Adoptée le 20 octobre 2005 lors de la 33e session de la Conférence générale de l’UNESCO, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a été ratifiée le 18 décembre 2006 par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. Grâce aux Européens, la Convention compte désormais plus de trente signataires et peut ainsi entrer en vigueur. Le geste est doublement symbolique. Il l’est d’abord parce que l’Europe, et notamment la France, a été à l’origine de la revendication, avec le Canada, en faveur d’un instrument international qui reconnaît l’importance des politiques culturelles dans la libre circulation des œuvres et des idées. En second lieu, le geste est également symbolique parce que l’Union européenne a signé cette Convention en tant qu’entité régionale, apportant ainsi quelque 25 signatures. Cette possibilité donnée à l’Union européenne fut farouchement critiquée par les Etats-Unis lors de la négociation sur les termes de la Convention. Ces derniers comptaient en effet jouer sur les divisions au sein même de l’Union européenne pour limiter la portée de la Convention sur le marché européen : là réside l’enjeu véritable de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
La Convention reconnaît la double nature, économique et culturelle, des biens et services culturels. A ce titre, elle revient sur les engagements pris par l’Union européenne en 1994 dans le cadre du GATT. En effet, avec l’accord sur le commerce des services (General Agreement on Trade in Services – GATS), les Européens se sont engagés à libéraliser totalement le secteur culturel dans le cadre de l’OMC, une fois trouvés des accords sur la question du cinéma et de l’audiovisuel. Ces deux domaines ne sont pas protégés par le droit international, mais seulement exclus momentanément de l’accord sur la libéralisation des services, et de manière « exceptionnelle ». Par conséquent, « l’exception culturelle » n’a jamais été reconnue sur le plan international, sauf comme une exception provisoire avant libéralisation définitive. C’est cette équation qui est remise en question par la Convention sur la diversité culturelle : cette dernière, en reconnaissant la double nature des biens et services culturels, permettra aux Etats signataires de la Convention de revenir en partie sur les accords de libéralisation acceptés sous conditions avec le GATT. En effet, la Convention sur la diversité culturelle est « complémentaire » des accords également signés par les Etats dans le cadre de l’OMC : elle pourra donc être invoquée.
Plutôt qu’une victoire définitive des tenants de l’exception culturelle et des politiques culturelles nationales, la ratification de la Convention n’est donc que la première étape d’une nouvelle formulation des règles du commerce international en matière de biens et services culturels. A cet égard, les Etats-Unis, qui sont favorables au libre échange pour le cinéma et l’audiovisuel, chercheront à coup sûr à contourner les barrières dressées par la Convention, notamment sur le marché européen qui reste un des premiers contributeurs de la production audiovisuelle et cinématographique américaine, deuxième poste à l’exportation des Etats-Unis juste derrière l’aéronautique. Autant dire que la diplomatie américaine comme les majors n’ont pas dit leur dernier mot à l’heure de la multiplication des canaux de diffusion des programmes audiovisuels et cinématographiques.
Source :
- « L’exception culturelle devient la règle », Vincent Noce, Libération, 19 décembre 2006.