Hollywood : le conflit entre acteurs et producteurs touche à sa fin mais la récession économique atteint les studios

La série de conflits sociaux qui perturbe l’industrie américaine du cinéma et de la télévision depuis la fin de l’année 2007 s’achève avec un nouvel accord sur la rémunération des acteurs. Mais Hollywood est rattrapé par la crise économique et financière.

Fin du conflit social

Solidaires des scénaristes sortis vainqueurs du long et coûteux conflit qui les opposa aux producteurs de cinéma et de télévision (voir le n°6-7 de La revue européenne des médias, printemps-été 2008), les acteurs américains entament à leur tour en avril 2008 la renégociation de leur convention arrivant à échéance le 30 juin 2008. Outre une revalorisation des salaires pour les moins bien payés d’entre eux (moins de 100 000 dollars par an), et une augmentation des dividendes sur les ventes de DVD, les acteurs réclament eux aussi que soient pris en compte dans leur rémunération les revenus générés par l’exploitation des œuvres sur Internet. La Screen Actors Guild (SAG), le principal syndicat américain des comédiens, qui compte 120 000 membres, rompt les négociations en mai 2008, faute d’une entente avec le syndicat des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP) qui totalise 300 membres. A peine remis des 100 jours de grève des scénaristes, Hollywood se trouve à nouveau sous la menace d’un conflit social.

En juillet 2008, l’AMPTP parvient à conclure un accord prévoyant une hausse des salaires et un intéressement pour la diffusion sur Internet avec le second syndicat d’acteurs, l’American Federation of Television and Radio Artists (Aftra), représentant 70 000 membres dont 44 000 sont également adhérents de la SAG. Malgré l’intervention de célébrités appelant à l’union des deux syndicats, la SAG juge insuffisante l’augmentation de « cachet » et les garanties sur les nouveaux médias, ces dernières non rétroactives ne s’appliquant qu’aux films réalisés après la signature de l’accord. Elle réfute également la « dernière offre » patronale prévoyant le versement aux acteurs de 250 millions de dollars supplémentaires sur trois ans. La convention collective des acteurs arrive à terme avant qu’une nouvelle version du texte ne soit finalement adoptée.

En octobre 2008, l’AMPTP déclare ne pas vouloir reprendre les négociations avec les acteurs puisqu’il maintient une offre identique à celle acceptée par l’Aftra, mais déjà repoussée par la SAG. Malgré l’intervention d’un médiateur fédéral, la reprise des négociations en novembre 2008 n’aboutit pas et la SAG menace d’appeler ses adhérents à voter une grève. Tout en refusant de céder aux revendications des acteurs, l’AMPTP avertit des conséquences graves d’une grève alors que le pays est en pleine récession économique. Après un nouvel échec des pourparlers, en février 2009, le conflit entre la guilde et le patronat se durcit encore. Cette fois, le désaccord repose sur la date d’expiration de la nouvelle convention. L’AMPTP propose un contrat triennal prenant fin en 2012. Mais la SAG souhaite que sa convention collective s’aligne sur les mêmes dates que les textes signés par l’Aftra et les syndicats de scénaristes, de réalisateurs couvrant la période 2009-2011, afin de peser sur les négociations triennales du secteur.

Le pouvoir de la SAG est fragilisé par des scissions de plus en plus profondes entre modérés et adeptes de la ligne dure. La SAG a dû procéder au licencie- ment de son négociateur en chef, opposé aux propositions des studios, tandis que de nombreux adhérents se sont déclarés hostiles au déclenchement d’un mouvement de grève dans des circonstances économiques difficiles.
Il aura fallu un an pour que soit adoptée, en avril 2009, à une courte majorité (53,4 % des voix) des membres du conseil d’administration de la SAG, la nouvelle convention collective des acteurs, laquelle prévoit finalement des augmentations comparables à celles obtenues par les scénaristes. Couvrant exceptionnellement une période de deux ans, 2009-2011, le texte prévoit une hausse de 0,5 % des contributions patronales à la couverture retraire et santé des acteurs, ainsi qu’une augmentation de salaire de 3 % la première année et de 3,5 % l’année suivante. Les droits versés pour l’exploitation numérique en ligne des œuvres seront supérieurs à ceux prévus pour les DVD. En revanche, la rediffusion en ligne des contenus produits exclusivement pour Internet n’ouvrira pas de droits. Le texte entrera en vigueur après avoir été approuvé dans le courant du mois de mai 2009 par les 120 000 acteurs adhérents de la SAG qui, depuis plus de neuf mois, travaillaient sous le régime de l’ancien accord.

Début de la crise économique

Si certains indicateurs économiques de l’industrie du cinéma restent très enviables, d’autres laissent entrevoir une baisse notable de l’activité du secteur. Malgré la baisse de la consommation des ménages américains, le taux de fréquentation en salle a augmenté de 5,6 % au premier trimestre 2009. Les recettes d’exploitation dans le monde ont dépassé les 28 milliards de dollars en 2008, soit une croissance de 5,2 %. Avec 520 longs métrages en 2008, la production cinématographique américaine a néanmoins chuté de plus de 20 %. Le mouvement de grève historique des scénaristes en 2007-2008, dont le préjudice financier est estimé à 2 milliards de dollars en perte d’activité, et la menace qu’a fait peser le conflit entre acteurs et producteurs contribuant à la frilosité des engagements financiers, ont ainsi entamé la vitalité du secteur.

