La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, a été adoptée officiellement pour satisfaire aux exigences ou préoccupations mentionnées dans son titre. Ne s’agit-il que de cela et atteindra-t-elle cet objectif ?
A prétendre, par des mesures qui sont souvent de détail, courir ainsi derrière l’évolution des techniques, le législateur ne risque-t-il pas de se laisser, chaque fois, davantage distancer et d’accentuer ainsi son retard ? Certaines des dispositions nouvelles ne seront-elles pas dépassées avant même d’être entrées en application ?
Une fois encore, se trouvent ainsi modifiés nombre d’articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication audiovisuelle et quelques autres textes, dont des dispositions fiscales… sans lien au moins avec l’intitulé de la loi nouvelle. Tout cela est bien loin de satisfaire aux exigences de simplification et de clarification du droit.
1- Modifications de la loi du 30 septembre 1986
Les capacités offertes désormais par les techniques justifient-elles le maintien d’un régime complexe et contraignant, découlant de la loi du 30 septembre 1986 encore une fois modifiée, que seul le caractère limité du nombre des canaux de diffusion rendait nécessaire ? Par ces dispositions nouvelles relatives à la « modernisation de la diffusion audiovisuelle » et à la « télévision du futur », venant se surajouter à celles jusque-là en vigueur, qu’en est-il de la prétendue « régulation » de la communication audiovisuelle, officiellement retenue, en France, depuis 1982 ?
Modernisation de la diffusion audiovisuelle :
La « modernisation de la diffusion audiovisuelle » concerne l’« extension de la couverture numérique » et l’« extinction de la diffusion terrestre analogique » fixée « au plus tard le 30 novembre 2011 ». Bien des évolutions techniques et ces changements politiques risquent d’intervenir d’ici là et d’entraîner d’autres modifications législatives. Les dispositions nouvelles les plus remarquables et les plus controversées (contestées devant le Conseil constitutionnel mais validées par celui-ci) concernent, s’agissant du secteur privé (le secteur public de la télévision n’étant soumis ni à l’une ni à l’autre de ces règles !), la prorogation des autorisations d’exploitation et les aménagements du dispositif anti- concentration..
– Prorogation des autorisations
Les « autorisations de diffusion par voie hertzienne terrestre en mode numérique des services nationaux de télévision préalablement diffusés sur l’ensemble du territoire métropolitain en mode analogique » sont prolongées de 5 ans.
Pour les services privés locaux de télévision, le terme de l’autorisation est prorogé jusqu’au 31 mars 2015 lorsqu’il est antérieur à cette date.
– Aménagements du dispositif anti- concentration
Aux dispositions de la loi de septembre 1986 selon lesquelles, dans le cadre du secteur privé, « nul ne peut être titulaire de deux autorisations relatives chacune à un service national de télévision par voie hertzienne terrestre », avait déjà été apportée une dérogation permettant de détenir, en plus, « sept autorisations relatives chacune à un service ou programme national diffusé par voie hertzienne terrestre en mode numérique ». La loi de mars 2007 vient ajouter une faveur supplémentaire en prévoyant que seront attribués, aux titulaires de ces autorisations, les moyens de « diffusion d’un autre service de télévision à vocation nationale, à condition que ce service ne soit lancé qu’à compter de novembre 2011 », date d’extinction de la diffusion en mode analogique.
Adaptation à la « télévision du futur » :
Si elle n’est pas déjà concernée par les dispositions précédentes, l’adaptation à la « télévision du futur » concerne la « télévision mobile personnelle » (TMP) et la « télévision haute définition ».
– Télévision mobile personnelle
Pour la « télévision mobile personnelle », définie comme le « mode de diffusion des services de télévision destinés à être reçus en mobilité par voie hertzienne utilisant des ressources radioélectriques principalement dédiées à cet effet » (en clair : la télévision sur ce que l’on continue de qualifier de « téléphones » portables ou mobiles), sont notamment définies les conditions d’octroi des autorisations et les limites anti concentration fixées à « 20% des audiences potentielles cumulées terrestres de l’ensemble des services de télévision » de cette nature.
