne. En 2018, un an donc après le rachat de Yahoo !, Verizon dépréciait déjà de 4,6 milliards de dollars la valeur de Oath.

Certes, Verizon Media résiste bien : au premier trimestre 2021, l’ensemble a réalisé un chiffre d’affaires de 1,9 milliard de dollars, en hausse de 10 %, et béné­ficie du dynamisme des intissements des annonceurs sur internet en période de crise sanitaire. Mais Verizon n’en a plus besoin. Pour fidéliser ses abonnés 4G et surtout 5G, rien de tel que la SVOD. En 2018, Verizon s’est ainsi mis d’accord avec Disney+ qui, pour son lancement, a été offert pendant un an à ses abonnés. De quoi les fidéliser donc sans avoir à gérer des portails, des sites web, des régies publicitaires en ligne. En novembre 2020, Verizon commençait à céder de premiers actifs issus des rachats de Yahoo ! et d’AOL : le HuffPost était vendu à BuzzFeed avec qui Verizon passait un partenariat pour la distribution de ses contenus dans son offre de télévision connectée (voir La rem n°56, p.61).

Le 3 mai 2021, Verizon annonçait la cession de l’ensemble de Verizon Media au fonds Apollo Management pour seulement 5 milliards de dollars. Le nouveau propriétaire a l’avantage de maîtriser la production de contenus, Apollo contrôlant Cox Media Group aux États-Unis et ayant été un acteur central du mouvement de concentration au sein de la presse américaine. Il devrait donc en toute logique faire de Verizon Media, qui sera renommé Yahoo !, un ensemble centré sur les contenus, financé par la publicité et de plus en plus par le e-commerce, un moyen donc de diversifier les ressources quand le marché publicitaire en ligne profite d’abord aux nouveaux géants de l’internet.

Sources :

  • « Verizon brade les anciennes gloires du web AOL et Yahoo ! pour 5 milliards de dollars », Pierre-Yves Dugua, Le Figaro, 4 mai 2021.
  • « Yahoo ! et AOL changent une nouvelle fois de mains », Véronique Le Billon, Les Echos, 4 mai 2021. 
Alexandre Joux, directeur de l'Ecole de journalisme et de communication d'Aix-Marseille (EJCAM), Aix-Marseille Université, IRSIC (Institut de recherche en sciences de l'information et de la communication)

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