Bertelsmann se retire de la major Sony-BMG, désormais contrôlée par le seul groupe japonais

Le groupe allemand Bertelsmann, qui se recentre sur ses activités stratégiques, a vendu à son partenaire japonais les 50 % de capital qu’il détenait dans Sony-BMG, deuxième major mondiale du disque, tirant ainsi un trait sur sa présence mondiale dans le domaine de la musique. Pour Sony, l’opération s’inscrit dans la stratégie d’intégration verticale du groupe entre contenants et contenus.

L’alliance conclue en 2004 entre Bertelsmann Music Group (BMG) et Sony aura fait long feu. Après quatre années de rebondissements sur les conditions du rapprochement ayant donné naissance à la deuxième major mondiale du disque (voir le n°0 de La revue européenne des médias, hiver 2006), les autorités européennes de concurrence voient le dossier Sony-BMG se régler par abandon de l’une des deux parties. En phase de restructuration stratégique, le groupe allemand Bertelsmann a en effet décidé de se séparer de ses activités dans la musique, après avoir vendu Direct Group North America, sa branche clubs de livres, de musique et de DVD aux Etats-Unis et au Canada, un accord définitif sur la cession ayant été conclu avec Najafi Companies, le 11 juillet 2008 (voir n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008).

Le 5 août 2008, Bertelsmann annonçait avoir trouvé un accord avec Sony pour le rachat par le groupe japonais des 50 % du capital qu’il détenait dans la coentreprise Sony-BMG. Depuis, la transaction a été autorisée par les autorités européennes de la concurrence qui considèrent, comme en 2004 et en 2007, malgré les rebondissements de l’affaire, que l’opération « n’est pas susceptible d’entraîner des effets coordonnés entre grandes sociétés musicales ». L’opération, en effet, ne fait pas naître une nouvelle major par fusion de deux entités, mais constitue seulement un transfert de capital et une prise de contrôle total de l’entreprise par un de ses actionnaires.

Pour Sony, le coût de la transaction au profit de son ancien partenaire s’élève à 1,2 milliard de dollars, dont 900 millions de dollars pour les 50 % de capital détenus par Bertelsmann et 300 millions de dollars pour la part de trésorerie de Bertelsmann dans Sony-BMG. La somme est donc importante sur un marché de la production et de la distribution de musique en crise, confronté notamment au piratage. Mais, pour Sony, l’enjeu est ailleurs. La prise de contrôle de la deuxième major mondial du disque va lui permettre d’intégrer dans son périmètre de groupe un pôle musical fort, Sony-BMG devenant Sony Music Entertainment Inc. (SMEI), une filiale de Sony Corporation of America, connue également pour ses productions hollywoodiennes. Ce pôle « contenu » du groupe Sony complétera ainsi encore mieux le pôle électronique, le groupe japonais défendant une stratégie d’intégration verticale. Les équipements Sony sont en effet destinés à diffuser des contenus produits par Sony, ce qui impose au groupe japonais de contrôler complètement les entreprises éditrices de produits culturels, qu’il s’agisse de la musique, des films ou des jeux vidéo.

Pour Bertelsmann, son retrait du capital de Sony-BMG met fin au processus de sortie du groupe allemand du secteur de la musique et révèle les erreurs stratégiques de Bertelsmann face au développement du numérique. En effet, alors que la production et la distribution de musique se sont effondrées, confrontées au succès de la dématérialisation de la musique, la gestion des droits des artistes apparaît au contraire comme le relais de croissance du secteur de la musique, obligé de diversifier ses sources de revenus, qu’il s’agisse de vendre des sonneries pour portable, d’organiser des concerts ou de développer le merchandising. Une évolution bien anticipée par le numéro un mondial de la musique, Universal Music Group, qui avait racheté, en 2006, BMG Music Publishing, activités d’édition musicale de BMG. Une évolution qui ne laisse d’ailleurs pas indifférent Bertelsmann, le groupe ayant conservé, malgré son retrait de Sony-BMG, la gestion des droits musicaux d’un catalogue européen de 200 artistes, une manière de revenir sur un secteur déserté par le groupe depuis deux ans.

Plus généralement, la vente par Bertelsmann de ses parts dans Sony-BMG s’inscrit dans le vaste plan de restructuration stratégique amorcé par Harmut Ostrowski, PDG du groupe depuis le 1er janvier 2008. Bertelsmann ne devrait conserver, à terme, que ses activités les plus rentables, la vente de livres et la production et distribution de musique faisant partie des secteurs les moins performants du géant allemand des médias, et se concentrer sur les secteurs plus prometteurs de la télévision, de la formation et de l’Internet. Outre la cession de sa participation dans Sony-BMG, Bertelsmann envisage également de céder sa filiale française de distribution de livres, Direct Group France, connue sous la marque France Loisirs. Les sommes ainsi récupérées serviront à financer les nouveaux investissements du groupe qui souhaite afficher un chiffre d’affaires annuel de 30 milliards d’euros en 2015, contre 19 milliards d’euros en 2007.

Sources :

  • « Bertelsmann vend son activité de clubs américaine à Nafaji Companies », auswaertiges-amt.de, 14 juillet 2008.
  • « Bertelsmann prépare la vente de France Loisirs », Nathalie Silbert, Les Echos, 7 août 2008.
  • « Bertelsmann vend ses parts dans Sony-BMG à son partenaire japonais », Karl de Meyer, Les Echos, 6 août 2008.
  • « Bertelsmann cède sa part de 50 % dans la major Sony-BMG », Nicole Vulser, Le Monde, 7 août 2008.
  • « Sony fait un pari risqué dans la musique », Régis Arnaud, La Tribune, 11 août 2008.
  • « L’UE autorise Sony à reprendre les 50 % de Bertelsmann dans Sony- BMG », AFP, tv5.org, 15 septembre 2008.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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