Baisse tendancielle de la lecture

Une grande majorité de Français aime toujours lire et fréquenter les librairies mais la crise sanitaire a confirmé une tendance de fond, le déclin du nombre de lecteurs.

« Malgré des dynamiques de marché rassurantes pour le secteur du livre, nous observons une inflexion globale du nombre de lecteurs et ce pour la moitié des genres littéraires » a déclaré la présidente du CNL (Centre national du livre), Régine Hatchondo, à l’occasion de la parution en mars 2021 du baromètre « Les Français et la lecture ». Depuis 2015, une année sur deux, au mois de janvier, cette enquête menée auprès de 1 000 personnes âgées de 15 ans et plus décrit des pratiques de lecture en déclin.

81 % des Français se déclarent lecteurs en 2020 (- 7 % vs 2018 et – 5 % vs 2014-2018). Le taux de non-lecteurs est passé de 15 % en 2014 à 19 % en 2020. Sur l’ensemble des Français, les deux plus importantes catégories de lecteurs restent les femmes (85 %) et les personnes de 65 ans et plus (92 %).

La baisse de la lecture est particulièrement sensible auprès des plus jeunes : 69 % des 25-34 ans se déclarent lecteurs en 2020 (- 14 % vs 2018 et – 13 % vs 2014-2018). Parmi les 15-24 ans, 80 % se disent lecteurs (- 12 %). Cette baisse concerne également les femmes (- 6 %) pourtant très nombreuses à lire (85 %) et – 8 % des hommes (77 %).

L’habitude de lire tous les jours se perd : 45 % des Français déclarent lire tous les jours ou presque en 2020, contre 50 % en 2018 et 48 % en 2014. Cette pratique quotidienne concerne 53 % des femmes, et seulement 36 % des hommes, mais elle chute de 6 % pour les lectrices par rapport à 2018. Respectivement 36 % et 37 % des 15-24 ans et des 25-34 ans déclarent lire tous les jours, contre 65 % des 65 ans et +. Le pourcentage de Français pour lesquels la lecture se pratique uniquement pendant les vacances a augmenté de 8 % à 12 % entre 2018 et 2020.

Le papier l’emporte encore largement sur le numérique en 2020, avec 83 % des Français lecteurs d’ouvrages imprimés contre 23 % au format numérique (37 % des 15-24 ans et 35 % des 25-34 ans). La part des lecteurs sur papier a cependant baissé de 8 % en 2020 contre 1 % pour le format numérique. La proportion de Français qui lisent exclusivement sur papier (63 %) a chuté de 5 % en 2020 tandis que 3 % lisent exclusi­vement au format numérique, soit + 2 % par rapport à 2018. Parmi les lecteurs de livres au format numérique, la part des CSP+ (27 %) et des CSP- (30 %) est quasiment identique à celles des lecteurs de livres imprimés. Le lecteur de livre numérique, homme (53 %) ou femme (47 %) presque à égalité, âgé de 41 ans (44 % de 15-34 ans), habite plutôt en Île-de-France (23 %) et possède un diplôme universitaire (50 %).

Les romans, les livres pratiques et les livres d’histoire sont les catégories qui rencontrent le plus de lecteurs, respectivement 67 % (- 7 %), 49 % (- 7 %) et 45 %. Près de la moitié des genres littéraires enregistre une baisse du nombre de lecteurs en 2020, particulièrement les livres pratiques, arts de vivre et loisirs (- 7 %), les albums de BD (- 11 %) et les livres d’art ou beaux livres (- 9 %). En revanche, seuls les livres de reportages et d’actualité sont davantage plébiscités, avec 36 % des lecteurs (+ 6 %), dont 58 % lisent ces livres en entier, de la première à la dernière page (+ 17 %). Avec ces choix de lecture, moins de romans et plus de livres d’actua­lité, « les Français ont probablement eu envie de mieux comprendre le monde et de décrypter la crise que nous avons traversé », explique le CNL.

En 2020, les circonstances particulières sont peu favorables à la lecture : 65 % des Français lisent en dehors de chez eux (- 14 %) et 48 % dans les transports (- 14 %) ou encore 25 % ont lu autant pour le travail que pour les loisirs (+ 5 %). S’ajoute la forte augmentation du temps consacré aux tâches domestiques et à l’enca­drement éducatif des enfants qui a largement entamé le temps libre des plus grandes lectrices que sont les femmes. Depuis le début de l’épidémie, plus de 40 % des Français déclarent avoir moins de temps pour eux-mêmes. Les activités en ligne concurrentes de la lecture ont été plus prenantes en 2020 : 34 % des Français ont passé plus de temps sur internet ; 26 % ont utilisé davantage les réseaux sociaux ; 28 % ont regardé plus de vidéos en ligne. Selon les Français qui déclarent avoir moins lu en 2020 (30 %), la concurrence d’autres loisirs (37 %) figure comme une alternative forte à la lecture (+ 8 %).

Cette baisse de la lecture pointée par l’enquête du CNL trouve pour une part son origine dans les restrictions liées à la crise sanitaire avec la limitation des dépla­cements, le télétravail et bien sûr la fermeture des librairies, des rayons livres et des bibliothèques. Néanmoins, cette première explication ne serait pas suffisante. Selon la présidente du CNL, « la baisse de la lecture est tendancielle : elle est constatée depuis une dizaine d’années, en particulier chez les jeunes ».

Le rajeunissement du lectorat repéré en 2016 et 2018 ne s’est pas confirmé : la part des 15-24 ans parmi les grands lecteurs de livres papier (au moins 20 livres par an) est inférieure à 10 % en 2020 contre 16 % en 2018, tandis qu’à l’inverse les 65 ans et + représentent 45 % en 2020 contre 36 % en 2018, l’âge moyen passant ainsi de 52 ans à 55 ans. Et lorsque l’on interroge les Français sur leur désir de lire davantage, seuls 57 % le souhaitent (- 12 %), une baisse particulièrement marquée chez les 15-24 ans (- 18 %) et les 25-34 ans (- 17 %).

L’importance de la lecture au sein de la famille, dès l’enfance, est une expérience partagée par 64 % des Français en 2020, et 35 % (+ 4 %) considèrent que la lecture y tenait même une place « très importante ». Parmi ces derniers, 32 % sont devenus de grands lecteurs et 54 % lisent tous les jours ou presque.

Source :

  • Baromètre « Les Français et la lecture. Résultats 2021 », Armelle Vincent Gérard et Maëlle Lapointe – Ipsos, Centre nationale du livre, centrenationaldulivre.fr,
    mars 2021.

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