L’indien Reliance s’invite chez DreamWorks, au cœur du cinéma hollywoodien, alors que les majors s’apprêtent à pénétrer le marché indien du film

En s’associant à Steven Spielberg et David Geffen, qui quittent Paramount pour relancer de manière indépendante DreamWorks, leur studio de production, l’indien Reliance entre dans le cercle fermé des studios hollywoodiens, poursuivant ainsi sa stratégie de développement dans le divertissement, en plus de ses activités de télécommunications. De leur côté, Warner, Sony Pictures et 20th Century Fox font leurs premiers pas sur le marché indien du film.

Fondé en 1994 par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen, DreamWorks était racheté par Paramount (groupe Viacom) en 2006 pour 1,6 milliard de dollars, seule la branche DreamWorks Animation gardant son indépendance. Alors que Steven Spielberg et David Geffen ne se sont jamais vraiment entendus avec les dirigeants de Paramount, les deux fondateurs ont décidé de reprendre leur indépendance, conservant le nom de DreamWorks pour leur activité, mais cédant en revanche à Paramount les droits sur les films produits durant la période 2006–2008.

Les films produits par Dreamworks, essentiellement des films à grand spectacle (Il faut sauver le soldat Ryan, Gladiator), sont parmi ceux qui attirent le plus les investisseurs dans le domaine du cinéma, sûrs de disposer d’une visibilité mondiale pour leurs productions.

Pourtant, la crise économique et financière a bouleversé le financement du nouveau projet de Steven Spielberg et David Geffen, qui ont dû trouver plus d’un milliard de dollars. En effet, la faillite d’AIG, partenaire historique de Spilberg, impliquait de trouver d’autres investisseurs.

Parmi les nouveaux partenaires de Steven Spielberg et David Geffen, le conglomérat indien Reliance est celui qui apporte la mise la plus importante. An- noncé en septembre 2008, l’accord entre DreamWorks et Reliance porte sur 500 millions de dollars, à charge pour Steven Spielberg de trouver les 750 millions de dollars manquant pour lancer le nouveau Dreamworks et produire près de six films par an. Après l’annonce d’un accord, le 8 février 2009, entre les studios Disney et Dreamworks, le bouclage financier du nouveau studio de Steven Spielberg semblait aboutir. Disney distribuera en exclusivité les films produits par Dreamworks et devient ainsi, à côté de Reliance, le principal partenaire de Steven Spielberg. La prise d’indépendance de DreamWorks à l’égard de Paramount est enregistrée, en même temps qu’elle marque l’arrivée, pour la première fois, d’un géant indien des médias et de la communication dans le cercle fermé de la production hollywoodienne.Conglomérat indien présent tant dans les infrastructures, que dans le domaine de la santé ou les télécommunications, Reliance cherche également à s’imposer dans l’univers du divertissement pour créer un groupe intégré de communication, mêlant les télécommunications aux médias. Ainsi, lors du Festival de Cannes 2008, Reliance a signé des accords de production avec huit sociétés américaines de production indépendante, dont celle de George Clooney, de Nicolas Cage, de Brad Bit, de Jim Carrey. Avec DreamWorks, Reliance se renforce donc dans la production, alors qu’il avait déjà racheté, en avril 2008, Lowry Digital Images, société californienne spécialisée dans les images de synthèse. Enfin, le groupe investit également dans les salles de cinéma. Reliance contrôle un réseau de 170 salles en Inde, de 250 salles aux Etats-Unis ou encore de 25 salles en Malaisie.

Alors que l’indien Reliance fait une entrée remarquée aux Etats-Unis, la réciproque est vraie. Ces dernières années, les studios américains ont tous cherché à s’imposer sur le marché indien du cinéma, dont Bollywood, nom donné aux studios indiens de Bombay, est l’emblème. Pour les studios américains, le cinéma indien a cette particularité, avec ses films chantés dépassant les 120 minutes, de correspondre à un marché atypique et porteur, qui a crû de 17 % par an ces quatre dernières années, s’exporte sans difficulté au Maghreb, au Moyen-Orient et en Asie, et constitue une alternative au cinéma hollywoodien, qui ne s’arroge que difficilement 3 à 5 % des parts de marché en Inde selon les années. Alors que l’Inde apparaît comme un relais de croissance sur le marché du cinéma, proche de la saturation dans les pays développés, les studios américains ont donc multiplié les partenariats, ces dernières années, avec Bollywood.

En octobre 2008, Twentieth Century Fox (groupe News Corp.) a signé avec le producteur indien Vipul Shah afin de produire deux films dans les 18 prochains mois, en même temps que le groupe développe sa filiale de production locale Fox Star TV, en partenariat avec StarTV, son bouquet satellitaire dans le sous-continent asiatique. Les studios Sony Pictures Entertainment coproduisent de leur côté des films indiens avec le géant local Eros International alors que Warner a choisi de coproduire avec des partenaires indiens des superproductions hollywoodiennes, ciblées sur la culture du sous-continent, mais qui devront se vendre à la fois en Inde et aux Etats-Unis, un pari au vu des écarts culturels et de pratiques cinématographiques entre les deux continents.

Sources :

  • « Le géant indien Reliance va financer le studio de Spielberg », Laetitia Mailhes, Les Echos, 20 juin 2008.
  • « L’industrie indienne prête à jouer un rôle dans DreamWorks », Pierre Prakash, Libération, 28 juin 2000.
  • « L’indien Reliance investit 1,2 milliard de dollars pour aider DreamWorks à s’émanciper », AFP, tv5.org, 19 septembre 2008.
  • « L’indien Reliance accède à Hollywood avec DreamWorks », Patrick de Jacquelot, La Tribune, 30 septembre 2008.
  • « Quand Hollywood rencontre Bollywood », Patrick de Jacquelot, La Tribune, 23 décembre 2008.
  • « Steven Spilberg et Hollywood pris dans la tourmente financière », Claudine Mulard, Le Monde, 25 décembre 2008.
  • « Accord de distribution entre les studios Disney et Dreamworks », AFP, tv5.org, 9 février 2009.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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