Apple lance l’iPhone 3G et autorise le subventionnement de ses terminaux en Europe

Avec la première génération d’iPhone, Apple aura tenté d’imposer un nouveau modèle économique aux opérateurs de télécommunications, notamment européens, basé sur le partage des revenus, l’interdiction des subventions et l’exclusivité pour le distributeur. Les ventes décevantes en Europe auront toutefois conduit Apple à faire marche arrière pour le lancement de l’iPhone 3G, qui est subventionné et vise un marché de masse, alors même que l’univers des téléphones intelligents a longtemps été réservé au seul marché professionnel.

Après avoir vendu 3,6 millions d’iPhone en 2007, Apple espère atteindre ses objectifs de 10 millions d’iPhone vendus dans le monde fin 2008. Pour cela, le groupe s’appuie sur la nouvelle version de l’iPhone, adaptée à l’Internet mobile, et opère un changement de stratégie dans la commercialisation de l’iPhone. En effet, la stratégie initiale de commercialisation exclusive de l’iPhone par un opérateur, si elle a permis d’atteindre les objectifs de vente aux Etats-Unis, où les consommateurs sont habitués à acheter leur téléphone mobile sans qu’il soit subventionné par un opérateur, n’a pas, en revanche, été un succès en Europe. Les consommateurs européens ont été dissuadés par les tarifs de l’iPhone de première génération, 399 euros en France, préférant les modèles subventionnés de la concurrence. Ainsi, en France, Orange n’avait vendu que 100 000 iPhone de première génération à fin juin 2008. Pour inverser cette tendance et atteindre ses objectifs, Apple a donc dû revoir sa stratégie de distribution exclusive, sans subventionnement, avec reversement par l’opérateur bénéficiant de l’exclusivité d’un pourcentage des revenus générés par les communications depuis l’iPhone.

iPhone de première génération : Apple abandonne la distribution exclusive et l’interdiction de subventionnement

L’abandon du principe de l’exclusivité a été officialisé le 6 juin 2008 quand Apple a autorisé à la fois Vodafone et Telecom Italia à distribuer l’iPhone en Italie. A cette première entorse au modèle initial de commercialisation (voir n°4 de La revue européenne des médias, automne 2007) s’est ajoutée rapidement l’autorisation de subventionner l’iPhone. Ainsi, T-Mobile ou Orange ont écoulé de nombreux iPhone de première génération à 99 euros, contre 399 euros initialement, sur la fin du premier semestre 2008.

Enfin, pour atteindre ses objectifs de vente, Apple a multiplié les lancements dans de nouveaux pays en s’appuyant sur les opérateurs de télécommunications internationaux après avoir attribué en Europe la commercialisation de l’iPhone principalement aux champions nationaux, Orange en France, O2 au Royaume-Uni, T-Mobile en Allemagne, Telefonica en Espagne, ou encore TeliaSonera dans les pays nordiques et baltes. Ainsi, alors qu’O2 distribue l’iPhone au Royaume-Uni, c’est Vodafone qui a été sélectionné pour la distribution de l’iPhone à travers dix pays, dont l’Inde, la Turquie ou encore l’Italie. Orange, distributeur exclusif en France de l’iPhone, bénéficie également d’un accord de commercialisation à l’international pour l’Autriche, la Belgique, l’Egypte, la Jordanie, la Pologne, le Portugal, la République dominicaine, la Roumanie, la Slovaquie, la Suisse et les marchés africains. Après l’Italie, et par le recouvrement des zones de distribution des opérateurs internationaux, l’exclusivité de la commercialisation de l’iPhone par un opérateur est donc tombée aussi pour le Portugal, la Suisse, les Indiens, les Egyptiens et les Australiens. Seuls les pays ayant bénéficié des premières commercialisations exclusives, comme la France, voient le statu quo maintenu, l’accord entre Apple et Orange pour l’Hexagone courant jusqu’à fin 2010.

Une stratégie confirmée avec le lancement de l’iPhone 3G

Avec le lancement, le 11 juillet aux Etats-Unis et en Europe, le 17 juillet en France, de la nouvelle version de l’iPhone, dotée d’une puce 3G et d’un GPRS, Apple a confirmé l’évolution de sa stratégie en abandonnant la distribution exclusive et en autorisant le subventionnement des terminaux par les opérateurs. En contrepartie du subventionnement et de la fin des exclusivités, Apple renonce au pourcentage qui lui était reversé sur les communications des utilisateurs de l’iPhone. Pour compenser cette perte, Apple devra donc vendre plus d’iPhone 3G, ce que corrobore sa stratégie de distribution à l’échelle internationale, l’iPhone 3G devant être distribué dans 70 pays avant la fin de l’année 2008, contre 6 pays pour la première version, et pour une somme en phase avec le marché des téléphones haut de gamme, soit 199 dollars aux Etats-Unis ou 149 euros en France, dans la même gamme de prix que ses concurrents Nokia, LG, HTC ou Samsung.

