France : le très haut débit passe par la fibre optique

Alors que la France fait partie des pays au monde où le haut débit est le plus développé, le lancement, courant 2007, d’offres d’accès à Internet par la fibre optique, c’est-à-dire en très haut débit, annonce une nouvelle révolution dans la manière de consommer des contenus culturels sur Internet.

L’accès à l’Internet haut débit passe, en France, essentiellement par la ligne ADSL qui propose des débits en téléchargement (download) de 20 mégabits par seconde, mais seulement de quelques dizaines de kilooctets en envoi (upload). Avec la fibre optique, le débit passera à 50 ou 100 mégabit, autrement dit 1 gigabit – ce qui constitue un débit d’entrée pour le très haut débit – les capacités de la fibre optique pouvant être portées à 10 gigabits par seconde. Enfin, la fibre optique n’est pas sujette aux contraintes techniques propres à l’ADSL. Son débit est symétrique et l’éloignement par rapport au NRA (nœud de raccordement des abonnés) n’a pas de conséquence sur le débit disponible alors qu’avec l’ADSL, au-delà de 200 mètres du NRA, le débit sur la paire de cuivre commence à baisser.

Les technologies FTTx diffèrent selon que la fibre optique est tirée jusqu’au foyer ou seulement au pied de l’immeuble. On distingue ainsi les technologies FTTH (Fiber to the Home) retenues par France Télécom et les technologies FFTB (Fiber to the Building) employées par les autres opérateurs. La première solution est la plus onéreuse car elle implique de raccorder chaque foyer directement en fibre optique, le raccordement sur les derniers mètres comptant pour l’essentiel du coût du déploiement de la fibre optique sur la boucle locale. La seconde solution consiste à relier les immeubles ou pâtés de maisons en fibre optique et à assurer le raccordement des foyers en point multipoint par des liaisons VHDSL (Very High Speed DSL, ou VDSL 2). En moyenne, le raccordement d’un foyer en fibre optique coûte entre 1 000 et 1 500 euros selon la technologie retenue.

La fibre optique permettra d’utiliser plusieurs applications simultanément, notamment les applications gourmandes en bande passante comme peuvent l’être les jeux vidéo en ligne et la télévision haute définition. Elle permettra également l’envoi de fichiers volumineux, photos et vidéos, autant d’usages qui butent aujourd’hui sur les débits limités en envoi avec l’ADSL. Ainsi, DailyMotion, la plate-forme d’échange de vidéos qui reçoit d’ores et déjà 17 000 nouvelles vidéos chaque jour, devrait à terme, selon son fondateur Benjamin Bejbaum, permettre aux internautes de proposer des live en flux – donc en envoi – en direction du plus grand nombre, c’est-à-dire permettre aux internautes d’éditer leur propre chaîne de télévision, ce qui n’est possible qu’avec le très haut débit.

Considérant ces nouvelles applications et leur potentiel, François Loos, ministre délégué à l’industrie sous le gouvernement de Dominique de Villepin, a installé, le 27 novembre 2006, le Forum du très haut débit en même temps qu’il a présenté un ensemble de 15 mesures, réunies dans un plan d’action du très haut débit, qui doivent permettre de raccorder 4 millions de Français au très haut débit dès 2012. Parmi ces mesures, le label « logement multimédia » sera décerné aux immeubles neufs précâblés avant que ce dispositif ne devienne une obligation légale.

Les chiffres de raccordement avancés par François Loos risquent d’être rapidement atteints, tout au moins si l’on en croit les opérateurs français qui annoncent chacun le lancement d’une offre en fibre optique. Ainsi, Orange (France Télécom), après une phase de test depuis 2006 en région parisienne, à Toulouse, Poitiers    et    Marseille,    compte    raccorder, dès 2008, entre 150 000 et 200 000 clients sur le million de foyers éligibles à une offre en très haut débit. L’offre grand public en fibre optique d’Orange, baptisée « la fibre », est d’ailleurs disponible depuis le 1er mars 2007 dans certaines des premières zones raccordées. Elle devrait concerner dès la fin 2007 quelque 20 000 foyers pour un abonnement mensuel de 44,90 euros.

De son côté, Neuf Cegetel a lui aussi lancé une offre très haut débit en fibre optique à Paris et en proche banlieue, le 24 avril 2007, pour un abonnement mensuel de 29,90 euros et un débit de 50 Mbps. Le groupe compte raccorder un million de foyers fin 2009 pour gagner 250 000 abonnés au très haut débit.

Enfin, Free lancera en juin 2008 son offre très haut débit en fibre optique d’abord sur la région parisienne. Quant à l’opérateur de télécommunications mobile SFR, il compte également proposer une offre quadruple play en fibre optique à ses abonnés en partenariat avec Neuf Cegetel et la filiale française de l’opérateur suédois Télé 2, qu’il a rachetée en septembre 2006, la fusion faisant toutefois l’objet d’une enquête de concurrence de la part de la Commission européenne.

