France : la réforme du régime des archives

Après l’annonce d’une réforme du mode de financement, en France, de l’audiovisuel public et avant l’organisation des Etats généraux de la presse, la loi du 15 juillet 2008 est venue assouplir les règles concernant les conditions d’accès aux archives publiques.

En dépit des restrictions que, dans le souci affirmé de protection de la vie privée et des droits des personnes, le Sénat avait, par voie d’amendements, tenté d’y introduire, suscitant de vives réactions des historiens et des chercheurs, la loi du 15 juillet 2008 vise à assouplir les conditions d’accès aux archives publiques par la création notamment d’une catégorie d’archives non communicables parce que comportant des informations relatives aux armes de destruction massive. A cette réserve près, les travaux historiques, la réalisation de documentaires, le droit à l’information et le contrôle démocratique de l’action des pouvoirs publics, activités qui, toutes, se réalisent en ayant recours aux médias, devraient ainsi en être grandement facilités.

Initialement déterminé par une loi du 3 janvier 1979, le statut des archives est désormais l’objet du Livre II du code du patrimoine (C. patr.). L’article L. 211-2 dudit code pose que « la conservation des archives est organisée dans l’intérêt public » notamment pour « la documentation historique de la recherche ». Cela vaut pour les archives publiques comme pour les archives privées, soumises au demeurant à un statut différent. L’essentiel des modifications introduites par la loi nouvelle concerne le « régime de communication » des archives publiques et particulièrement la détermination des délais à partir desquels leur consultation est possible. Selon le député François Calvet, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, « en raccourcissant les délais de communication des documents », le texte nouveau « adapte la législation française à ce qui se fait dans la plupart des autres pays européens ».

Le nouvel article L. 213-1 C. patr. pose pour principe que « les archives publiques sont […] communicables de plein droit ». Dans sa version antérieure, ce même article n’envisageait la communication immédiate que des seuls documents administratifs, en application de la loi du 17 juillet 1978, et disposait que « tous les autres documents d’archives publiques pourront être consultés à l’expiration d’un délai de trente ans ou des délais spéciaux prévus » par l’article suivant. Sa nouvelle formulation fait disparaître ce délai général. En principe, les archives publiques sont désormais immédiatement communicables… dès lors, du moins, que les documents en cause relèvent de cette catégorie des archives, du fait, sans doute, de leur transfert dans un service d’archives, et que le public a connaissance de leur existence.

Pour certaines archives publiques (dont la communication porterait « atteinte au secret des délibérations du Gouvernement […] à la conduite des relations extérieures, à la monnaie et au crédit public […] au secret de la défense nationale, aux intérêts fondamentaux de l’Etat dans la conduite de la politique extérieure, à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique […] à la protection de la vie privée », ou pour celles « comportant des renseignements individuels de caractère médical » ou bien celles relatives « aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire » ou « aux affaires portées devant les juridictions »…), le nouvel article L. 213-2 C. patr. maintient des délais spéciaux (25, 50, 75… ans) de communication. Ceux-ci sont cependant généralement réduits par rapport à ce qui était préalablement.

A ces délais, l’article L. 213-3 C. patr. apporte des dérogations en posant que « l’autorisation de consultation de documents d’archives publiques avant l’expiration des délais fixés […] peut être accordée aux personnes qui en font la demande dans la mesure où l’intérêt (essentiellement historique ou documentaire) qui s’attache à la consultation de ces documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger » et que « l’administration des archives peut également, après accord de l’autorité dont émanent les documents, décider l’ouverture anticipée de fonds ou parties de fonds d’archives publiques ».

A l’égard des faits du passé, dont la connaissance est rendue possible par l’accès aux archives, comme s’agissant d’événements plus actuels, un juste équilibre est toujours difficile à trouver entre la liberté d’expression et le droit à l’information, d’une part, et la protection de certains intérêts individuels ou collectifs, d’autre part. Intervenant dans la détermination des archives communicables ou non et des délais à respecter, la loi du 15 juillet 2008 va trop loin pour certains, et pas assez pour d’autres.

Sources :

  • « Des historiens dénoncent un projet de loi visant à limiter l’accès aux archives », J. Birnbaum et N. Herzberg, Le Monde, 17 avril 2008.
  • « La nuit des archives. Le projet de loi en débat menace le travail des chercheurs et des historiens », V. Duclert, Le Monde, 17 avril 2008.
  • « Les historiens se battent pour l’accès aux archives », D. Peiron, La Croix, 29 avril 2008.
  • « Le gouvernement crée une catégorie d’archives « incommunicables »», Cl. Fabre, Le Monde, 2 mai 2008.
  • « Réforme des archives », A. Chaminade, La Semaine Juridique, édition générale, Actualités n° 527, 3 septembre 2008.
Professeur à l’Université Paris 2

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