Coupe du monde de football : TF1 déploie une stratégie à 360° et adapte sa diffusion au nouveau contexte concurrentiel

A l’occasion de la Coupe du monde de football 2010, TF1, qui avait acquis l’intégralité des droits pour la France, a déployé une stratégie nouvelle de média global pour maximiser ses audiences et ses recettes publicitaires. L’exclusivité totale pour une chaîne n’étant plus décisive, TF1 a par ailleurs cédé une partie de ses droits à Canal+ et France Télévisions. En Europe, plusieurs diffuseurs se sont partagé la retransmission des matchs, sauf en Italie. La Coupe du monde de football aura également été l’occasion de tester les premières diffusions en 3D et de lancer en France les paris en ligne.

La Coupe du monde de football 2010, qui s’est tenue en Afrique du Sud du 11 juin au 11 juillet, a été l’occasion pour les chaînes européennes de mettre en place, pour la première fois, un véritable dispositif multiplateforme. En effet, la Fédération internationale de football association (FIFA) a, pour la première fois, procédé à la vente conjointe des droits TV et Internet des matchs, alors que l’exclusivité sur les droits Internet avait été favorisée en 2006. Cette Coupe du monde est ainsi une première pour laquelle les chaînes ont déployé une stratégie numérique tous azimuts : diffusion sur le poste de télévision, en IPTV, sur le Web, sur le mobile, en HD et avec, pour certaines chaînes seulement, les premières diffusions de matchs en 3D relief. En France, la Coupe du monde de football a correspondu de surcroît à l’ouverture du marché des jeux en ligne, les premiers opérateurs ayant été agréés le 8 juin 2010 par l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel).

TF1 renoue avec des scores d’audience record grâce à la Coupe du monde de football …

TF1, qui avait acquis l’intégralité des droits pour les éditions 2010 et 2014 de la Coupe du monde en juin 2005, a tiré toutes les conséquences de cette nouvelle donne. Plutôt que de jouer la carte de l’exclusivité sur ses antennes pour un coût élevé (120 millions d’euros en 2010 et 140 millions d’euros en 2014), la chaîne a préféré céder une partie de ses matchs et se concentrer sur les rencontres prestigieuses et sur une diffusion différée du reste des matchs, avec le maximum d’interactions en ligne. Ainsi, sur les 64 matchs de la Coupe du monde, TF1 n’en a conservé que 27 pour une diffusion en direct, se réservant 17 matchs à une heure de grande écoute, l’exclusivité des matchs de l’équipe de France, des trois matchs des quarts de finale, des demi-finales, de la petite finale et de la finale, ainsi que des cérémonies d’ouverture et de clôture. Les autres matchs ont été cédés à France Télévisions qui, pour un investissement de 25 millions d’euros, a diffusé en direct 34 matchs, dont seulement 8 matchs à une heure de grande écoute, et Canal+ qui, pour 8 millions d’euros, a pu diffuser l’intégralité de la Coupe du monde en crypté, pour ses seuls abonnés, ainsi qu’un magazine en seconde partie de soirée. En définitive, l’investisse- ment de TF1 dans la Coupe du monde de football aura été ramené de 120 millions d’euros à 87 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 4 à 6 millions d’euros de frais de réalisation. L’addition est donc moins élevée que pour la Coupe du monde 2006 où TF1 avait déboursé 108 millions d’euros pour 24 matchs, soit 4,5 millions d’euros par match contre 3,2 millions en 2010.

Si TF1 a réalisé de bonnes audiences malgré l’élimination de la France dès les matchs de poule (38 % de parts d’audience en moyenne, dont 57 % de parts d’audience pour le match France- Mexique en prime time, regardé par 15 millions de téléspectateurs ; 73 % pour France-Afrique du Sud, avec 8,4 millions de téléspectateurs, le match étant diffusé l’après-midi ; et 63,1 % de parts d’audience pour la finale avec 14,1 millions de téléspectateurs), elle le doit aussi, à l’évidence, aux scandales qui ont entaché la participation de l’équipe de France à la Coupe du monde et renforcé les audiences des magazines d’après-match et des JT. Ainsi, les magazines diffusés après les matchs de l’équipe de France ont réuni plus de 7 millions de téléspectateurs, audience rarissime en deuxième partie de soirée, alors que les JT de TF1 ont vu leur audience bondir de 10 % , pour une part de marché qui est passée de 30 % à 33 %. Le magazine Téléfoot du 20 juin 2010 a également réalisé l’une des meilleures audiences de son histoire avec 4,4 millions de téléspectateurs (37 % de parts d’audience) pour l’intervention du sélectionneur Raymond Domenech et de Franck Ribéry. En définitive, sur TF1, les audiences de la Coupe du monde 2010 sont comparables à celles de la Coupe 2006, alors même que la TNT s’est développée et que l’audience moyenne de TF1 a chuté mécaniquement. Ces bonnes performances ont permis à TF1 de récupérer près de 50 millions d’euros de recettes publicitaires, soit un manque à gagner de 25 à 30 millions d’euros, une situation normale pour les droits du football qui sont un moyen de renforcer l’attrait global d’une chaîne, mais jamais une source de bénéfices directs (17 millions d’euros étaient provisionnés dans les comptes 2009 de la chaîne en prévision de cette perte). Ce succès d’audience a permis à TF1, de renforcer sa position vis-à-vis des annonceurs, qui avaient obtenu des taux de négociation élevés en 2009, année de crise du marché publicitaire, et de leur proposer de nouveau des tarifs à la hausse pour ses spots.

