Dans quelle langue surfez-vous ?

Pour la plupart des internautes européens, Internet se pratique principalement dans leur langue maternelle. Si l’anglais est la langue étrangère la plus utilisée, ils sont 44 % à déclarer avoir recours en ligne uniquement à leur propre langue. En outre, plus de 4 internautes européens sur 10 disent avoir le sentiment de manquer des informations intéressantes diffusées sur des sites web dont ils ne maîtrisent pas la langue.

Publiée en mai 2011, une enquête Eurobaromètre réalisée par Gallup à partir de plus de 13 700 entretiens entre janvier et février 2011 auprès d’internautes âgés de 15 ans et plus dans 27 pays de l’Union européenne détaille pour la première fois leurs préférences linguistiques. La lecture des résultats de ce sondage à l’échelle européenne nécessite de prendre en compte les grandes disparités constatées quant au nombre d’internautes par pays. Dans des pays ayant un taux de pénétration internet supérieur à 90 % comme la Suède ou les Pays-Bas, l’enquête s’appuie sur un échantillon qui est représentatif de la population adulte totale. Cependant, dans d’autres pays, comme la Grèce, la Roumanie ou la Bulgarie où les internautes représentent moins de 50 % de l’ensemble de la population, les résultats de l’enquête portent sur une catégorie sociale plutôt masculine, jeune, très instruite et urbaine, c’est-à-dire un échantillon de la population ayant davantage de capacités à lire et à écrire dans une autre langue que la sienne.

En moyenne, dans les 27 pays de l’Union européenne, 54 % des internautes déclarent utiliser Internet plusieurs fois par jour, 30 % environ une fois par jour, 13 % au moins une fois par semaine et 3 % environ une fois par mois. Dans la plupart des pays européens, au moins 80 % des internautes surfent quotidiennement, jusqu’à 90 % en Lituanie, Bulgarie et Slovénie. Plus des deux tiers des internautes en Suède (67 %), en Slovénie (68 %), en Bulgarie (69 %) et en Lituanie (69 %) déclarent se servir d’Internet plusieurs fois par jour. Seule l’Italie se démarque de cette tendance générale avec 73 % d’internautes naviguant tous les jours, et seulement 33 % plusieurs fois par jour. En France, 61 % des internautes utilisent Internet plusieurs fois par jour, 26 % environ une fois par jour, 10 % au moins une fois par semaine et 3 % environ une fois par mois.

En revanche, les internautes européens sont beaucoup moins nombreux lorsqu’il s’agit de naviguer dans une langue étrangère. Seule une petite majorité d’entre eux (55 %) déclare utiliser au moins une autre langue que la leur pour lire ou regarder des contenus en ligne. Ils sont 44 % à pratiquer uniquement leur langue maternelle sur Internet. La part des internautes ayant recours à une langue étrangère pour écrire des emails (courriels), envoyer des messages ou poster des commentaires sur le Web est encore plus réduite : 35 % déclarent le faire et 59 % ne pas le faire. Néanmoins, si l’on prend en considération seulement 23 pays sur 27, au moins la moitié des internautes utilise une langue étrangère pour lire et regarder des contenus sur le Web, de la Hongrie (50 %) jusqu’à la Grèce (90 %), la Slovénie (91 %), le Luxembourg (92 %), Malte et Chypre (93 %). En France, 57 % des internautes utilisent une autre langue que le français pour surfer. Contrairement à la plupart des pays européens, quatre pays se distinguent par le nombre d’internautes ayant recours uniquement à leur langue maternelle : l’Italie (52 %), la République tchèque (61 %), l’Irlande (80 %) et le Royaume-Uni (85 %). Les proportions sont les mêmes concernant l’écriture en ligne pour tous les pays européens.

Cependant, le niveau de fréquentation d’Internet influe sur la probabilité d’utiliser une langue étrangère. Ainsi, près des deux tiers (65 %) des gros utilisateurs d’Internet (plusieurs fois par jour) déclarent utiliser au moins une langue étrangère pour lire ou regarder des contenus en ligne et 45 % pour écrire contre seulement 27 % et 11 % des plus petits utilisateurs (environ une fois par mois).

L’anglais est de loin la lingua franca sur Internet, puisque 48 % d’entre eux l’utilisent pour lire et regarder des contenus en ligne, et 29 % pour écrire. Viennent ensuite, dans l’ordre, le français et l’allemand utilisés comme langue étrangère par un nombre relativement élevé d’internautes européens (6 %), puis l’espagnol (4 %), comparativement à l’italien (2 %), au russe (2 %), au néerlandais (0,5 %), au suédois (0,4 %), au portugais (0,3 %) ou encore au polonais (0,2 %). Les internautes luxembourgeois font figure d’exception en choisissant d’abord comme langue étrangère pour Internet le français et l’allemand à 67 % et 63 %, puis l’anglais à 55 %. Le français est également la langue étrangère choisie par les internautes britanniques (9 %) et irlandais (7 %), qui sont de toute façon très peu nombreux à utiliser une seconde langue.

Pour les internautes qui utilisent anglais comme langue étrangère pour lire ou regarder des contenus sur Internet, cette pratique reste occasionnelle pour 61 % d’entre eux ; seuls 13 % déclarent le faire tout le temps et 26 % fréquemment. L’Autriche, la Pologne, la France et l’Allemagne sont les quatre pays les moins enclins à utiliser l’anglais comme seconde langue sur Internet, avec largement plus des deux tiers des internautes déclarant ne le faire qu’occasionnellement.