– Télévision haute définition
Pour ce qui est des services de « télévision haute définition », il est notamment posé que le CSA « favorise la reprise des services déjà autorisés par voie hertzienne terrestre en mode numérique » et qu’il « tient compte des engagements en volume et en genre pris par le candidat en matière de production et de diffusion en haute définition ». Sont par ailleurs introduites, dans divers autres textes, des règles nouvelles concernant, entre autres, des aspects fiscaux ou techniques.
2- Modifications du Code général des impôts
Les modifications introduites, par la loi du 5 mars 2007, dans le Code général des impôts (CGI) concernent notamment la « taxe sur les services de télévision » et l’instauration d’un crédit d’impôt pour investissement dans les entreprises de création de jeux vidéo.
Taxe sur les services de télévision :
Par les dispositions modifiées des articles 302 bis KB et 302 bis KC CGI, est déterminée la « taxe sur les services de télévision », servant, parmi d’autres, à alimenter le Compte de soutien à l’industrie de programmes (COSIP).
Les dispositions modifiées déterminent les personnes assujetties et le mode de détermination de ladite taxe.
– Personnes assujetties
Aux termes de l’article 302 bis KB modifié, cette taxe est due par « tout éditeur de services de télévision (…) établi en France », et qui programme des « œuvres audiovisuelles ou cinématographiques éligibles » aux aides du Compte de soutien, et par les « distributeurs de services de télévision ».
– Détermination de la taxe
Selon le même texte modifié, « la taxe est assise », selon les cas, « sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée des abonnements », des « sommes versées par les annonceurs et les parrains pour la diffusion de leurs, messages publicitaires et de parrainage », du « produit de la redevance » (pour les télévisions publiques, à l’exception de la Société nationale de radiodiffusion et de télévision d’outre-mer). Pour les éditeurs de services de télévision, la taxe est calculée en appliquant un taux de 5,5 % au montant des recettes correspondantes qui excède 11 000 000 euros, avec une majoration de 0,2 pour les services de télévision diffusés en haute définition et de 0,1 pour les services de télévision diffusés en télévision mobile personnelle.
Pour les distributeurs de services, la taxe est calculée en appliquant un taux qui va de 0,5 % à 4,5 % par tranche de recettes allant de 10 000 000 à 530 000 000 euros.
Crédit d’impôt pour investissement dans les entreprises de création de jeux vidéo :
Les dispositions nouvelles de l’article 244 quater S CGI déterminent les créations concernées et le mode de calcul du dit crédit d’impôt.
– Créations concernées
Est défini comme « jeu vidéo » : « tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d’interactions s’appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d’images animées, sonorisées ou non ».
Pour être admis à ce régime fiscal de faveur, les jeux vidéo « doivent répondre aux conditions de création suivantes :
1° être adaptés d’une œuvre pré-existante du patrimoine culturel européen à partir d’un scénario écrit en français et se distinguer (…) par leur contribution à l’expression de la diversité culturelle et de la création européenne (…)
2° être réalisés essentiellement avec le concours d’auteurs et de collaborateurs de création qui sont soit de nationalité française, soit ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ».
Sont prises en compte « les dépenses exposées en vue de la création de jeux vidéo dont le coût » est d’au moins 150 000 euros et dont « 50 % au moins du budget de production est affecté aux dépenses artistiques ».
« N’ouvrent pas droit au crédit d’impôt (…) les jeux vidéo comportant des séquences à caractère porno- graphique ou de très grande violence ».
– Mode de calcul
Selon le même article, nouvellement introduit, « le crédit d’impôt calculé chaque année est égal à 20 % du montant total des dépenses » mentionnées : dotations aux amortissements ; dépenses de personnel ; autres dépenses de fonctionnement, « fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel ».
Le même texte précise que « les subventions publiques reçues par les entreprises (…) sont déduites des bases de calcul de ce crédit » et que « le crédit d’impôt est plafonné pour chaque entreprise à 3 millions d’euros par exercice » de douze mois.
Au-delà des dispositions fiscales, d’une rédaction toujours très technique et compliquée, la loi du 5 mars 2007 ajoute encore ainsi, pour ce qui est de la télévision (qui constitue officiellement son objet principal), à un dispositif législatif déjà fort complexe… et probablement d’autant moins justifié que l’évolution des techniques, multipliant le nombre des canaux de diffusion disponibles, devrait conduire à libéraliser davantage le secteur et, à tout le moins, à donner plus de sens à la notion de « régulation » impliquant souplesse et allègement des obligations.