La Cour européenne de justice annule l’autorisation de fusion Sony – BMG

L’association européenne Impala, qui représente quelque 2500 éditeurs indépendants, a remporté une victoire face aux majors du disque. Le tribunal de première instance de la Cour européenne de justice (CEJ) a en effet annulé le 13 juillet 2006 l’autorisation donnée par la Commission européenne en août 2004 à la fusion entre Sony Music et BMG, filiale du groupe Bertelsmann. A vrai dire, cette autorisation avait surpris. Annoncé en décembre 2003, le rapprochement entre Sony et BMG, qui devait donner naissance à la deuxième major du disque derrière Universal Music Group, avait aussitôt suscité l’inquiétude des services de la concurrence de la Commission européenne qui avaient émis un avis négatif sur le projet de fusion. Après de nombreuses consultations, la Commission avait opéré un subit retournement en août 2004 sans même poser de conditions à ce rapprochement. C’est ce retournement qui est dénoncé au- jourd’hui.

Le jugement de la CEJ parle ainsi d’une « erreur manifeste d’appréciation » liée notamment à la non prise en compte d’éléments décisifs. Parmi ces derniers, le fait de ne pas reconnaître l’existence d’une « position dominante collective » des majors sur le marché du disque au motif que les offres promotionnelles favorisent la concurrence. Selon Isabelle Wekstein, avocate d’Impala, il s’agit là d’un aveuglement volontaire : « Bruxelles s’est contenté de tout voir sous le seul angle du prix, en ignorant le fait que la position dominante collective signifie aussi le contrôle de la distribution, de l’accès à la programmation musicale à la télévision et à la radio, de la publicité » (Interview parue dans Les Echos du 17 juillet 20006). Enfin, la CEJ reproche à la Commission de n’avoir pas approfondi la question de l’existence d’une position dominante collective après la fusion une fois- ci celle-ci autorisée. Car le marché du disque est effectivement très concentré, oligopolistique. Selon les chiffres cités dans Le Figaro (édition du 14 juillet 20006), quatre majors se partagent à elles seules 80 % du marché mondial : Universal Music (32 %), Sony – BMG (25 %), Warner Music (19 %) et Emi (10 %). Si la décision de la CEJ oblige Sony et Bertelsmann à repenser les modalités de l’accord passé entre les deux majors, son importance tient in fine à la reconnaissance de l’existence d’une situation de position dominante collective. C’est-à-dire que de nouvelles fusions et autres opérations de rachat risquent d’être compromises. Parmi celles-ci, le rapprochement entre Emi et Warner Music.

Sources :

  • « La fusion Sony-BMG annulée par la justice », Alexandrine Bouilhet, Le Figaro, 14 juillet 2006.
  • « La Commission européenne va réexaminer la fusion entre Sony Music et BMG », Grégoire Poussielgue, Les Echos, 17 juillet 2006.
  • Interview d’Isabelle Wekstein, avocate d’Impala, Grégoire Pous- sielgue, Les Echos, 17 juillet 2006.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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