The Evolution of News and the Internet, OECD Report

Qu’en est-il du développement l’information en ligne et dans quelles mesures change-t-il la façon dont les utilisateurs ont accès à l’information ? Quels sont les nouveaux modèles d’affaires engendrés par la production et la distribution de l’information en ligne ? Quels en sont les opportunités et les enjeux ? Quelles sont les stratégies et les politiques économiques mises en place ? Autant d’interrogations auxquelles tente de répondre le rapport de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) intitulé « L’avenir de l’information et d’Internet » qui décrit et analyse la situation de l’industrie de la presse dans le monde.

La crise de la presse touche l’ensemble des pays développés. Après de nombreuses années de croissance, les entreprises de presse, dans la plupart des pays de l’OCDE, subissent une baisse de leurs revenus en provenance de la publicité et une réduction significative du nombre de titres de journaux (à l’exception notamment de la Turquie, de l’Irlande et du Portugal) ainsi que de leur diffusion. En déclin depuis 2004, proche de zéro en 2007, la croissance du marché de la presse est négative depuis 2008. La presse d’information générale comme la presse régionale et locale ont été particulièrement touchées. 2009 fut « la pire année » pour l’ensemble des journaux des pays de l’OCDE. Entre 2007 et 2009, le marché des journaux a chuté de 30 % aux Etats-Unis, 21 % au Royaume-Uni, 20 % en Grèce, 18 % en Italie, 17 % au Canada, et 16% en Espagne. Trois pays ont subi un recul moins sévère : l’Autriche (-2 %), l’Australie (-3 %) et la France (-4 %).

Le marché de la presse est un marché à double face qui tire l’essentiel de ses revenus, d’un côté, de la vente à ses lecteurs et, de l’autre, de la publicité. En moyenne, sur l’ensemble des pays étudiés, la publicité contribue à hauteur de 57 % au chiffre d’affaires de la presse imprimée, contre environ 43 % en provenance des ventes. La presse de certains pays se trouve plus exposée que d’autres aux fluctuations du marché publicitaire, car les revenus qui en sont issus y sont prédominants, comme aux Etats-Unis (87 % du chiffre d’affaires), au Luxembourg (77 %) ou au Canada (77 %), alors que leur proportion est moindre dans d’autres pays tels que les Pays-Bas (45 %), le Danemark (38 %) ou le Japon (35 %). Ainsi, la crise a affecté plus durement les journaux américains que les journaux européens dans leur ensemble.

Tandis que les investissements publicitaires dans la presse baissaient tout au long de la dernière décennie dans la plupart des pays de l’OCDE, la part de la publicité dans les revenus des journaux progressait avant le déclenchement de la crise économique et ce, dans plus de la moitié des pays, les revenus de la publicité ayant augmenté significativement entre 2004 et 2007 voire 2008 pour certains. Certains pays ont souffert avant les autres de l’inflexion du marché de la publicité : dès 2000 pour le Danemark, la France, les Etats-Unis, le Japon, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, tandis que d’autres comme le Canada, la Finlande, l’Italie et l’Espagne n’en ont ressenti les effets qu’à partir de 2007. En outre, les revenus de la publicité en ligne ne représentent que 4 % du chiffre d’affaires de la presse en 2009, année durant laquelle ils ont chuté fortement. D’une manière générale, cette nouvelle ressource est encore infime pour les journaux, comparée aux revenus de la publicité en ligne d’autres industries de contenus numériques.

La presse imprimée a perdu également du terrain du côté de ses lecteurs. Environ 20 pays sur les 31 étudiés ont subi une baisse de leur lectorat, liée notamment à la désaffection des jeunes pour le média imprimé au profit d’Internet. Les journaux ont également souffert de la concurrence des nouveaux venus sur son marché comme les journaux gratuits, les nouvelles chaînes de télévision et stations de radio ainsi que certains sites web.

Une autre caractéristique de la presse imprimée réside dans la prédominance de ses coûts fixes. Selon le rapport de l’OCDE, hors des coûts rédactionnels, les dépenses liées à l’administration, à la production, à la distribution et au marketing rendent les entreprises de presse plus vulnérables aux ralentissements économiques et les freinent dans leur adaptation à l’environnement numérique. Depuis 1997, les effectifs des entreprises de presse diminuent dans la plupart des pays. Les plus fortes baisses ont été enregistrées en Norvège (-53 %), aux Pays-Bas (-41 %), en Corée (-30 %) et en Allemagne (-25 %) entre 1997 et 2007. Le nombre de suppressions d’emplois s’est encore accru à partir de 2008, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en Espagne.

