Le marché publicitaire britannique compte parmi ceux qui ont le plus souffert de la crise du marché publicitaire en 2008 et 2009, situation qui a fragilisé la chaîne Five, lancée en 1997 et outsider face à la BBC, ITV et Channel 4. Après un bénéfice de 2 millions d’euros en 2008, Five a enregistré une perte de 10 millions d’euros en 2009 alors que son chiffre d’affaires baissait de 30 %, passant de 432 millions d’euros à 303 millions d’euros. Les pertes n’ont été limitées qu’au prix d’une réduction drastique du coût de grille de la chaîne, abaissé de 25 % en 2009. Son propriétaire, RTL Group, filiale de Bertelsmann dont la stratégie est clairement de se recentrer sur ses actifs les plus rentables (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010), a donc opté pour une mise en vente. Pour le leader européen de l’audiovisuel, qui a déprécié par deux fois la valeur de Five dans ses comptes, de 337 millions d’euros en 2008 et de 140 millions d’euros en 2009, la chaîne britannique est d’abord une charge qui pèse sur sa rentabilité globale, alors que M6 en France, Antena 3 en Espagne, ou les chaînes RTL en Allemagne et en Europe de l’Est sont rentables.
Le 25 juillet 2010, la presse britannique annonçait le rachat de Five par Richard Desmond, qui contrôle le groupe Northern & Shell, le Daily Express et le Daily Star, OK !, mais également des chaînes pornographiques. Le magnat britannique l’a emporté face aux autres prétendants en offrant 125 millions d’euros (103,5 millions de livres) pour Five, une valorisation supérieure de près de 10 millions de livres à celle chiffrée par RTL Group. En outre, Richard Desmond s’est engagé pour le rachat de Five sans conditions, l’Ofcom ou les autorités de concurrence devant pourtant autoriser le cumul, d’un réseau national de télévision, d’un groupe de presse et de chaînes thématiques.
Pour relancer Five, Richard Desmond compte investir massivement dans la chaîne et utiliser ses journaux pour mettre en avant Five. Les téléspectateurs de Five (5 % d’audience nationale en 2008), plutôt âgés, risquent également d’être surpris, la presse britannique faisant état de négociations pour le rachat de programmes de téléréalité. Avec Five, Richard Desmond a en effet l’ambition de faire de Five le Sky gratuit du marché audiovisuel britannique. Mais, au-delà de l’évolution de la ligne éditoriale, le rachat de Five par Richard Desmond constitue un événement au Royaume-Uni : pour la première fois, un individu contrôle directement un réseau national de télévision. Certes, la première chaîne privée ITV a déjà été contrôlée par des magnats des médias lorsqu’elle dépendait de Carlton (Michael Green) et de Granada (famille Bernstein), mais sa structure en réseau a toujours empêché un contrôle direct. Les autres repreneurs potentiels de Five étaient le fonds Cyrte, détenu par John de Mol, présent au capital d’Endemol et associé pour l’opération au groupe audiovisuel grec Antena, mais également NBC Universal ou Channel 4.
Sources :
- « Le cofondateur d’Endemol John de Mol serait intéressé par le rachat de la chaîne du groupe RTL, Five », La Correspondance de la Presse, 2 juillet 2010.
- « Desmond poised to buy UK broadcaster Five », Ben Fenton, Financial Times, 22 juillet 2010.
- « RTL Group se sépare de sa chaîne britannique Five », Sandrine Bajos, La Tribune, 26 juillet 2010.
- « RTL vend Channel 5 à un magnat britannique pour 125 millions d’euros », Nicolas Madelaine, Les Echos, 26 juillet 2010.