Par une décision sans précédent, l’office anticartel allemand a autorisé la fusion des numéros 2 et 3 du câble en Allemagne, ouvrant la voie à la consolidation du marché alors même que Liberty Global avait dû renoncer, en 2002, à prendre le contrôle de Kabel Deutschland, le numéro 1 du marché allemand du câble.
Après l’annonce, le 21 mars 2011, du rachat par Liberty Global de KBW, le numéro 3 allemand du câble, les autorités européennes de la concurrence avaient confié à l’autorité nationale de concurrence, le Bundeskartelamt, le soin de juger des effets de la fusion sur le marché allemand (voir REM n°20, p.29). Pointant les risques sur le marché national de la fourniture en gros de services de télévision et sur le marché de la fourniture de services de télévision en clair pour les immeubles, l’Autorité européenne de la concurrence avait fait part d’interrogations que l’Office anticartel allemand a étudiées. En effet, réparti entre trois principaux acteurs, Kabel Deutschland, Unitymedia, détenu par Liberty Global depuis 2010 (voir REM n°13, p. 4 et REM n°18-19, p.24), ainsi que KBW, le marché allemand du câble a ceci de particulier qu’il repose sur des zones distinctes contrôlées chacune par un opérateur unique, aucun n’étant donc véritablement concurrencé sur son territoire, une situation qui avait conduit les autorités européennes à pointer une éventuelle « coordination entre les opérateurs ».
Le 28 octobre 2011, le Bundeskaterlamt confirmait à son tour que la fusion rencontrait certaines difficultés. S’appuyant sur le constat de l’absence de concurrence sur le marché des équipements des immeubles, l’office anticartel allemand notait que la fusion aurait pour conséquence de rendre la concurrence encore plus improbable si le marché passait de trois à deux câblo-opérateurs. Finalement, malgré ses inquiétudes, le Bundeskartelamt aura entériné le partage du territoire entre les différents câblo-opérateurs en autorisant sous conditions, le 15 décembre 2011, le rachat de KBW par Liberty Global pour 3,16 milliards d’euros. L’office anticartel a ainsi imposé à Liberty Global de ne pas crypter le signal de la télévision numérique en clair et d’autoriser de potentiels concurrents à concourir pour le raccordement des immeubles où il serait déjà présent, c’est-à-dire notamment Deutsche Telekom avec son offre de télévision par ADSL. Grâce à ces concessions, Liberty Global s’approche ainsi de son rival Kabel Deutschland, dix ans après avoir échoué à le racheter en 2002. Le nouvel ensemble cumulera en effet quelque 7 millions d’abonnés, contre 12 millions pour Kabel Deutschland. Liberty Global pourrait, à l’avenir, chercher à s’emparer de Kabel Deutschland afin de consolider définitivement le marché allemand du câble, le dernier grand câblo-opérateur étant Tele Colombus GmbH et ses 2 millions d’abonnés.
A la faveur de l’autorisation historique du Bundeskartelamt, la consolidation devrait donc se poursuivre, les derniers câblo-opérateurs indépendants devenant désormais un moyen pour les deux géants de mieux verrouiller leur base d’abonnés. Kabel Deutschland aurait notamment intérêt à s’emparer de Tele Colombus GmbH comme de Primacom, ce dernier couvrant la région de Leipzig. En effet, les deux groupes contrôlent des enclaves au cœur de la zone d’influence géographique de Kabel Deutschland.
Sources :
- « Allemagne : objections de l’Office anti-cartel au rachat du câblo-opérateur Kabel BW par le groupe américain Liberty Global », La Correspondance de la Presse, 3 novembre 2011.
- « Libery Global to buy Kabel Baden-Württemberg », Gerrit Wiesmann, Financial Times, 15 décembre 2011.
- « Liberty Global Gets Antitrust Approval to Buy Kabel BW », Tom Lavell, David Risser, Business Week, 15 décembre 2011.