Fortement endetté, Prisa ne parvient pas à se séparer de Digital+ à un bon prix

Le succès de l’OPA de Prisa sur sa filiale Sogecable, en augmentant significativement l’endettement du groupe espagnol de médias, ne permet pas à Prisa d’épurer sa dette par la seule restructuration de ses activités audiovisuelles. Une cession d’actifs s’est imposée : alors que Prisa compte se recentrer sur les chaînes nationales en clair, Digital +, la chaîne payante du groupe diffusée par satellite, a été mise en vente. Le tandem Telefonica – Vivendi, dernier en lice pour le rachat, aura toutefois proposé un prix jugé insuffisant pour Digital +, obligeant Prisa à refinancer autrement sa dette.

Prisa, le groupe de communication espagnol détenteur du premier quotidien national d’information El País et de la radio Ser, est menacé par une lourde dette, à la suite à son offre publique d’achat (OPA) sur sa filiale Digital + en décembre 2007. Si l’OPA visait à réorganiser les activités de production audiovisuelle du groupe (voir le n° 8 de La revue européenne des médias, automne 2008), présent en Espagne, au Portugal et en Amérique du Sud, elle se solde actuellement par une dette record de 4,85 milliards d’euros, dont une échéance de 1,9 milliard d’euros arrivant à terme en mars 2009.

Pour se désendetter, et afin de se concentrer sur la télévision en clair, Prisa tente, depuis le printemps 2008, de revendre Digital +, la chaîne payante dé- tenue par Sogecable, fragilisée par la perte d’une grande partie des droits du football espagnol au profit de Mediapro. Initialement valorisée à 3,3 milliards d’euros, alors que les candidatures semblaient affluer de l’Europe entière, avec en première ligne les deux grands de la télévision payante européenne, le groupe Vivendi avec sa filiale Canal+ et le groupe News Corp., présent avec Sky en Grande-Bretagne et en Italie, en passe de contrôler Premiere en Allemagne (voir infra), Prisa a dû revoir ses prétentions à la baisse.

Le 5 décembre 2008, Juan Luis Cebrian, le directeur général de Prisa, annonçait, lors de l’assemblée générale des actionnaires, être proche d’un accord avec le tandem Telefonica – Canal+, alors dernier candidat en lice pour le rachat de Digital +. Restait à trouver un accord sur le prix, le montant proposé par l’opérateur de télécommunications espagnol et le groupe français de télévision payante, évalué entre 1,8 et à 2 milliards d’euros, étant jugé encore insuffisant pour Prisa. La valorisation de Digital + par Telefonica et Canal+ partait de la base de 2 millions d’abonnés à Digital +, tout en tenant compte de la perte régulière de parts de marché de la chaîne au profit des autres acteurs de la télévision payante espagnole.

Le rachat de Digital + serait un moyen pour Telefonica et Canal+ de se renforcer chacun dans une activité stratégique. Telefonica, déjà leader sur les offres de télévision à péage par Internet, prendrait ainsi le contrôle de la plate-forme de télévision par satellite espagnole. Canal+, qui avait revendu Digital + en 2003 à Prisa, alors que le groupe français se débarrassait de ses participations européennes pour réduire son endettement, reviendrait ainsi dans le jeu de la télévision payante européenne, où Canal+ n’est actuellement présent qu’en France et en Pologne. Afin d’éviter tout problème de concurrence du fait de la position dominante de Telefonica sur le marché des télécommunications en Espagne, le projet de rachat de Digital + proposé aurait été favorable à Canal+, avec 60 % de la chaîne payante espagnole, contre 40 % pour Telefonica.

Stabilisée dans ses grandes lignes, la vente de Digital + semblait donc sur le point d’aboutir au début du mois de décembre 2008, d’autant que Prisa était prêt à revoir ses ambitions à la baisse, la presse évoquant un prix de vente de Digital + acceptable pour Prisa aux alentours de 2,6 milliards d’euros. Pourtant, le 15 janvier 2009, Prisa annonçait ne pas avoir reçu de proposition satisfaisante pour la vente de Digital +, et précisait devoir recourir à d’autres moyens pour réduire son endettement. Annoncée le 13 novembre 2008, la fermeture de Localia, le réseau de 80 chaînes de télévision locale du groupe Prisa, qui va se solder par le licenciement de 300 personnes, a été l’une des premières conséquences de la course aux économies dans la branche audiovisuelle du groupe. Depuis, les annonces se multiplient. Le 21 janvier 2009, Prisa vendait à la société Akaishi Investments sa participation de 25 % dans la compagnie bolivarienne Inversiones en Radiodifusion, propriétaire de la chaîne ATB. L’opération rapporte au groupe espagnol quelque 3,2 millions d’euros, mais pourrait être suivie de la vente des quotidiens La Razón et El Extra, Akaishi Investments ayant d’ores et déjà posé une option d’achat.

Sources :

  • « Prisa traverse une mauvaise passe », G.S., Les Echos, 17 novembre 2008.
  • « Vivendi serait en première ligne pour la reprise de Digital + », G.S., Les Echos, 4 décembre 2008.
  • « Vivendi pourrait revenir en Espagne », Th.M., La Tribune, 5 décembre 2008. – « Vivendi lorgne Digital +, la chaîne cryptée espagnole », Diane Cambon, Le Figaro, 8 décembre 2008.
  • « Prisa n’a pas reçu d’offre satisfaisante pour sa chaîne Digital + », Les Echos, 16 janvier 2009.
  • « Prisa vend sa participation dans la télévision bolivienne ATB », La Correspondance de la Presse, 22 janvier 2009.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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