Pour l’iPhone 3G, la France est un cas à part, l’opérateur Orange conservant l’exclusivité de la distribution et un prix de vente relativement élevé. A l’inverse, au Royaume-Uni, l’iPhone est offert aux clients d’O2 qui s’engagent pour un abonnement mensuel de 45 livres sur plus de 18 mois. Il suffit d’1 euro en Allemagne pour disposer d’un iPhone 3G chez T-Mobile avec un forfait de 69 euros mensuels sur 24 mois. L’iPhone reste donc élitiste par les forfaits à acquitter. En acceptant le subventionnement, à l’instar des autres constructeurs, Apple compte sur l’effet volume et devrait passer le cap des 10 millions d’unités vendues à fin 2008.

En effet, en jouant la carte du marché de masse, l’iPhone 3G entre véritablement en concurrence avec les mobiles intelligents ou smartphones, ceux connectés à Internet qui permettent d’accéder aux e-mails (courriels). Sur ce marché, initialement réservé aux professionnels, Apple occupait la troisième place au premier trimestre 2008 selon le cabinet Gartner, avec 5,3 % des ventes mondiales, contre 45,2 % pour Nokia et 13,4 % pour le BlackBerry de Research in Motion.

Avec l’iPhone 3G, optimisé pour la navigation sur Internet, désormais compatible avec Microsoft Ex- change, le système de Microsoft de synchronisation des réceptions des mails PC et mobile, un système qui a fait le succès du BlackBerry, Apple devrait parvenir à gagner des parts de marché face à ses concurrents. Ainsi, à fin 2008, selon le cabinet Strategy Analitics, Apple devrait détenir 6,8 % du marché mondial des smartphones, derrière Nokia (55,1 %) et le BlackBerry (12,2 %), ce dernier perdant des parts de marché.

En s’adressant par ailleurs au grand public, avec notamment des jeux et des services en ligne ainsi que l’accès aux sites communautaires comme MySPace, ce qui n’est pas le cas du BlackBerry, Apple devrait en outre banaliser l’utilisation du smartphone à des fins non professionnelles et contribuer au renouvellement du marché de l’Internet mobile.

Cette évolution des smartphones vers un marché de masse, non professionnel, s’est traduite dans les ventes de l’iPhone 3G dès le premier mois de sa commercialisation : alors qu’Orange avait peiné à écouler 100 000 exemplaires de la première version de l’iPhone, le groupe est parvenu à vendre quelque 134 000 exemplaires de l’iPhone 3G entre le 17 juillet et fin août 2008, même si la moitié des ventes correspond à des remplacements d’iPhone de première génération. Et les nouveaux utilisateurs de l’iPhone 3G s’avèrent échanger en ligne deux fois plus de données, soit 100 mégaoctets en moyenne par utilisateur en août 2008, que l’utilisateur moyen de smartphone. Apple serait-il en train de réussir son pari d’imposer l’Internet mobile dans le paysage des communications grâce à un terminal adapté, comme a pu l’être l’iPod pour le téléchargement légal de musique en ligne ?

Sources :

  • « iPhone : Apple abandonne le principe de l’exclusivité à un opérateur », G.C., Les Echos, 7 mai 2008.
  • « Orange distribuera l’iPhone dans une dizaine de pays », D.C., 19 mai 2008.
  • « Orange décroche l’iPhone pour une quinzaine de pays », G.C., Les Echos, 19 mai 2008.
  • « TeliaSonera va vendre l’iPhone dans les pays nordiques et baltes », Les Echos, 28 mai 2008.
  • « Apple : un nouvel iPhone deux fois moins cher », M.C., Le Figaro, 10 juin 2008.
  • « Apple relance l’iPhone en cassant les prix », Guillaume de Calignon, Les Echos, 11 juin 2008.
  • « T-Mobile vendra l’iPhone à 1 euro à ses bons clients », G.C., Les Echos, 17 juin 2008.
  • « Avec l’iPhone 3G, Apple part à l’assaut du marché mobile grand public », Delphine Cluny, La Tribune, 11 juillet 2008.
  • « Plus de 110 000 iPhone 3G vendus en France », Delphine Cluny, La Tribune, 1er septembre 2008.
  • « La machine iPhone commence à engranger », G.F., Challenges, 11 septembre 2008.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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