La guerre du foot entre Prisa et Mediapro n’en finit pas

Le 16 juin 2010, Mediapro, qui contrôle en Espagne les droits du foot qu’il a négociés directement auprès des clubs au détriment de Prisa, diffuseur de la ligue espagnole avec sa plateforme Digital+ (voir le n°4 de La revue européenne des médias, automne 2007), a surpris l’ensemble des clubs et de ses partenaires économiques en annonçant placer sa filiale Mediaproduccion en cessation de paiement. Celle-ci, détentrice des droits sur le football, risque donc de ne pas rémunérer les clubs espagnols dans les délais. Mais c’est surtout Prisa qui est concerné par cette décision : Mediapro a expliqué que la mise en cessation de paiement, due à un manque de liquidités, était liée au non-versement par Prisa de 90 millions d’euros pour les droits de diffusion du football lors de la saison 2010- 2011. Mediapro annonçait par ailleurs que Digital+ ne pourrait donc pas diffuser la prochaine saison de la ligue de football, les droits continuant en revanche à être disponibles pour la Sexta et Goal TV, la chaîne gratuite et la chaîne payante contrôlées par Media- pro (voir le n°8 de La revue européenne des médias, automne 2008).

A l’évidence, Mediaproduccion est dans une situation financière difficile, due à ses investissements très importants dans les droits du football, acquis ces dernières années pour 2,4 milliards d’euros. Aussi, les 90 millions d’euros dus par Prisa ne changeront pas fondamentalement les besoins de la filiale de Mediapro, le groupe étant par ailleurs débiteur vis-à-vis de Prisa. En effet, en mars 2010, le tribunal de première instance de Madrid a condamné Mediapro à verser 95 millions d’euros d’amende au profit de Prisa pour avoir diffusé, pendant un temps et en clair, les matchs de football diffusés sur Digital+ auprès d’abonnés payants. Il s’agit donc d’un jeu à somme nulle : en se mettant en cessation de paiement, Mediapro suspend son obligation à l’égard de Prisa pour un montant équivalent à ce que Prisa doit à sa filiale de droits audiovisuels. Il reste que Prisa s’appuie sur ce jugement qui, suspendu, n’en reste pas moins valable sur le fond : en condamnant Mediapro, le tribunal madrilène avait également reconnu Sogecable (filiale de Prisa contrôlant la plateforme Digital+) comme étant « le titulaire légitime des droits » de retransmission des matchs. Prisa s’est d’ailleurs engagé à verser les 90 millions d’euros à Mediapro dès que celui-ci cessera de remettre en cause la validité du jugement.

Sources :

  • « La guerre du foot oblige Mediapro à placer sa filiale de droits télé en cessation de paiements », G.S., Les Echos, 17 juin 2010.
  • « Télévision : la “guerre du foot” inquiète les clubs espagnols », AFP, 27 juin 2010.
  • « Espagne : demi-victoire de Prisa sur Mediapro dans la “guerre du foot” », La Correspondance de la Presse, 28 juin 2010.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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