La fusion Comcast-NBC Universal autorisée, Vivendi prend le contrôle total de SFR

Autorisée par la FCC, la fusion entre Comcast et NBC Universal traduit l’intérêt renouvelé pour l’alliance des « tuyaux » et des « contenus ». En permettant à Vivendi de se séparer d’une participation minoritaire, elle répond à la stratégie du groupe qui cherche à contrôler ses actifs et joue, comme Comcast, l’alliance des télécommunications et de la création. La prise de contrôle de la totalité du capital de SFR par Vivendi ne traduit donc pas, pour le groupe français, un changement de positionnement dans l’univers des contenus.

L’accord de la FCC à la fusion Comcast-NBCU permet à Vivendi de toucher 5,8 milliards de dollars pour sa participation de 20 % dans NBCU

Annoncée le 3 décembre 2009, la prise de contrôle de NBC Universal par le câblo-opérateur Comcast a été autorisée le 18 janvier 2011 par la Federal Communication Commission (FCC), l’autorité américaine de régulation des communications. Cette prise de contrôle se fera par étapes, d’abord dans le cadre d’une entreprise commune entre General Electric (GE), propriétaire de 80 % de NBC Universal, et de Comcast, qui détiendra 51 % de la nouvelle entité, GE devant se désengager du nouvel ensemble dès 2012 (voir REM n°13, p.30). La FCC a également autorisé, dans le cadre de cette opération, le groupe français Vivendi à vendre à Comcast les 20 % qu’il détenait dans NBC Universal. Après avoir déjà perçu 2 milliards de dollars en septembre 2010 pour 7,66 % de ses parts, Vivendi a donc cédé à Comcast le reste de sa participation dans NBC Universal, le 26 janvier 2011, pour 3,8 milliards de dollars, soit au total 5,8 milliards de dollars récupérés par Vivendi qui cède ici une participation minoritaire. La FCC a en outre imposé une série de conditions à Comcast pour préserver la concurrence, alors que la fusion entre le premier câblo-opérateur américain et l’une des majors du cinéma et de la télévision aux Etats-Unis fait émerger un ensemble dont l’addition des chiffres d’affaires en 2009 atteint 45,7 milliards de dollars, ce qui le place devant Disney, qui a réalisé, en 2010, 41 milliards de dollars de chiffre d’affaires ou encore devant Time Warner, avec 27 milliards de dollars de chiffre d’affaires, ce dernier ayant à l’inverse opté pour un recentrage sur les médias et s’étant séparé de Time Warner Cable (voir REM n°8, p.33). Parmi les conditions imposées par la FCC, Comcast devra notamment continuer à diffuser NBC sur les quatre réseaux nationaux américains. Pour la vidéo en ligne, Comcast, allié à NBC Universal, devra renoncer à son droit de vote au sein du site de vidéo Hulu, détenu avec News Corp. et Disney, les autres majors américaines du cinéma. Le nouvel ensemble ne pourra pas davantage augmenter sa participation au-delà de 30 % dans Hulu, et devra également rendre disponible un plus grand nombre de ses programmes sur Hulu. Par ailleurs, Comcast s’est engagé à lancer un tarif social pour Internet à 10 euros par mois à l’intention des 2,5 millions de foyers américains défavorisés.

Vivendi rachète à Vodafone sa part minoritaire de 44 % dans SFR

La cession par Vivendi des 20 % que le groupe français détenait dans NBC Universal s’inscrit dans une stratégie d’ensemble qui consiste à recentrer le groupe sur les actifs contrôlés en totalité et à se séparer de ses participations minoritaires. En effet, Vivendi souffre d’une décote de holding qui pénalise sa valorisation boursière, inférieure à l’ensemble de ses actifs. En se séparant de ses activités minoritaires et en prenant le contrôle majoritaire de la totalité de ses actifs, le groupe Vivendi entend inverser cette tendance en devenant un groupe industriel contrôlé de bout en bout, une stratégie qui passe par le rachat des 44 % de SFR détenus par Vodafone et des 20 % de Canal Plus France détenus par Lagardère. Grâce aux sommes perçues de la vente des 20 % de NBCU, mais grâce également au 1,25 milliard d’euros perçu de Deutsche Telekom le 14 janvier 2011, en règlement d’un différend sur le contrôle de l’opérateur mobile polonais PTC, Vivendi a pu sans difficulté financer le rachat des 44 % de SFR détenu par Vodafone.