Parmi les internautes européens qui pratiquent une seconde langue sur Internet, la plupart (81 %) le font, au moins occasionnellement, pour rechercher des informations, lire ou regarder les actualités, 62 % pour communiquer avec leurs amis ou des connaissances, 56 % pour trouver ou acheter des produits et des services et 52 % pour des raisons professionnelles, mais cela dans tous les cas principalement de manière occasionnelle. Plus de 50 % des internautes européens déclarent ne jamais se divertir, jouer en ligne par exemple, dans une autre langue que leur langue maternelle. Moins de 4 internautes sur 10 déclarent le faire au moins de façon occasionnelle aux Pays-Bas, en Italie, en Autriche, en Irlande et au Royaume-Uni (entre 36 % et 38 %). La proportion d’internautes utilisant fréquemment ou tout le temps une langue étrangère pour se divertir sur Internet demeure en dessous des 33 % dans presque tous les pays.

Pour rechercher des informations, lire ou regarder les actualités en ligne dans une langue étrangère, les internautes français sont 6 % à déclarer le faire tout le temps, 24 % fréquemment, 52 % occasionnellement et 19 % jamais ; les internautes italiens et anglais sont 30 % à déclarer ne jamais le faire, tandis que les Maltais et les Luxembourgeois sont 49 % et 29 % à déclarer le faire tout le temps. Bien que 90 % des internautes, s’ils ont le choix, consultent de préférence un site édité dans leur langue maternelle, une courte majorité (53 %) accepterait d’utiliser la version anglaise si un site n’était pas disponible dans leur propre langue. Mais plus de 44 % d’entre eux considèrent qu’ils se privent d’informations intéressantes parce que les sites web ne sont pas dans une langue qu’ils comprennent. Cette impression est partagée par plus de la moitié des internautes grecs (60,4 %), espagnols (58 %), chypriotes (55,7 %), portugais (55,5 %) et roumains (50,6 %).

Malte (97 %), Chypre (90 %), la Suède (85 %), la Grèce (85 %) et la Slovénie (81 %) sont des pays où les internautes acceptent de consulter des sites en anglais par défaut, contrairement à plus de la moitié des internautes sondés en Italie, en Lettonie et en Roumanie. En France, 50 % des internautes y sont favorables. Parmi les internautes interrogés, près de 9 sur 10 considèrent que l’ensemble des sites web créés dans leur pays devraient être disponibles dans la ou leurs langues officielles, mais également dans d’autres versions étrangères pour 8 internautes sur 10, éventualité à laquelle n’adhèrent guère presque la moitié des internautes finlandais (49 %) et environ le tiers des internautes suédois, danois, slovènes et néerlandais (entre 26 % et 30 %).

Cette enquête révèle également des différences importantes entre les catégories sociales, quant à la fréquentation d’Internet et l’usage d’une langue étrangère pour naviguer. Ainsi, les gros utilisateurs d’Internet en Europe (plusieurs fois par jour) sont plutôt masculins (58 %) et ils ont un niveau d’instruction parmi les plus élevés (62 %). Les étudiants européens sont majoritairement (65 %) de gros utilisateurs d’Internet. De même, les internautes européens qui sont les plus enclins à pratiquer au moins une langue étrangère pour lire, écrire ou regarder des contenus sur Internet sont les hommes, les 15-39 ans, les étudiants, les plus diplômés, les employés et les travailleurs indépendants. Ceux qui pratiquent tout le temps ou fréquemment l’anglais sur le Web sont masculins, très diplômés, étudiants, travailleurs indépendants et jeunes (49 % des 15-24 ans contre 33 % des plus de 40 ans). Ainsi, pour de nombreuses activités en ligne, les femmes, les personnes les plus âgées et celles ayant un faible niveau d’instruction, les chômeurs, sont moins susceptibles de déclarer qu’ils utilisent au moins occasionnellement une autre langue sur Internet que leur langue maternelle. Seuls 40 % des internautes les moins instruits utilisent une langue étrangère pour communiquer avec leurs amis sur Internet contre 77 % des étudiants et 63 % des plus instruits. Même s’ils ont le choix de la langue, plus de 90 % des internautes ayant un niveau d’instruction faible ou moyen visitent toujours des sites dans leur langue maternelle, contre 86 % pour les internautes les plus diplômés. Les femmes, les ruraux, les employés et les travailleurs manuels utilisent également Internet dans leur propre langue. Les internautes qui acceptent de visiter un site en anglais, en l’absence d’une version disponible dans leur langue maternelle, sont les jeunes (y compris ceux qui sont encore en formation), les travailleurs indépendants et les gros utilisateurs d’Internet. Tandis que 65 % des 15-24 ans seraient d’accord pour utiliser une version anglaise d’un site, seuls 49 % des plus de 54 ans y sont favorables.

Afin que chacun puisse mieux explorer Internet, la Commission européenne finance à hauteur de 67 millions d’euros trente projets de recherche sur les technologies linguistiques. En 2011, 50 millions d’euros supplémentaires seront attribués à de nouveaux projets. Le projet baptisé iTRANSLATE4 aboutira ainsi au lancement du premier portail internet offrant des traductions en ligne gratuites en plus de cinquante langues d’Europe et d’ailleurs, et permettra de comparer les traductions proposées par les applications les plus utilisées comme Google, Bing, Systran, Trident ou Linguatec. La Commission européenne encourage la collaboration entre les chercheurs, le secteur privé, le secteur public et les citoyens à travers notamment le projet META-NET qui, avec plus de 200 membres, vise à créer une alliance des technologies.

Sources :

  • « User language preferences online », The Gallup Organization, Directorate General Communication, European Communication, Flash Eurobarometer, n°313, 125 p., europa.eu, May 2011.
  • « Stratégie numérique : plus de la moitié des internautes de l’UE ont recours à une langue étrangère pour naviguer sur Internet », Commission européenne, communiqué de presse, IP/11/556, Bruxelles, europa.eu, 11 mai 2011.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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