Le rachat d’Editis, deuxième éditeur français, par le groupe catalan Planeta remodèle le paysage européen de l’édition. Editis rejoint un groupe international spécialisé dans l’édition, qui devrait lui garantir des perspectives sur le long terme. De son côté, Planeta renforce ses positions sur le marché non hispanophone, le groupe espagnol étant très présent en Amérique latine sans disposer de véritables ancrages dans le nord de l’Europe et les pays anglo-saxons.
Cédé par Vivendi au groupe Lagardère en 2003, Editis sera resté un an dans les mains du leader français de l’édition, aussitôt contraint par Bruxelles de revendre 60 % des actifs acquis pour des raisons de concurrence. En juin 2004, Editis était donc revendu à la société d’investissement de la famille Wendel pour 660 millions d’euros, dont 180 millions d’euros en numéraire, la différence étant financée par endettement. La famille Wendel se déclarait à l’époque « dans l’édition pour longtemps et pour y mener une politique de leader », n’anticipant pas une vente à terme pour valoriser son LBO (Leverage Buy Out). Mais les tensions financières de la société d’investissement, qui a engagé début 2008 plus de 5 milliards d’euros dans Saint Gobain, ont précipité la revente annoncée d’Editis, devenue entre 2004 et 2008 un fleuron de l’édition française.
Dirigé par Alain Kouck, le deuxième groupe français d’édition, qui contrôle les éditions Plon, Robert Laffont, 10/18, présent également dans l’éducation avec Nathan et Bordas, ainsi que dans les dictionnaires avec Le Robert, a multiplié les acquisitions en quatre ans tout en renforçant ses performances financières. Ainsi, entre 2004 et 2007, Editis a accru son résultat d’exploitation de 60 %. Le groupe affiche un résultat opérationnel de 93 millions d’euros en 2007 sur un chiffre d’affaires de 760 millions d’euros. Pendant cette même période, Editis aura réalisé sept acquisitions, se renforçant sur le marché français avec les éditions XO ou Le Cherche Midi, et amorçant un début d’internationalisation avec le rachat de l’éditeur belge de Boeck. Mais Editis reste d’abord un éditeur français qui peine à sortir de ses frontières : en mars 2007, il échouait à racheter le néerlandais Wolters Kluwer, spécialisé dans l’édition scolaire, ce qui lui aurait permis de doubler sa taille et d’atteindre l’objectif d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires fixé par Wendel pour pouvoir introduire le groupe en Bourse. A défaut d’une telle opération, la famille Wendel annonçait, le 21 avril 2008, être entrée en négociations exclusives avec Planeta, le premier éditeur espagnol, pour la cession d’Editis.
Finalisée le 30 mai 2008 pour 1,026 milliard d’euros, la cession d’Editis à Planeta a été bien accueillie, d’autant que le groupe espagnol a confirmé laisser en place la direction actuelle et le siège de l’entreprise à Paris. Le rachat, essentiellement financé par endettement, ne devrait pas donner lieu à des reventes d’actifs, notamment les éditions scolaires Nathan et Bordas : un dossier politiquement sensible. Au contraire, les deux entités comptent multiplier les synergies et jouer de leur complémentarité. Editis bénéficiera d’un relais sur le plan international et sera détenu par un groupe dont le cœur de métier est l’édition. De son côté, Planeta entend s’appuyer sur Editis pour se renforcer dans l’enseignement à distance (e-learning), secteur où l’éditeur français est bien positionné, ainsi que sur le développement du numérique pour les livres et les encyclopédies. Enfin, l’acquisition d’Editis par Planeta permet au groupe catalan d’accélérer son développement à l’échelle internationale.
Planeta est le premier éditeur hispanophone au monde, avec 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans l’édition, pour un chiffre d’affaires total de 2,5 milliards d’euros en 2007. Outre ses positions en Espagne, qui contribuent pour 70 % au chiffre d’affaires généré par l’édition, Planeta s’est positionné sur le marché latino-américain, qui contribue pour 20 % au chiffre d’affaires de l’édition, en Argentine, au Chili, au Mexique ou en Colombie, où Planeta contrôle le groupe El Tiempo, éditeur du quotidien du même nom. Planeta est également présent au Portugal et en Italie, deux pays qui contribuent pour 10 % au chiffre d’affaires édition du groupe. Avec l’acquisition d’Editis, Planeta s’impose donc également en France et étend sa présence européenne. Au total, le nouvel ensemble générera un chiffre d’affaires d’un peu moins de 2 milliards d’euros dans l’édition, le positionnant comme un acteur majeur européen. Stratégique pour Planeta, cette course à la taille devrait lui donner les moyens de pénétrer le marché anglo-saxon où Lagardère, autre géant français, est très présent, occupant respectivement les première et cinquième places sur les marchés britannique et américain. Enfin, le développement de Planeta passe également par la diversification dans les autres médias, le groupe étant l’actionnaire de référence, aux côtés de l’italien De Agostini, de la chaîne privée espagnole Antenna 3, mais également un acteur central de la presse en Espagne avec le contrôle du quotidien La Razon, du journal catalan Avui et du gratuit ADN.
Sources :
- « Wendel choisit de vendre Editis à l’espagnol Planeta », Nathalie Silbert, Les Echos, 22 avril 2008.
- « Editis passe sous pavillon espagnol », Sandrine Bajos, La Tribune, 22 avril 2008.
- « L’espagnol Planeta rachète Editis », Marie-Laetitia Bonavita et Anne-Laure Julien, Le Figaro, 22 avril 2008.
- « Planeta fait miroiter à Editis de nouvelles opportunités de développement », G.S., Les Echos, 23 avril 2008.
- « Planeta : Editis restera un éditeur français », interview de José Manuel Lara, président du groupe Planeta, réalisée par Marie-Laetitia Bonavita, Le Figaro, 23 avril 2008.
- « Nathan, Robert Laffont et Le Robert tombent dans l’escarcelle de Planeta », Alain Beuve-Méry, Le Monde, 23 avril 2008.
- « Planeta finalise le rachat d’Editis », La Correspondance de la Presse, 3 juin 2008.