La production pléthorique de films hollywoodiens à gros budget des dernières années est remise en cause par la récession économique. Les banques et autres fonds d’investissement qui ont contribué à hauteur de 15 milliards de dollars au financement des productions entre 2005 et 2008 se désengagent. La crise financière appelle les investisseurs à la prudence face à une industrie dont la rentabilité est par nature toujours aléatoire. Si certains établissements financiers, comme Goldman Sachs ou JPMorgan Chase, sont restés fidèles aux producteurs de cinéma, d’autres ont réduit leur participation comme Merrill Lynch ou allant jusqu’à abandonner le secteur comme la Deutsche Bank.

Tandis que les recettes en salle ne représentent plus désormais qu’une faible part du chiffre d’affaires de l’industrie cinématographique, la source importante de revenus constituée par les ventes de DVD continue de chuter, avec -11 % au premier trimestre 2009. Les répercutions sur l’industrie cinématographique se traduisent par une diminution du nombre de tournages, des coûts de production minorés et des licenciements comme les studios n’en ont pas effectué depuis longtemps.

Ainsi, Los Angeles, capitale du cinéma, connaît son plus faible volume d’activité depuis 1993, avec au premier trimestre 2009 une baisse de 56 % du nombre de jours de tournage de longs métrages, selon FilmLA, l’organisme chargé d’attribuer les permis de tournage. La Californie subit la concurrence d’autres Etats américains comme le Nouveau- Mexique, New York, ou encore la Louisiane, qui proposent des aides fiscales plus incitatives. En janvier 2009, 22 000 emplois ont été supprimés dans le secteur du divertissement en Californie, industrie qui génère localement entre 20 et 30 milliards de dollars annuels et fait travailler 200 000 personnes, selon le California Employment Development Department. L’industrie cinématographique américaine est aussi victime, dans une moindre mesure, de la délocalisation des tournages vers d’autres pays. En outre, les studios appartiennent à des conglomérats dont les diverses activités sont également ralenties par la crise économique. Un phénomène de concentration se dessinera peut-être dans les mois à venir si les résultats économiques ne sont pas meilleurs.

Avec la diminution du nombre de films américains, les films nationaux retrouvent leur place sur leur propre marché. Ainsi, au Japon, où le cinéma américain était dominant, les films locaux ont réalisé les deux tiers de la fréquentation en 2008. En Italie, le plus important distributeur de films va commercialiser deux tiers de films italiens, contre un tiers auparavant. De même, certains producteurs européens, à l’instar d’Europa Corp, estiment que le manque de financements américains peut entraîner une hausse des coproductions américano-européennes de films à envergure internationale, grâce à des coûts de production locaux inférieurs de 20 à 40%.

En janvier 2009, le Congrès américain s’est opposé à la requête des majors de bénéficier de réductions fiscales pour un montant de 246 millions de dollars. Pris au dépourvu par l’ampleur de la crise économique autant que par les défis lancés par la technologie numérique, le cinéma, comme la musique et la presse écrite, recherche désespérément un nouveau modèle économique.

Sources :

  • « Une grève des acteurs  » de facto  » s’impose à Hollywood », france24.com, 1er juillet 2008.
  • « Clooney médiateur ? », Claudine Mulard, Le Monde, 2 juillet 2008.
  • « Acteurs : Hollywood retient son souffle », V. L.L., Le Film français, n°3269, 4 juillet 2008.
  • « Grève en vue à Hollywood ? Les acteurs rejettent l’offre des producteurs », Julie Rhéaume, AP, showbizz.net, 11 juillet 2008.
  • « Hollywood touché par la crise du crédit », Laetitia Mailhes, Les Echos, 1er août 2008.
  • « Les studios de Hollywood fermés face à la menace d’une grève des acteurs », AFP, tv5.org, 24 novembre 2008.
  • « Etats-Unis : les acteurs de Hollywood voteront en janvier pour ou contre la grève », AFP, tv5.org, 10 décembre 2008.
  • « Après celle des scénaristes, Hollywood s’inquiète d’une grève des acteurs », Les Echos, 15 décembre 2008.
  • « Les acteurs d’Hollywood réclament des droits sur Internet », journaldunet.com, 17 décembre 2008.
  • « Etats-Unis : nouvelle période d’incertitude pour l’audiovisuel américain après l’échec des négociations entre acteurs et producteurs à Hollywood », La Correspondance de la Presse, 23 février 2009.
  • « La crise à Hollywood, ce n’est pas du cinéma », Claudine Mulard, Le Monde, 4 avril 2009.
  • « Hollywood : le syndicat des acteurs met fin au conflit avec les studios », Laetitia Mailhes, Les Echos, 21 avril 2009.
  • « Sortie de crise à Hollywood avec les acteurs », O.H., La Tribune, 21 avril 2009.
  • « Les tournages de films désertent les rues de Los Angeles » », L.M., Les Echos, 21 avril 2009.
  • « Quand Hollywood s’enrhume, la planète cinéma se grippe », Jamal Henni, La Tribune, 13 mai 2009.
Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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