Responsabilité du titulaire d’un compte d’un service en ligne du fait de commentaires postés par des tiers

CEDH, 2 septembre 2021, Sanchez c. France, n° 45581/15.

Par un arrêt du 2 septembre 2021, Sanchez c. France, n° 45581/15, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) confirme la décision rendue par les juridictions françaises qui ont considéré que, en sa qualité de producteur du site, le titulaire d’un compte d’un service de communication au public en ligne peut être tenu pour responsable de commentaires, constitutifs d’abus de la liberté d’expression (messages à caractère haineux et discriminatoire), postés par des tiers si, dès qu’il en a eu connaissance, il n’a pas procédé à leur retrait.

C’est essentiellement par référence aux dispositions du droit (distinct) de l’Union européenne, relatives à la définition et à la responsabilité des hébergeurs, qu’a été retenue, par la CEDH, la responsabilité de celui que, pour parvenir au même résultat, les juridictions françaises ont, dans cette affaire, pourtant qualifié de producteur.

La directive 2000/31/CE, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information et notamment le commerce électronique dans le marché intérieur, transposée en droit français par la loi n° 2004-575, du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN), dispose, en son article 14, à propos des hébergeurs, que « les États membres veillent à ce que, en cas de fourniture d’un service de la société de l’information consistant à stocker des informations fournies par un destinataire du service, le prestataire ne soit pas responsable des informations stockées à la demande d’un destinataire du service à condition que : a) le prestataire n’ait pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite et […] de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité ou l’information illicite est apparue, ou b) le prestataire, dès le moment où il a eu de telles connaissances, agisse promptement pour retirer les informations ou rendre l’accès à celles-ci impossible ». Cela signifie que, dans le cas contraire, la responsabilité des hébergeurs peut être engagée.

En cette affaire, la Cour européenne relève que le titulaire du compte « ne s’est pas vu reprocher l’usage de son droit à la liberté d’expression […] mais son manque de vigilance et de réaction concernant certains commentaires publiés » par des tiers.

Elle retient que, alors que l’auteur d’un des messages litigieux l’avait de lui-même immédiatement retiré, un autre des commentaires, faute d’avoir été retiré par le détenteur du compte, était encore visible près de six semaines après sa publication.

Elle ajoute que l’intéressé « n’a pas été poursuivi en lieu et place » des auteurs des commentaires en cause, mais en qualité de titulaire du compte. Elle estime que cela implique, pour lui, « des obligations spécifiques, en particulier lorsque », comme en l’espèce, il « décide de ne pas faire usage de la possibilité qui lui est offerte d’en limiter l’accès, choisissant, au contraire, de le rendre accessible à tout public ».

L’arrêt estime que, au vu des circonstances spécifiques de cette affaire, la décision des juridictions françaises de condamner le titulaire du compte, « faute, pour celui-ci, d’avoir promptement supprimé les propos illicites publiés par des tiers […] reposait sur des motifs pertinents et suffisants », et que, « dès lors, l’ingérence litigieuse », que constitue la condamnation prononcée par les juridictions françaises, « peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique » ». En conséquence, il conclut qu’« il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention » de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre la « liberté d’expression », tout en admettant, en son paragraphe 2, que des « restrictions » puissent y être apportées, visant notamment à « la protection de la réputation ou des droits d’autrui », à laquelle peut être rattachée la lutte contre les messages haineux et discriminatoires, cause de la condamnation prononcée en l’espèce.

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