Officialisé le 3 avril 2011, le rachat des 44 % de SFR s’est fait sur une valorisation du deuxième opérateur de télécommunications français de 6,2 fois son excédent brut d’exploitation, soit 17,6 milliards d’euros au total pour SFR. Vivendi verse donc 7,75 milliards à Vodafone pour les 44 % de SFR qu’il détient, ainsi que 200 millions d’euros de dividendes au titre du premier semestre 2011, l’opération devant être finalisée en juin 2011. Vivendi prend ainsi le contrôle total de SFR, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 12,5 milliards d’euros en 2010, et cumule 21 millions de clients dans le téléphone mobile et 5 millions dans le téléphone fixe (dont l’accès à Internet). L’accord de cession conclu entre Vivendi et Vodafone s’accompagne également du maintien des accords commerciaux entre SFR et Vodafone pendant trois ans. Pour Vivendi, l’opération lui permet d’inscrire dans les comptes du groupe les 600 millions d’euros annuels de résultats nets de SFR, et également d’accéder à sa trésorerie sans attendre le versement annuel du dividende. Par ailleurs, n’étant plus tenu par la participation minoritaire de Vodafone, SFR pourra se développer aà l’étranger et mettre en place une politique commerciale plus agressive en France, alors que la concurrence doit se renforcer sur le marché hexagonal du mobile avec l’arrivée de Free en 2012 (voir REM n°17, p.22).

En entrant en totalité dans le périmètre du groupe Vivendi, SFR contribuera dès 2011 à près de la moitié de son résultat opérationnel, renforçant ainsi le poids des télécommunications au sein de Vivendi, qui contrôle également 53 % de Maroc Telecom et 100 % du groupe brésilien GVT. SFR n’a toutefois pas vocation à regrouper à terme l’ensemble des activités de télécommunications de Vivendi, qui compte également poursuivre son développement dans les contenus et les plates-formes, Vivendi étant aussi le numéro 1 mondial de la musique avec Universal Music Group, le numéro 1 mondial des jeux vidéo avec Activision-Blizzard et l’un des grands acteurs européens de la télévision payante avec Groupe Canal Plus, détenteur par ailleurs de l’un des plus grands catalogues européens de films avec Studio Canal et Kinowelt (voir REM n°6-7, p.16). Cette alliance des réseaux, des services et de la création constitue d’ailleurs, selon Jean-Bernard Lévy, président du directoire de Vivendi, toute la force du groupe, qui ne saurait être considéré comme une simple holding : « Nous sommes sur toute la chaîne de valeur, c’est un plus, c’est ce qui fait la différence », une stratégie finalement semblable à celle de Comcast quand il s’empare de NBCU. Pour Vodafone, à l’inverse, l’opération est l’occasion de se séparer d’un actif minoritaire et de se renforcer dans ses activités de télécommunications dans les pays émergents, le groupe ayant racheté le 31 mars 2011, pour 5 milliards de dollars, les 33 % du capital de Vodafone Essar, le numéro 3 du mobile en Inde derrière Bharti et Reliance, jusqu’alors détenus par son partenaire Essar.

Sources :

  • « Le rapprochement Comcast-NBC Universal approuvé », Adèle Smith, Le Figaro, 20 janvier 2011.
  • « SFR : Vivendi et Vodafone passent aux choses sérieuses », Jean-Baptise Jacquin, La Tribune, 27 janvier 2011.
  • « Télécoms : Vivendi prend le contrôle total de SFR », Enguérand Renault, Le Figaro, 4 avril 2011.
  • « Vivendi rachète les 44 % de SFR détenus par Vodafone », G. de C., Les Echos, 4 avril 2011.
  • « Le rachat de SFR consacre la stratégie industrielle de Vivendi », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 5 avril 2011.
  • « Vivendi prend le contrôle total de SFR pour 7,95 milliards d’euros », Laurence Girard, Le Monde, 5 avril 2011.
  • « Vivendi a désormais les mains libres pour piloter SFR », Solveig Godeluck, Les Echos, 5 avril 2011.
  • « Vodafone – Vivendi, le gagnant n’est pas celui que l’on croit », Una Galani, Reuters – Le Monde, 6 avril 2011.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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