Inégalités numériques dans les mondes ruraux
Si la France reste un des pays les moins denses d’Europe avec 115 habitants au km2 en 2006, la population française est aujourd’hui aux trois quarts urbaine. La France se compose donc principalement de zones de faible densité (selon l’INSEE celles qui comptent moins de 30 habitants au km2), de territoires très urbanisés et d’espaces qualifiés de périurbains s’invitant entre ces deux configurations spatiales. Ce dernier point est essentiel dans les dynamiques territoriales du pays dans la mesure où il est le baromètre de l’effacement de la ruralité en France ou en tout cas de son recul, entamé au moment de l’exode rural d’après-guerre.
Le mouvement de convergence des populations vers l’urbain n’a pas été sans conséquence sur la capacité des villes à absorber cet afflux. A partir des années 1960, la ville s’est étalée au-delà de ses marges originelles et le phénomène de périurbanisation s’est développé à un rythme croissant, en particulier grâce à la démocratisation de l’automobile et au désir d’accession à la maison individuelle. L’espace rural français s’en est trouvé bouleversé. Certains, à proximité des grandes villes, ont été mis sous influence urbaine (périurbanisation/rurbanisation). D’autres ont gardé leur dynamique propre et leur mode de vie plus traditionnel grâce au maintien d’une agriculture efficace. D’autres encore se sont fragilisés et ont subi de plein fouet le difficile renouvellement des générations. Ces configurations plurielles ne peuvent laisser le géographe-aménageur indifférent.
Des processus de recomposition territoriale se sont engagés, questionnant finalement la ville dans ses définitions, mais aussi, assez largement, les espaces ruraux français dans toute leur diversité. Pour les pouvoirs publics, la problématique dominante a consisté alors à envisager des solutions pour permettre au monde rural de survivre à ces changements sans toutefois remettre en cause ce qui fait l’essence même de ces espaces : une présence, même faible, des services collectifs de base, un style de vie et un mode d’habiter différents de celui des urbains (nature du bâti, « distance spatiale » avec le premier voisin mais « proximité relationnelle », sentiment d’appartenance à une communauté), mais avec un confort domestique proche désormais de celui que l’on peut rencontrer en ville (télévision, appareils ménagers, etc).
Ces questionnements ont souvent abouti à des positions caricaturales consistant à faire des Technologies de l’information et de la communication (TIC), des outils, sinon de la ruralité, en tout cas venant au secours du rural. Plusieurs expérimentations, allant dans ce sens, se sont succédé. La plus fameuse est lancée en 1994 par la DATAR dans le cadre d’un appel à projet intitulé « Le télétravail pour l’emploi et la reconquête des territoires ». Les TIC étaient alors perçues comme des outils permettant de relancer l’activité dans les territoires ruraux en déprise, avec des résultats le plus souvent en deçà des espérances. D’autres opérations comme le CETIR de Saint-Laurent-de Neste (Centre européen des technologies de l’information et de la communication en milieu rural : aide à la création d’entreprises), le projet des Soho Solo (Small Office Home Office : dispositif d’accompagnement pour le télétravail) dans le Gers ou encore les inforoutes de l’Ardèche (projet porté par un syndicat mixte pour équiper et développer des services à destination des collectivités), ont apporté des réponses parcellaires aux « problèmes ruraux », et nombres de ces espaces ont fait la preuve de leur créativité, sans qu’un modèle se dégage toutefois pour un rural français aux expressions multiples. Depuis, les actions ont perdu de leur caractère idéologique et ont versé dans le pragmatisme. Les acteurs ont cessé de considérer la question au singulier alors qu’elle est par essence plurielle. L’évolution des technologies, la maturation des usagers comme celle des acteurs territoriaux, sans oublier les effets d’une intercommunalité toujours plus présente, ont considérablement changé la donne. Les TIC ne sont plus envisagées comme une bouée de sauvetage providentielle, mais comme un moyen de doter les territoires ruraux d’atouts supplémentaires pour les populations résidentes, qu’elles soient permanentes ou temporaires.