La crise économique mondiale n’est pas la seule responsable de la mauvaise santé des journaux. La crise de la presse est une crise de mutation. La mauvaise conjoncture économique a certes contribué à amplifier le déclin progressif du marché de la presse écrite, mais le principal défi pour les journaux réside dans son adaptation à Internet et à l’ensemble des nouvelles technologies dont celui-ci favorise l’émergence. La croissance de ces nouveaux outils d’information a radicalement changé les conditions de production et de distribution de l’information avec l’arrivée sur le marché de l’information de nouveaux acteurs comme les portails Internet, les agrégateurs de contenus, les éditeurs de presse en ligne (pure players), les applications pour les smartphones et autres tablettes numériques, le journalisme citoyen, les réseaux sociaux et les services de communication comme Twitter, qui sont autant de concurrents pour la presse traditionnelle. La lecture de la presse en ligne est une activité en pleine croissance sur Internet. Pas moins de 20 % de la population lit les journaux en ligne dans les pays de l’OCDE. Pour certains d’entre eux, cette activité concerne plus de la moitié de la population, avec un chiffre record de 77 % pour la Corée, ou encore 57 % aux Etats-Unis contre 22 % seulement en France. Les deux tranches d’âge les plus attirées par la lecture des informations en ligne sont les 16-24 ans et, plus encore, les 25-34 ans. Néanmoins, leur disposition à payer pour avoir accès à des informations en ligne est faible, même si celle-ci augmente sensiblement. En outre, la lecture sur Internet est plus occasionnelle et plus souvent déclenchée par un événement particulier que celle de la presse traditionnelle. Dans tous les pays de l’OCDE, la fréquentation des sites d’information en ligne augmente rapidement. Paradoxalement, alors que les entreprises de presse traditionnelles sont en proie à des difficultés, le public se trouve néanmoins face à une offre d’informations toujours plus abondante et diverse. Environ 5 % du trafic Internet est dirigé vers des sites d’information. Contrairement à l’édition papier des journaux, les sites web « compagnons », qui totalisent déjà des millions de visites par mois, contribuent à un élargissement notable de leur audience, en provenance souvent de l’étranger.

Avec Internet, de nouveaux modèles économiques ont été expérimentés par les journaux comme par les entreprises d’information en général. Dans un premier temps, des formules de paiement à l’acte ou de forfait ont été proposées, puis, dans un second temps, à la fin de l’année 2009, des offres de contenus en ligne spécifiques ont été élaborées, les éditeurs comptant sur une plus grande disposition de leurs lecteurs à payer pour être informé. A l’exception de quelques titres, le Wall Street Journal ou le Financial Times, les revenus supplémentaires sont restés négligeables. Les éditeurs ont également misé sur l’offre de nouveaux services à leurs lecteurs en acquérant des entreprises sur Internet. Entre 2008 et 2009, un nombre croissant de nouveaux services d’information exclusivement en ligne ont été lancés grâce à des donations et au mécénat. Aucun modèle économique n’a encore été trouvé pour financer durablement une production indépendante d’informations, ce qui pose le problème de la viabilité d’un journalisme de qualité à long terme. Selon l’OCDE, les conséquences de la mutation actuelle du paysage médiatique sur le secteur de l’information désignent deux orientations opposées. La première réside dans le fait que les offres plus décentralisées de l’information en ligne affranchiront les lecteurs des monopoles partisans qui ont tendance, sous l’effet de la concentration, à dominer la production et l’accès à l’information. La seconde montre que la disparition de médias traditionnels de l’information, due en partie à l’essor d’Internet, constitue un risque réel de perdre l’un des fondements des sociétés démocratiques. A court terme, les pays de l’OCDE ont mis en place des mesures d’urgence pour aider financièrement l’industrie de la presse en difficulté, au premier rang desquels se trouve notamment la France. Deux réflexions majeures concluent le rapport de l’OCDE. La première concerne le rôle que peuvent tenir les gouvernements afin que soit préservée une presse diversifiée et locale sans mettre en jeu son indépendance. La seconde se demande à quelles conditions et comment la production d’informations pluralistes et de grande qualité peuvent s’accommoder des seules forces du marché.

 The Evolution of News and the Internet, OECD Report, Directorate for science, technology and industry, Committee for information, computer and communications policy, 98 p., oecd.orgjune 2010.

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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