Financée par le programme Safer Internet de la Commission européenne, cette enquête sociologique a été réalisée par le réseau scientifique européen EU Kids Online, avec la coordination de la London School of Economics. Des équipes de chercheurs de 25 pays y ont contribué, dont le CNRS pour la France. Basée sur un échantillon de 25 140 internautes de 9 à 16 ans interrogés, et de leurs parents, cette enquête a été réalisée au cours du printemps et de l’été 2010 et porte sur les dangers associés à Internet pour la jeunesse.
Concernant les usages d’Internet, les statistiques de cette enquête à grande échelle montrent avant tout qu’Internet fait complètement partie du quotidien des enfants européens : 93 % des jeunes de 9 à 16 ans se connectent au moins une fois par semaine et 60 % tous les jours ou presque. L’âge moyen pour la première connexion est particulièrement précoce dans les pays d’Europe du Nord (7 ans au Danemark et en Suède) et cet âge tend encore à baisser dans l’ensemble des pays. Un tiers des internautes européens de 9-10 ans se connectent tous les jours, comme 80 % des 15-16 ans. Utilisé surtout à la maison (87 %) et à l’école (63 %), Internet est également accessible aux enfants dans leur chambre à coucher (49 %) et par l’intermédiaire d’un terminal portable (33 %). Dans leur grande majorité les 9-16 ans utilisent Internet pour leur travail scolaire (85 %), pour jouer (83 %), regarder des clips vidéo (76 %) et pour la messagerie instantanée (62 %). Près de 60 % d’entre eux ont un profil sur un réseau social : 26 % des 9-10 ans, 49 % des 11-12 ans, 73 % des 13-14 ans et 82 % des 15-16 ans. L’usage des réseaux sociaux est particulièrement populaire auprès des enfants néerlandais, danois et lituaniens ; il l’est moins pour les jeunes roumains, turcs et allemands. En outre, 26 % des jeunes européens ont un profil public, c’est-à-dire accessible à tout le monde.
Concernant les risques et leurs nuisances liés à l’usage d’Internet, l’enquête distingue différentes catégories : la pornographie, le harcèlement, la réception de message à caractère sexuel, les contacts avec des inconnus, la lecture de contenus dangereux et le détournement de données personnelles. Plus de 40 % des internautes âgés de 9 à 16 ans ont été exposés à au moins un de ces risques et le pourcentage augmente avec l’âge : 14 % des 9-10 ans, 33 % des 11-12 ans, 49 % des 13-14 ans et 63 % des 15-16 ans. Le risque le plus répandu est la communication en ligne avec des personnes inconnues : 30 % des internautes de 9 à 16 ans ont vécu cette expérience qui peut être perçue comme risquée mais aussi amusante.
L’étude révèle pourtant que la plupart des enfants disent surfer sans que cela génère pour eux des problèmes ou des inquiétudes quelconques. Seuls 12 % des internautes âgés de 9 à 16 ans (9 % des 9-10 ans) disent avoir été ennuyés ou tracassés par quelque chose sur Internet. Les risques encourus ne sont pas forcément vécus par les enfants comme des expériences traumatisantes. Si 14 % des 9-16 ans ont vu des images pornographiques ou à caractère sexuel sur Internet, ou encore si 9 % ont eu rendez-vous avec une personne qui les avait rencontrés sur Internet, peu d’entre eux considèrent qu’il s’agit là d’expériences difficiles, soit respectivement 33 % et 1 % pour chacun des deux cas cités. Le harcèlement en ligne par des messages blessants ou agressifs, concerne 6 % des enfants, c’est le risque qu’ils ressentent comme le plus douloureux.
L’autre enseignement de cette enquête est la sous-estimation par les parents des risques encourus par leurs enfants : 40 % des parents des 9-16 ans qui ont vu des images sexuelles et 56 % des parents dont les enfants ont reçu des messages agressifs pensent que cela ne leur est pas arrivé. Les parents sont également nombreux à ignorer que leurs enfants ont reçu des messages sexuels (52 %) ou qu’ils ont rencontré une personne connue par Internet (61 %). Pourtant la plupart des parents (70 %) déclarent parler avec leurs enfants de ce qu’ils font sur Internet, plus de la moitié d’entre eux (56 %) leur donnent des conseils sur la façon de communiquer en ligne. Seuls 28 % des parents utilisent des dispositifs techniques de contrôle et 24 % regardent tout simplement l’historique de navigation de leurs enfants. La plupart des parents (73 %) pensent qu’il est « peu probable » ou « pas du tout probable » qu’il arrive quelque chose à leur enfant sur Internet dans les six prochains mois.
En matière de sécurité sur Internet, les enfants prennent des conseils auprès de leurs parents (63 %), de leurs enseignants (58 %) et de leurs amis (44 %). Les adolescents les plus âgés et ceux ayant des origines sociales modestes s’adressent plus souvent aux enseignants qu’à leurs parents. En guise de conclusion, les auteurs de cette étude invitent la Commission européenne à encourager l’éducation des enfants, comme celle des parents et le développement d’outils de contrôle parental.
Risks and safety on the internet : The perspective of European children, Full Findings, Sonia Livingstone, Leslie Haddon, Anke Görzig and Kjartan Ólafsson, LSE, London : EU Kids Online, 171 p., lse.ac.uk, January 2011