Avoir accès à l’Internet haut débit, être doté d’une couverture télécom sans faille, et bénéficier de la TNT comme l’ensemble des foyers habitant en ville : autant de commodités qui ne font plus des territoires ruraux des espaces innovants mais s’insèrent tout simplement dans l’ensemble des aménités qu’une collectivité se doit d’offrir à ses habitants. Au final, trois grandes problématiques peuvent être signalées dès lors que l’on pose la question de l’introduction des TIC en milieu rural. La première repose sur l’hypothèse que les TIC seraient les nouveaux véhicules de l’urbanité et que leur introduction aurait pour conséquence une perte de substance rurale, c’est-à-dire une modification profonde des « modes d’habiter » gommant peu à peu les traditions et les solidarités à l’œuvre dans ce type d’espace. La deuxième tendance montre au contraire qu’il existe des campagnes innovantes et créatives, les TIC ne remettant pas en question la ruralité mais contribuant plutôt à son maintien voire à son renouveau. Enfin, la troisième tendance porte sur une forme d’impasse devant laquelle se trouvent les espaces de faible densité, ceux qui souffrent le plus de « fracture numérique » et dont on perçoit mal aujourd’hui les modalités de raccordement au haut débit et davantage encore, au très haut débit même si la solution intercommunale entretient l’espoir.
Les TIC exportatrices de l’urbanité dans le périurbain
Le périurbain est un espace marqué par une ruralité environnante où l’influence de la ville est essentielle. Ce phénomène apparaît souvent comme étant à l’origine de bien des maux, coupable d’une déliquescence de la ruralité (« l’ébranlement des bassins de vie » selon Martin Vanier) et surtout d’une modification profonde des modes d’habiter. Cet espace grignoterait la campagne, épuiserait les réserves foncières, segmenterait et isolerait les catégories sociales, détisserait le lien social, banaliserait les paysages… Les TIC, un des derniers symboles de cette urbanité, accéléreraient cette entreprise d’absorption du rural par la ville, elles contribueraient fortement à exporter l’urbanité à la campagne, après que la voiture, le téléphone, le congélateur, ou encore la forte présence des grands supermarchés ont sérieusement entamé le processus. L’insertion des TIC dans ces espaces éroderaient encore davantage les espaces ruraux déjà sous l’influence de la ville centre et parfois multipolarisés.
Les auteurs du groupe de prospective « Les nouvelles ruralités en France à l’horizon 2030 », rédacteurs du rapport commandé par l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), pointent les effets potentiellement destructeurs des TIC sur les modes de vie, en particulier dans les campagnes : « La multi-appartenance est favorisée par l’essor des technologies d’information et de communication qui transforment les modes de vie, de travail, de consommation et d’échanges. Si l’on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas substitution entre transports physiques et échanges virtuels, et si les expériences de télétravail ne sont pas encore concluantes, ces technologies peuvent être des facteurs de socialisation ou de destruction du lien social selon les usages que l’on en fait ».
Peu à peu, les lieux de vie villageoise mais surtout les pratiques collectives propres aux espaces peu denses s’effaceraient devant les modes de vie urbains, plus individualistes et atomisés. L’influence des TIC dans les modifications des modes de vie ruraux ne serait pas simplement de l’ordre d’un repli sur le chez-soi grâce à un appareillage audiovisuel sophistiqué (outre la télévision écran plat, le home cinéma, etc.) et aux nouveaux usages d’Internet (jeux en réseaux, réseau sociaux, musique, vidéos…). Elle le serait également face au registre de l’individu mobile, exhibant son téléphone dernier cri dans les rues du village, travaillant ou se divertissant à une terrasse de café doté de sa « signalétique Wi-Fi ». La proximité de la ville génère, dans ces territoires périurbains, dont la raison d’être est la distance au centre, des navettes domicile-travail souvent quotidiennes entre le pôle urbain et les espaces résidentiels, déplacements parfois évités grâce au télétravail partiel. Ces espaces sont, comme les pôles urbains, soumis aux effets du commerce électronique. Leur sociologie particulière, composée souvent de jeunes ménages actifs technophiles, génère de nouveaux trafics (véhicules de livraison) pour l’acheminement des marchandises jusqu’au domicile des consommateurs (Business To Consumer ou B to C). Les villages proches des villes perdraient donc chaque jour davantage des morceaux de ruralité, et par là-même de leur identité. Les TIC n’en seraient pas les principaux responsables mais tiendraient là un rôle d’adjuvant ou d’accélérateur du processus. Parfois, l’implantation d’Espaces publics numériques (EPN) réinstaure des formes collectives de lien social, comparable à celles agissant dans les MJC d’antan, mais le plus souvent, l’insertion du numérique dans ces espaces anciennement ruraux ont fini de consacrer l’intrusion de la ville dans les campagnes.
