En Belgique et au Royaume-Uni, le foot se joue en clair

La justice européenne a confirmé le bien-fondé de l’autorisation donnée par la Commission européenne à la Belgique et au Royaume-Uni de considérer l’Euro et la Coupe du monde de football comme des événements d’importance majeure pour la société. Cette décision implique que les compétitions doivent être retransmises à la télévision sans exclusivité, c’est-à-dire en clair, ce que contestaient l’UEFA et la FIFA, qui espéraient céder une partie de leurs droits aux chaînes payantes de chacun de ces deux pays.

Le 17 février 2011, le Tribunal de première instance de l’Union européenne a confirmé le droit, pour les pays de l’Union, d’interdire la retransmission payante et exclusive des matchs pour la Coupe du monde de football, organisée par la Fédération internationale de football (FIFA), et pour la Coupe d’Europe de football, organisée par l’Union des associations européennes de football (UEFA). Cette décision de la justice européenne fait suite aux poursuites engagées par la FIFA et l’UEFA contre deux États membres, la Belgique et le Royaume-Uni, lesquels ont considéré la Coupe du monde de football comme un événement d’importance majeure pour la société, donc devant être retransmis en clair à la télévision, la Belgique ayant par ailleurs inscrit également la Coupe d’Europe (Euro) parmi les événements d’importance majeure. En vertu de la directive du 3 octobre 1989 relative à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle, les États membres peuvent, en effet, interdire la retransmission exclusive des événements revêtant une « importance majeure pour leur société », si cette retransmission exclusive prive une partie importante du public de l’accès aux images, ce qui est le cas par exemple quand un événement est retransmis sur une chaîne payante. Pour éviter les abus, les États membres communiquent pour validation à la Commission européenne la liste des événements jugés d’importance majeure ; la Belgique et le Royaume-Uni ayant inscrit la Coupe du monde et la Coupe d’Europe de football parmi ces événements d’importance majeure, la Commission européenne a accepté cette décision que contestaient l’UEFA et la FIFA.

Dans son verdict, le Tribunal de première instance a considéré que la Commission européenne n’a pas commis d’erreur en autorisant la Belgique et le Royaume-Uni à considérer les compétitions comme des événements d’importance majeure pour la société, rappelant que ces compétitions ont une importance pour les citoyens et non pour les seuls amateurs de football. Dans ce cas, « le droit à l’information » et « la nécessité d’assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées de ces événements » l’emportent sur la liberté de prestation de services et la liberté d’établissement, c’est-à-dire sur la liberté commerciale revendiquée par la FIFA et l’UEFA. Ces dernières souhaitaient vendre leurs droits également aux chaînes payantes, lesquelles ont plus de moyens et sont prêtes à miser sur des exclusivités coûteuses pour fidéliser leurs abonnés. Avec cette décision, la vente des droits de diffusion des matchs de l’Euro et de la Coupe du monde risque probablement d’être moins lucrative, d’autant que le Tribunal de première instance a également refusé la possibilité de « saucissonner » les droits de diffusion, en laissant certains matchs en clair quand d’autres pourraient être réservés aux chaînes payantes.

Le Tribunal a considéré chaque compétition comme un tout en refusant de séparer de l’ensemble des rencontres les matchs dits « prime » ou « gala » (demi-finale, finale, ouverture de la compétition, matchs de l’équipe nationale), traditionnellement en clair. Pour le Tribunal, les autres rencontres peuvent avoir une incidence sur la valeur des matchs « prime » ou « gala » à l’issue de la compétition, par exemple suivre en amont le parcours du pays qui affrontera l’équipe nationale si celle-ci se qualifie pour la finale, et donc susciter de la même manière l’intérêt du public. Comme « il ne peut être déterminé à l’avance, […] quels matchs seront vraiment décisifs pour les étapes ultérieures de ces compétitions ou ceux qui auront un impact sur le sort d’une équipe nationale donnée », l’inscription d’une compétition comme événement d’importance majeure impose donc que celle-ci soit accessible sans exclusivité pour l’ensemble des matchs et non pour les seuls matchs « prime » ou « gala ».

Sources :

  • « Foot : les télés payantes peuvent être privées de Mondial », AFP, 17 février 2011.
  • « Un État peut interdire la retransmission exclusive des matchs de Coupe du monde et de l’Euro par les payantes, selon la justice européenne », La Correspondance de la presse, 18 février 2011.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici