Les numéros 3 et 4 du marché mondial de la musique, après Universal Music Group et Sony Music, ont changé de mains : le fonds Terra Firma a renoncé au sauvetage d’EMI, repris par Citygroup, qui a vocation à céder la major, alors que Warner Music, racheté par Access Industries, pourrait de nouveau tenter de s’emparer d’EMI.
Après avoir échoué à récolter auprès des investisseurs du fonds Terra Firma quelque 360 millions de livres pour permettre à EMI de faire face aux échéances de remboursement de sa dette (voir REM n°14-15, p.40), Guy Hands, le patron de Terra Firma, a finalement obtenu, le 14 mai 2010, 105 millions de livres (122 millions d’euros) de ses actionnaires pour rembourser l’échéance prévue au 14 juin 2010. Cette somme a permis à EMI de tenir ses engagements à l’égard de Citigroup, auprès duquel la major a été endettée à l’occasion de son rachat en 2007 en leverage buy out (LBO). Le plan de sauvetage d’EMI, proposé par Guy Hands, comportait alors un second tour afin d’obtenir les 255 millions de livres supplémentaires qui auraient permis à EMI de bénéficier de cinq années de visibilité financière, malgré le fardeau de sa dette, qui s’élève à 2,6 milliards de livres à l’égard de Citigroup. Entre-temps, la situation s’est de nouveau compliquée pour EMI, qui a perdu son procès contre Citigroup en novembre 2010. EMI reprochait à Citigroup de lui avoir menti au moment du rachat en avançant l’existence d’un autre repreneur potentiel pour faire monter les enchères. Cette nouvelle difficulté sur la route d’EMI aura sans aucun doute incité les actionnaires de Terra Firma à refuser un nouveau plan de refinancement pour faire face à une nouvelle échéance de remboursement au 31 mars 2011. Finalement, le 1er février 2011, Guy Hands a abandonné la partie et Citigroup est devenu le premier actionnaire d’EMI en reprenant 65 % de la dette de la major, qui est ainsi passée de 3,4 milliards de livres au 31 janvier 2011 à 1,2 milliard de livres au 1er février. Citigroup doit désormais se rembourser en cédant EMI, probablement à l’occasion d’un découpage de la major, l’activité musique enregistrée pouvant intéresser Warner Music et l’activité édition musicale des fonds d’investissement ou BMG Rights, la division édition musicale de Bertelsmann et du fonds KKR, créée en 2008 à la suite de la cession de BMG.
Paradoxalement, un rachat d’EMI par Warner Music, même s’il est envisagé depuis une tentative avortée en 2000, semble difficile à court terme. En 2007, Warner Music avait déjà offert 3,1 milliards de dollars pour le rachat d’EMI, qui avait refusé. Et la situation s’est entre-temps détériorée chez Warner Music. En effet, la major a ouvert, en février 2011, une négociation pour le rachat de tout ou partie de ses actifs, rachetés par Edgar Bronfman Jr. et un consortium d’investisseurs en 2003 pour 2,6 milliards de dollars. Le 6 mai 2011, Access Industries, propriété du milliardaire russe Len Blavatnik, qui détient déjà 2 % de Warner Music, proposait 3,3 milliards de dollars pour la major, une offre acceptée par trois actionnaires importants représentant 56 % du capital. Access Industries offre une prime de 34 % par rapport au cours de Bourse de Warner Music sur les six derniers mois, une contre-offre n’étant toutefois pas à exclure. Warner Music bénéficie en effet de bons résultats, avec une chute de son chiffre d’affaires de 15 % en six ans, contre 30 % en moyenne pour le secteur. Par ailleurs, les effectifs de Warner Music sont passés de 5 100 à 3 700 salariés depuis le rachat de 2003 pour limiter au maximum ses coûts fixes.
Si le rachat est accepté par les actionnaires de Warner Music, Access Industries pourrait ensuite s’emparer d’EMI auprès de Citigroup pour fusionner les numéros 3 et 4 mondiaux du disque, poursuivant ainsi la stratégie de concentration du secteur après la fusion entre Sony Music et BMG en 2004 (voir REM n°2-3, p.37). Warner Music intégrerait également un conglomérat dans les médias, Access Industries étant propriétaire de Top Up TV, le service britannique de vidéo à la demande, du producteur audiovisuel russe Amedia et de l’opérateur mobile scandinave ice.net
Sources :
- « Terra Firma donne un répi à EMI », N.S., Les Echos, 17 mai 2010.
- « EMI sauvé temporairement du dépôt de bilan par le fonds Terra Firma », Eric Albert, La Tribune, 17 mai 2010.
- « Perspectives assombries pour le britannique EMI », G.P., Les Echos, 8 novembre 2010.
- « EMI, deux mois pour échapper à ses créanciers », Eric Albert, La Tribune, 21 janvier 2011.
- « EMI sous le contrôle de Citigroup », G.P., Les Echos, 2 février 2011.
- « Warner Music ouvre les négociations pour son rachat », P.G., Le Figaro, 22 février 2011.
- « Warner Music, Blavatnik propose 3,3 milliards », Emmanuel Torregano, Electron Libre, 6 mai 2011.
- « Warner Music rachetée pour 3,3 milliards de dollars », La Tribune avec Reuters, 6 mai 2011.
- « Le rachat de Warner Music par le milliardaire Len Blavatnik pourrait faire l’objet d’une contre-offre », Pierre de Gasquet, Les Echos, 9 mai 2011.