Campagnes innovantes pour continuer l’histoire
La ville a longtemps été, et reste, le creuset de l’innovation territoriale, en particulier dans le domaine des TIC. A titre d’exemple, le haut débit et très haut débit se développent d‘abord dans l’urbain et sur d’autres logiques qu’en milieu rural. Là où l’acteur privé voit dans ce type de déploiement un business rentable, l’acteur public rural peine à développer le même type de service, même s’il le fait au nom de l’équité territoriale et de la lutte contre la « fracture numérique ». Il lui faut déployer des efforts considérables pour assembler un partenariat, attirer des opérateurs faisant la « fine bouche » ou exigeant des garanties de retour sur investissement au prix de l’endettement public (PPP). Pourtant, les campagnes innovent. Les espaces denses sont logiquement mieux dotés en communautés intelligentes. Il est normal que les usages du Web social soient plus nombreux dans l’urbain, que leurs services soient globalement plus qualitatifs et que les plates-formes d’échange développées soient mieux nourries. Il n’est pas étonnant d’y trouver plus de Wi-Fi communautaires, plus de sites web publics sophistiqués. Mais cela ne doit pas faire passer sous silence la qualité de l’invention en milieu rural et l’existence de savoir-faire très spécifiques. Les besoins sont différents, à l’image des solutions déployées.
Le rural sait faire preuve d’inventivité lorsqu’il le juge nécessaire. Déjà dans les années 1980, le monde agricole a montré de grandes dispositions à accueillir le Minitel. Les agriculteurs (CSP qui n’est plus majoritaire aujourd’hui) utilisèrent le terminal comme peu de professions surent le faire : s’informer sur la météo, suivre le cours du blé ou du lait était comme aujourd’hui vital. Plus récemment, le tourisme vert n’aurait pas progressé sans la position centrale de l’Internet dans sa promotion. Les chambres d’hôtes, les gîtes ruraux, les sites naturels à découvrir, autant de services spécifiques se rapportant à ce type d’espace, rendus par les réseaux électroniques. Le raisonnement peut même se prolonger en des termes plus prospectifs, le rural peut constituer probablement des territoires « bêtatests » d’une administration électronique appelée à remplacer peu à peu l’administration classique. Un certain nombre de dispositifs sont aujourd’hui expérimentés à la campagne sur ce sujet pour répondre à la rareté des services de proximité. Les usages innovants en milieu rural sont légion, y compris dans leur composante économique. Ils s’appuient sur des ressources liées à l’espace : Paysans.fr propose par exemple dans le domaine du commerce électronique de distribuer aux particuliers des produits alimentaires frais proposés par une centaine d’éleveurs et de petits producteurs, une initiative développée également par le Pôle d’excellence rurale Corbières Minervois qui développe une plateforme virtuelle de distribution des produits du terroir.
Les espaces de faible densité face à la « fracture numérique » : un grand emprunt national impuissant, des expérimentations insatisfaisantes, une intercommunalité opportune
Les espaces ruraux de faible densité sont par définition isolés, mal desservis et peu à même de réunir compétences et savoir-faire susceptibles d’apporter des réponses claires au défi de l’égalité numérique des territoires. Ce sont ces espaces qui souffrent le plus de « fractures numériques », tant du point de vue infrastructurel que de la production de contenus et de services territoriaux. Gabriel Dupuy estime que la fracture numérique ville-campagne est « très probablement durable et mal ressentie », elle est « perçue comme résultant d’une véritable discrimination du rural par l’urbain ». L’auteur rappelle, reprenant les conclusions de l’ORTEL (Observatoire régional des télécommunications) et de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) qu’il existe une France « à trois vitesses » et donc « trois types d’espaces : zones de concurrence, zones d’opportunité, zones de fragilité. Les premières bénéficient des investissements des opérateurs, les zones d’opportunité sont sensibilisées aux technologies de l’information et des télécommunications mais sont isolées des grandes infrastructures de télécommunications. Enfin, les zones de fragilité sont pour l’essentiel des territoires ruraux qui n’ont pas accès à une diversité d’offres technologiques pour se connecter à des prix abordables aux autoroutes de l’information ». Cette absence de concurrence montre combien il sera difficile de mobiliser des moyens pour équiper ce type de territoire, seul un volontarisme politique de l’Etat et des collectivités permettrait d’envisager, à moyen terme, un désenclavement numérique.