… et développe une stratégie de média global, incluant pour la première fois les paris en ligne

Outre la chaîne TF1, le groupe a également bénéficié des synergies mises en place avec ses autres médias et Internet. Eurosport accompagnait tous les matchs diffusés en prime time sur TF1 d’un magazine, programmé une heure avant la rencontre et présentant les coulisses du match. La chaîne sportive du groupe a également rediffusé toutes les rencontres de la Coupe du monde, soit au total 300 heures d’antenne consacrées au Mondial de football. LCI et LCI radio ont, de leur côté, multiplié les flashs d’information et les émissions spéciales consacrées au Mondial.

Sur Internet et les téléphones portables, la compétition a également battu son plein dans l’univers de TF1, qui a appliqué ici une stratégie de média global proposant aux annonceurs une offre dite à 360°, pour des campagnes sur tous les supports (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010). Sur Internet, TF1 a créé un site consacré à la Coupe du monde, arborant les logos TF1 et Eurosport. Les 64 rencontres du Mondial y ont été retransmises gratuitement en intégralité en catch-up TV (télévision de rattrapage). Le site proposait en outre des pages d’information et les meilleurs moments de la compétition. A l’issue de la Coupe du monde, le site cumulait 35 millions de visites. Sur les mobiles, TF1 a lancé avec la FIFA une application dédiée à l’iPhone, qui permettait de regarder les matchs en direct ainsi que certains extraits. En contrepartie, la FIFA a demandé à ce que tous les sites mobiles de TF1 et Eurosport autorisés à rediffuser les matchs affichent un écran noir pendant le direct, à seule fin d’éviter le parasitage de l’application, téléchargée 250 000 fois, dont 25 000 versions payantes vendues 3,99 euros pour les matchs en direct.

Enfin, TF1 a joué la carte des jeux en ligne, le marché ayant été ouvert à l’occasion de la Coupe du monde de football. Le 8 juin 2010, jour de l’autorisation accordée aux premiers opérateurs, EurosportBET.fr ouvrait son site de paris en ligne. Grâce à la Coupe du monde, EurosportBET.fr a conquis plusieurs dizaines de milliers de joueurs en un mois, le foot comptant pour 77 % des paris sur le site, suivi du tennis avec 20 % des mises tirées par le tournoi de Wimbledon à la même période. La finale de la Coupe du monde de football a d’ailleurs été le match où EurosportBET a enregistré le plus grand nombre de paris.

A l’instar de tous les grands événements sportifs mondiaux, la Coupe du monde de football aura été l’occasion de tester les nouvelles technologies, la télévision de demain s’annonçant en relief (voir le n°14-15 de La revue européenne des médias, printemps-été 2010). Canal+ a lancé à cette occasion sa chaîne 3D+, qui a proposé une dizaine de matchs en direct et en relief, tandis que TF1 a diffusé cinq rencontres en relief. Embryonnaire, le marché de la télévision 3D relief devrait se développer dès 2010-2011 : selon GFK, 11 000 téléviseurs 3D relief ont été vendus en France, en mai et juin 2010, à l’occasion de la Coupe du monde.

Le coût des droits, élevé en Europe, se caractérise par de fortes disparités

Ailleurs en Europe, des dispositifs similaires ont été mis en place, l’enjeu pour les chaînes ayant été à chaque fois d’optimiser au mieux le différentiel entre les recettes publicitaires et les droits payés pour accéder aux matchs. Parmi les grands pays européens, l’Espagne est celui qui s’en sort le mieux : vainqueur de la Coupe du monde, son équipe aura été la mieux exposée à l’antenne alors que les droits cédés par la FIFA l’ont été pour moins de 100 millions d’euros. En comparaison, les droits de la Coupe du monde pour l’Allemagne ont rapporté 250 millions d’euros à la FIFA, partagés entre ARD, ZDF et SkyDeutschland (ex-Premiere).

Au Royaume-Uni, BBC et ITV ont déboursé 200 millions d’euros pour diffuser la Coupe du monde et la RAI, qui a diffusé la Coupe en Italie, a dû dépenser 175 millions d’euros, son équipe – comme celle de France – ayant été éliminée dès les matchs de poules.

Sources :

  • « TF1 cherche à partager la diffusion des matchs du Mondial de football 2010 », Guy Dutheil, Le Monde, 16 novembre 2009.
  • « Mondial : les télés dans les starting-blocks », Paule Gonzalès, Le Figaro, 17 février 2010.
  • « Les chaînes télé peaufinent leurs dispositifs pour la Coupe du monde », Sandrine Cassini, La Tribune, 21 mai 2010.
  • « Coupe du monde de football : les chaînes fourbissent leurs armes publicitaires », Paule Gonzalès, Le Figaro, 7 juin 2010.
  • « Les bonnes affaires de la Coupe du monde de football », Guy Dutheil et Laurence Girard, Le Monde, 8 juin 2010.
  • « Records d’audience en vue pour la Coupe du monde sur Internet », Nicolas Rauline, Les Echos, 9 juin 2010.
  • « La défaite des Bleus forceTF1 à réviser ses prévisions de recettes publicitaires », Paule Gonzalès, Le Figaro, 24 juin 2010.
  • « Deux millions de Français ont vu la Coupe du monde sur un mobile, 8 % sur Internet », Sandrine Cassini, La Tribune, 8 juillet 2010.

– « La Coupe du monde a confirmé la croissance de l’audience mon- diale du football », P.B., Les Echos, 12 juillet 2010. – « Bon démarrage pour les téléviseurs en relief », Mark Cherki, Le Figaro, 13 juillet 2010.
– « La Coupe du monde redonne confiance à TF1 », Paule Gonzalès, Le Figaro, 13 juillet 2010. – « Les paris sportifs dopés par la Coupe du monde de football », Mathilde Visseyrias, Le Figaro, 14 juillet 2010.

Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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