Les assistants vocaux et autres agents conversationnels

La voix devient une nouvelle interface et la réponse unique, l’un des enjeux majeurs soulevés par les assistants vocaux

L’adoption des assistants vocaux, permettant d’interagir verbalement avec eux ou avec des chatbots, a connu une croissance exponentielle depuis leur introduction sur le marché. Qu’il soit généraliste ou spécialisé, un assistant vocal propose à une personne de poser des questions ou encore la gestion de tâches telles qu’envoyer un SMS ou un courrier électronique dicté à voix haute à la machine. Siri (Apple), Alexa (Amazon), Bixby (Samsung) Google Now, Google Home ou Cortana (Microsoft) sont des assistants vocaux généralistes. Un chatbot a, quant à lui, vocation à mener « une conversation prolongée avec l’utilisateur, sans tâche précise à accomplir » et sera « en capacité d’identifier les émotions ressenties par son utilisateur et de simuler en retour des émotions – qui demeurent factices – ce, afin de générer une interaction toujours plus poussée et source d’engagement en jouant sur un phénomène d’empathie ».

Pour les grands acteurs du web et de l’informatique, il fait peu de doute que la voix sera l’interface qui remplacera les claviers, écrans et smartphones et pourrait devenir le nouveau standard de l’interaction homme-machine, y compris dans le secteur culturel. Ces assistants vocaux et autres agents conversationnels sont des systèmes complexes dont le développement et les progrès reposent notamment sur le traitement automatique du langage naturel et sur l’intelligence artificielle (voir infra). Après avoir expliqué le fonctionnement technique des agents conversationnels, le rapport s’attache à en analyser les différents écosystèmes et les enjeux juridiques s’agissant du secteur culturel en termes d’accès au marché, et s’intéresse enfin à ce qui permettrait de garantir à l’utilisateur « la diversité de l’accès aux contenus culturels ».

En effet, l’utilisation des assistants vocaux soulève de nouveaux enjeux, comme l’interprétation correcte des requêtes des utilisateurs, le référencement des offres culturelles, l’accès à l’information ou le trai­tement des données personnelles. Leur fonctionnement peut limiter le choix des utilisateurs et restreindre la diversité des offres culturelles accessibles à travers ces nouvelles interfaces. De plus, la concentration du marché entre les mains de quelques acteurs clés et la présence d’applications intégrées par défaut dans les assistants vocaux posent des questions de concurrence et d’accès aux données collectées. À ce sujet, les auteurs se sont notamment intéressés aux manières de « lutter contre l’autopréférence par l’expression du pluralisme, premier levier pour garantir la liberté de choix ». Car, à la simplicité de l’interaction par la commande vocale et l’absence d’écran, correspond la question cruciale de l’unicité de la réponse apportée par ces dispositifs. Du point de vue de l’utilisateur, comment s’assurer qu’un « acteur structurant ne ferre pas l’utilisateur autour de ses produits et services et les propose en priorité à des conditions défiant la concurrence ». Il est tentant pour l’opérateur d’un assistant vocal de se servir des données d’un utilisateur afin de promouvoir d’autres services développés par ses soins. Le rapport donne l’exemple de l’enceinte Amazon Echo Dot qui emploie l’assistant vocal Amazon Alexa pour écouter de la musique avec l’application Amazon Music ; il apparaît ainsi que « l’enceinte de l’opérateur d’assistant vocal est utilisée de préférence pour interagir avec l’assistant vocal et les applications qui seront privilégiées pour répondre aux requêtes de l’utilisateur seront celles du même opérateur ». Or le Digital Markets Act (DMA) du 14 septembre 2022 encadre justement ces pratiques d’autopréférence, et impose des règles préventives pour éviter les abus de position dominante et favoriser ainsi la concurrence dans le domaine des assistants vocaux en vue de garantir l’équité des marchés numériques. Sur d’autres marchés économiques que ceux des assistants vocaux, plusieurs grands acteurs du web comme Microsoft, Google, Amazon ou Apple ont déjà été condamnés sur le fondement du droit de la concurrence visant spécifiquement leurs pratiques d’« autopréférence ». Le rapport analyse les différentes modalités que ces pratiques peuvent prendre, et notamment l’autopréférence dans le classement, lorsque l’assistant vocal donne la priorité aux produits ou services connexes offerts par l’entreprise le fournissant. Une autre modalité d’autopréférence est celle de la vente groupée, qui consiste à préinstaller un assistant vocal sur le matériel hardware (smartphone, ordinateur, enceinte) de l’utilisateur, ou bien à préinstaller diverses applications vocales sur l’assistant lors de sa fourniture à l’utilisateur, et passe également par le paramétrage des valeurs par défaut. Est également concernée l’« exclusion des concurrents » qui peut tout à la fois être de nature tarifaire ou encore « relever de traitements des données dans la mesure où l’opérateur de plateforme s’appuie sur les données de ses utilisateurs professionnels, afin d’améliorer ses propres offres pour les concurrencer en qualité de fournisseur de service ou vendeur tiers ».

Les assistants vocaux constituent de nouvelles interfaces pour accéder facilement à des services numériques et leur apprentissage progressif des préférences de l’utilisateur rendra ce dernier d’autant plus captif.

Les assistants vocaux et autres agents conversationnels, Célia Zolynski, Karine Favro, Serena Villata, Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), décembre 2022.

 

Docteur en sciences de l’information et de la communication, enseignant à l’Université Paris-Panthéon-Assas, responsable des opérations chez Blockchain for Good

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