L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (AVICCA) estime que « près de 2 % des foyers vivent dans des zones non desservies par le haut débit filaire (câble ou l’ADSL) ». De fait, dans ces espaces, le débat se concentre surtout sur le haut débit, voire le très haut débit, ce qui ampute une partie des enjeux propres à la mise en place d’une société de l’information de proximité. Il pose une ombre portée sur les réflexions pourtant nécessaires à l’expression des particularismes, nombreux dans ces espaces de faible densité. Parmi eux : des zones agricoles consacrée à la production alimentaire, des zones forestières, des sites à haute valeur environnementale, peu peuplées mais avec une présence humaine tout de même, et surtout hautement stratégiques.
Le problème est d’autant plus grand que le volet numérique présenté dans le grand emprunt national (7e axe et plus petit budget) ne semble pas vraiment en mesure d’apporter des solutions concrètes. En effet, non seulement les 4,5 milliards d’euros annoncés pour « investir dans la société numérique » (2 milliards pour l’infrastructure/ 2,5 milliards pour les contenus et services) seront très insuffisants (30 milliards pour la seule composante infrastructurelle seraient nécessaires dans les zones non rentables), mais en plus, les considérations en direction des espaces peu denses (zone 3) dans le domaine de la fibre optique sont peu précises, renvoyant surtout vers « d’autres solutions (satellite, très haut débit mobile) » qui sonnent comme un aveu d’impuissance du pouvoir central.
Ainsi, l’AVICCA juge, après lecture du rapport, que « l’investissement public national envisagé est très significatif dans les zones rentables, et assez marginal dans les autres ». Ce propos ne peut qu’être étayé par la loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique qui n’ouvre aucune perspective concrète pour les espaces les plus « fracturés ». Forte de 35 articles, cette loi envisage finalement deux principaux objectifs : « faciliter la transition vers la télévision numérique » et « prévenir l’apparition d’une fracture numérique dans le très haut débit ». Ce deuxième thème porte en lui une forme de renonciation de l’action nationale dans les territoires peu denses : comment y envisager le très haut débit quand un débit minimum n’est toujours pas possible ? Il suffit pour mieux s’en convaincre d’interpréter l’article 31 qui annonce la nécessité d’une proposition d’ici au 30 juin 2010 pour l’établissement d’une « tarification de l’accès a Internet en fonction du débit réel dont bénéficient les abonnés ». Cet article officialise finalement la création d’un Internet à deux vitesses : très rapide pour les villes, riches en fibres optiques, et beaucoup plus lente pour les villages les plus reculés, dont le raccordement n’est possible que sur la base de l’infrastructure téléphonique déployée au moment du plan de rattrapage téléphonique des années 1970 ou par d’autres technologies alternatives dont les performances sont largement en deçà de la fibre.
L’annonce officielle du « plan pour le développement de l’économie numérique » du 18 janvier 2010 (grand emprunt national) n’apparaît effectivement pas des plus optimistes pour les zones de faible densité. Si des propositions concrètes sont annoncées pour permettre au plus grand nombre d’accéder à l’Internet, en particulier un « tarif social » à 20 euros (38 % de Français n’ont toujours pas un accès personnel à Internet) et des actions spécifiques en direction des zones moyennement denses, rien de très précis pour le rural. Selon le Premier Ministre dont les propos ont été repris sur le site de Localtis (Caisse des dépôts et consignations), « d’autres technologies devraient empêcher que les bienfaits du numérique soient octroyés aux citadins et déniés aux ruraux : l’Internet mobile à très haut débit, pour les zones peu denses, et le satellitaire, pour les sites les plus défavorisés », des solutions alternatives depuis longtemps privilégiées dans les zones peu denses africaines… De fait, les solutions éventuelles s’envisagent surtout au travers des collectivités territoriales qui peuvent s’appuyer sur l’article L-1425 du CGCT pour intervenir à la place du privé, le plus souvent sur le registre intercommunal. Les stratégies pour sortir les villages les plus isolés de leur enclavement numérique reposent sur des logiques de proximité permettant aux plus petites communes d’entrevoir des solutions à leurs problèmes infrastructurels. Le moteur de l’action réside dans la formalisation de besoins clairs : nécessité de mieux gérer la collectivité en facilitant la relation au sein et entre les communes de l’intercommunalité, nécessité d’améliorer le service rendu aux usagers (écoles, etc.) en permettant l’accès à des ressources non présentes sur le territoire, nécessité enfin d’offrir aux administrés et aux entreprises les moyens d’accéder à cette société de l’information émergente.
