La séparation annoncée de Time Warner et d’AOL met un terme à une fusion entre deux groupes aux activités différentes qui n’ont jamais pu bénéficier des effets attendus de la convergence. Cette séparation s’inscrit en même temps dans la stratégie du groupe Time Warner qui se concentre sur ses activités audiovisuelles, tout en prenant acte des performances en demi-teinte d’AOL sur le marché des services en ligne. En effet, malgré les atouts de sa régie en ligne et de ses réseaux sociaux, AOL n’a pas trouvé de repreneur et sera introduit en Bourse.
Dès le 7 janvier 2009, Time Warner annonçait, avant même la publication de ses résultats, devoir passer une provision de 25 milliards de dollars pour dépréciation d’actifs, concernant sa filiale AOL, en plus des activités dans le câble et l’édition. Le 4 février 2009, lors de la présentation de ses résultats pour l’année 2008, Time Warner a ainsi annoncé une perte nette de 13,4 milliards de dollars pour cette période, avec un chiffre d’affaires de 47 milliards de dollars. La stratégie du groupe, qui voit ses performances dégradées par le câble, l’édition et Internet, est désormais de concentrer ses activités sur les contenus audiovisuels et de se renforcer dans le cinéma en abandonnant progressivement les autres secteurs. Cette stratégie d’ensemble, qui s’est illustrée dès 2008 par la scission de la division câble (voir le n° 8 de La revue européenne des médias, automne 2008) se poursuit depuis : Jeff Bewkes, PDG de Time Warner, annonçait, le 28 mai 2009, que le groupe allait se séparer de sa filiale AOL en lui donnant son indépendance et en l’introduisant en Bourse, faute d’avoir trouvé un repreneur pour le quatrième acteur de l’Internet aux Etats-Unis.
Cette annonce met un terme à une aventure commencée en 2000 sous les auspices de la convergence, alors qu’Internet donnait naissance à une bulle spéculative. Annoncée à l’époque, la fusion AOL-Time Warner faisait émerger le premier groupe mondial de communication, la valorisation boursière combinée des deux sociétés atteignant 350 milliards de dollars. Avec cette fusion, le groupe Time Warner apportait ses contenus à AOL qui, fort à la fois de ses activités de fournisseur d’accès et de son portail, devait les valoriser sur Internet, créer des synergies, donnant aux différentes activités de Time Warner une cohérence que le groupe n’avait jamais vraiment connue. En effet, avant même sa fusion avec AOL, le groupe Time Warner a toujours été un conglomérat, né de l’addition de Time Inc., sa branche édition, et de Warner, sa branche cinéma et audiovisuel. La fusion fut un échec parce que les usages, les débits disponibles à l’époque et le management n’y étaient pas prêts. S’ajoute à cela des options stratégiques d’AOL qui, depuis 2000, n’ont pas pris en compte les évolutions d’Internet.
En 2008, AOL a réalisé un chiffre d’affaires de 4,16 milliards de dollars et enregistré une perte de 1,52 milliard de dollars. Son chiffre d’affaires a baissé de 19 % par rapport à 2007, principalement à cause du déclin de ses activités de fournisseurs d’accès à Internet. En effet, AOL, qui ne détient pas de réseau en propre et n’a pas cherché, après la bulle de l’an 2000, à se développer dans le haut débit, n’a désormais plus les moyens de résister aux opérateurs de télécommunications sur la fourniture d’accès. C’est pourquoi, après s’être séparé de ses filiales européennes (voir le n°0 de La revue européenne des médias, hiver 2006), AOL ne soutient plus désormais son activité de fournisseur d’accès aux Etats-Unis. Cette dernière a réalisé un chiffre d’affaires de 1,92 milliard de dollars en 2008, en recul de plus de 30 % sur un an, essentiellement parce qu’AOL perd de nombreux abonnés. Lors de la fusion en 2000, AOL affichait plus de 20 millions d’abonnés. Il n’en comptait plus que 6,3 millions fin mars 2009.
L’avenir d’AOL est donc désormais dans la fourniture de services en ligne et la valorisation de ceux-ci par la publicité. La division portail, services de communication et régie d’AOL occupe désormais le quatrième rang de l’Internet aux Etats-Unis, derrière Google, Microsoft et Yahoo!. Elle dispose de vrais atouts, sa régie en ligne, Platform A, parmi les plus performantes, enfin ses nombreux services de messagerie (AIM, ICQ) et ses différents sites, dont Bebo, le réseau social racheté en 2008. Sans surprise, cette division d’AOL est celle qui souffre le moins malgré les difficultés du marché publicitaire américain fin 2008. Elle a réalisé 2,09 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2008 sur le display, en recul de 6,3 %. Le moteur de recherche d’AOL, qui utilise la technologie Google, a généré de son côté 677,9 millions de dollars en 2008, en hausse de 5 %. Autant dire que Google, qui était initialement entré au capital d’AOL en 2005 pour s’adosser à un grand portail, est devenu le premier facteur de croissance du groupe qu’il avait jadis convoité. Au demeurant, la scission de Time Warner et d’AOL, pour être possible, a supposé que Time Warner rachète la participation de Google afin de contrôler de nouveau 100 % d’AOL, condition d’une mise en Bourse de la société. Ce rachat a révélé l’ampleur de la dépréciation d’AOL : l’entrée de Google au capital d’AOL valorisait la société à 20 milliards de dollars en 2005, somme ramenée à 5,66 milliards de dollars en 2008, lors de la vente des 5 % de capital détenus par Google pour près de 283 millions de dollars.
Sources :
- « Time Warner plonge dans le rouge en révisant la valeur de ses actifs », P. de G., Les Echos, 25 février 2009.
- « Time Warner se sépare d’AOL : la fin d’une mégafusion », Virginie Robert, Les Echos, 29 mai 2009.
- « Huit ans après un mariage retentissant, le groupe de médias Time Warner se sépare d’AOL », Laurence Girard, Le Monde, 30 mai 2009.
- « Time Warner ou la fin d’une illusion », blog lesechos.fr, 6 juin 2009.
- « Time Warner dévoile la réalité de la dégringolade d’AOL », E.P., Les Echos, 29 juillet 2009.