Le câblo-opérateur Numéricâble – Noos, qui accède d’ores et déjà à quelque 500 000 logements en FTTB, propose également, depuis le début de l’année 2007, une offre très haut débit en fibre optique – mais pour l’accès à Internet uniquement, sans la téléphonie illimitée – moyennant 29,90 euros par mois pour un débit de 100 Mbps. L’abonnement triple play (Internet très haut débit, téléphonie et télévision) s’élève quant à lui à 59,90 euros par mois. En définitive, c’est donc presque 30 % de la population française qui devrait être éligible au très haut débit dès la fin 2012, selon les estimations de Pierre-Michel Attali, responsable réseaux à l’IDATE.

Les coûts de déploiement des réseaux en fibre optique, estimés à 11 milliards d’euros par l’IDATE pour couvrir 40 % de la population, risquent, quant à eux, de conduire à une consolidation du secteur de la fourniture d’accès à Internet comme en attestent les ré- cents mouvements d’acquisition. Neuf Cegetel, après avoir racheté AOL France le 21 septembre 2006, est également en négociations exclusives avec Club Internet. Le groupe a en outre racheté deux opérateurs de réseaux en fibre optique, l’entreprise Erenis, le 20 février 2007, qui compte 10 000 clients en fibre optique sur la capitale, et l’opérateur Mediafibre qui a développé un réseau dans l’agglomération paloise. Free a pour sa part racheté, le 20 octobre 2006, l’opérateur parisien de fibre optique Citéfibre, essentiellement actif dans le 15e    arrondissement.

Pour les opérateurs concurrents d’Orange, le passage à la fibre optique signifiera également la fin du dégroupage puisque Free et Neuf Cegetel, qui ont leur propre réseau national en fibre optique, déboursent encore 9 euros par mois et par abonné auprès de France Télécom pour accéder aux derniers mètres, c’est-à-dire le raccordement direct du consommateur. Mais cette économie ne compensera que partiellement les coûts élevés de raccordement des abonnés en fibre optique qui ne seront amortis que par une augmentation du revenu moyen par abonné (ARPU). Or les premiers forfaits ne présagent pas d’une hausse significative du coût de l’abonnement. Restent donc les nouveaux services pour augmenter l’ARPU, et notamment la TVHD (télévision haute définition) qui devrait être disponible sur le réseau courant 2009.

La mobilisation des acteurs français des télécommunications devrait permettre à l’hexagone de rattraper son retard à l’égard des autres pays européens les plus avancés dans la voie du très haut débit. En effet, l’Europe de l’Ouest comptait, fin 2006, 820 000 abonnés à la fibre optique et près de 2,74 millions de foyers étaient d’ores et déjà raccordables. Cinq pays concentraient à eux seuls 96 % des abonnés au très haut débit : la Suède, l’Italie, le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège. Quant à la France, avec quelques milliers d’abonnés à Erenis ou Citéfibre, elle faisait encore partie des pays où le marché de la fibre optique relevait des phases de test. A l’inverse, au Japon,7 millions de foyers sont abonnés à la fibre optique contre 15 millions raccordés en ADSL, le haut débit étant passé en priorité par la téléphonie 3G sur l’archipel.

Sources :

  • « Le FFTH en cinq questions », Le Journal du Net, 20 février 2006. – « Fibre optique : France Télécom va lancer des pilotes en province », Jamal Henn, Les Echos, 21 novembre 2006.
  • « François Loos installe le Forum du très haut débit et propose un plan d’actions ambitieux », Communiqué de presse,.industrie.gouv.fr, 27 novembre 2006.
  • « Objectif 100 Mbit/s en 2007 », Hélène Puel, 01net.com, 28 novembre 2006.
  • « France Télécom lance l’Internet à très haut débit », Nathalie Brafman, Le Monde, 17 – 18 décembre 2006.
  • « Au Japon, le développement de la fibre optique fait fléchir celui de l’ADSL », Frantz Grenier, le Journal du net, 10 janvier 2007.
  • « Très haut débit : France Télécom lancera son offre grand public le 1er mars », AFP in, .tv5monde.org, 15 février 2007.
  • « France Télécom lance des abonnements à la fibre optique », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 15 février 2007.
  • « Fibre optique : Neuf Cegetel va prendre le contrôle d’Ere- nis », AFP in tv5monde.org, 20 février 2007.
  • « Neuf Cegetel acquiert Erenis et accélère son développement dans la fibre », Frantz Grenier, le Journal du net, 21 février 2007.
  • « La fibre optique arrive à la maison », Didier Sanz, Le Figaro, 28 mars 2007.
  • « Les acteurs de la fibre optique tablent sur un marché de masse », Charles de Laubier, Les Echos, 29 mars 2007.
  • « L’Internet français se concentre toujours plus », Marie- Cécile Renault, Le Figaro, 7 mai 2007.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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