Cela implique donc le déploiement de solutions infrastructurelles pour les portions de territoire oubliées par l’Internet haut débit ADSL. La solution satellitaire, est parfois privilégiée. A titre d’exemple, le conseil communautaire de la communauté de communes du Pays des Abers a décidé, en novembre 2009, la mise en place d’une subvention prenant en charge la moitié des frais d’installation d’un kit satellite (prise en charge ne pouvant excéder 150 euros). Ce principe de subvention satellitaire a été adopté dans d’autres espaces de faible densité comme en Auvergne en direction d’une frange de la population (0,4 %) enclavée numériquement. L’autre technologie de désenclavement numérique est le WiMAX (haut débit par voie hertzienne). Elle apporte son lot de solutions même si de nombreuses contraintes subsistent. L’expérience menée dans le Pays des Vals de Saintonge (nord-est de la Charente- Maritime), syndicat mixte regroupant sept communautés de communes, rassemblant elles-mêmes 117 communes, a pu en témoigner avec en particulier de nombreuses interrogations sur le com- portement du système en situation de charge et sur les conditions commerciales de son déploiement.
Promesses numériques, impuissances politiques
L’insertion des TIC en milieu rural recouvre donc des réalités complexes que des termes aussi génériques que « fracture numérique » ou « désenclavement numérique » tendent à simplifier. Les trois problématiques qui ressortent de cet article montrent clairement que l’égalité numérique des territoires n’est pas pour demain. Par ailleurs, le désenclave- ment numérique peut avoir des conséquences irréversibles sur les modes d’habiter des territoires ruraux en y exportant les signes de l’urbanité. Le véritable problème du désenclavement numérique se pose pour les zones de faible densité. Là, de nombreuses incertitudes demeurent. Pourtant, c’est aussi dans ces « zones blanches » que la marge de manœuvre est la plus grande. C’est là où le télétravail peut encore largement progresser, réinsérant ainsi de nouvelles activités professionnelles, c’est dans ces environnements où la question des services publics « non rentables » se posent avec le plus d’acuité, les TIC pouvant être une alternative à la fuite des enseignes publiques (la Poste, etc.), et c’est également dans ces espaces, souvent vieillissants, que les nouvelles plates-formes numériques permettront de développer des services à la personne avec le souci de la proximité physique. Dans tous les cas, les démarches ne s’accompliront pas de façon spontanée et des efforts lourds seront nécessaires sur et au-delà de la stricte dimension infrastructurelle pour tendre effectivement vers cet objectif d’égalité numérique des territoires.
Sources :
- La fracture numérique, Gabriel Dupuy, Transversale Débats, Ellipses, 2007.
- Le pouvoir des territoires : essai sur l’interterritorialité, Martin Vanier, Anthropos, Paris 2008.
- « Les nouvelles ruralités à l’horizon 2030 », Rapport du groupe de travail Nouvelles ruralités, INRA, juillet 2008.
- « Technologies en campagne : l’accès public aux TIC en milieu rural », Pierre Carrolaggi, Jérôme Combaz (sous la direction de), CREATIF, Cahier de partage et d’expériences, n°5, avril 2009.
- « Grand emprunt : une priorité pour fibrer les zones rentables », avicca.org, 23 novembre 2009.
- « WiMAX : bilan d’une expérimentation en zone rurale », http://extranet.ant.cete-ouest.equipement.gouv.fr/
- Loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, JORF n°0293 du 18 décembre 2009.
- « François Fillon clique sur le très haut débit », localtis, www.localtis.info, 18 janvier 2010.