Nouvelle formule éditoriale à mi-chemin entre le magazine et le livre. Contraction des mots « magazine » et « book », le néologisme « mook », à l’intonation marketing, est une revue au contenu accessible au plus grand nombre, contrairement aux revues traditionnelles, littéraires, politiques ou académiques, destinées à un public d’initiés. Le mook ou encore mag-book a cependant adopté certaines de leurs caractéristiques telles que la périodicité (trimestrielle) ; une pagination importante (150 à 200 pages) ; un prix de vente approchant celui du livre (15 à 20 euros) ; sans publicité avec une distribution exclusivement en libraire. Cependant ce qui éloigne certainement davantage cette nouvelle famille de publications de la presse magazine pour la rapprocher de l’édition tient à la dimension littéraire de leur contenu qui privilégie les articles longs. Soutenu par une mise en page sophistiquée, ce genre nouveau de publication renoue avec le récit journalistique et fait la part belle à la photographie. Si le concept est originaire du Japon, le terme mook a été choisi par les Editions Autrement pour baptiser leur collection de « livres-magazines » créée en janvier 2008.
Phénomène de mode ou véritable nouveau marché dans le secteur de la presse d’information, de nombreux titres ont été créés ces cinq dernières années, reprenant à leur manière le concept de la revue XXI, première du genre, lancée en janvier 2008 par Laurent Beccaria à la tête des éditions Les Arènes et par le journaliste Patrick de Saint-Exupéry (prix Albert Londres), et qui est entièrement dévolue aux grands reportages. Après cinq années d’existence, le succès rencontré par XXI, avec son format à l’italienne, ne se dément pas, avec une diffusion de 50 000 exemplaires, soit le double du seuil de rentabilité fixé à 25 000 ventes par numéro. Fortes de cette réussite pour le moins inattendue au sein d’un marché de la presse d’information en berne, les éditions Les Arènes ont édité au début de l’année 2011 une revue semestrielle consacrée au photo-journalisme baptisée 6 mois dont la diffusion, de l’ordre de 30 000 exemplaires, témoigne d’un nouveau pari gagné, d’ailleurs en passe d’être tenté avec des éditions en langue étrangère.
Les fondateurs de XXI ont sans nul doute ouvert un marché sur lequel se sont engouffrés pas moins d’une dizaine de titres sur des thèmes variés. A commencer dès 2010 par le trimestriel culturel féminin Muze des éditions Bayard et Usbek & Rica, mook « qui explore le futur » de Jérôme Ruskin (passé au format magazine, vendu en kiosque depuis janvier 2012). Ont été notamment créés au cours de l’année 2011, Alibi consacré aux romans policiers, Schnock aux cultures populaires « des vieux de 27 à 87 ans », Feuilleton à la traduction de grands reportages parus dans des magazines étrangers. En 2012, sont sortis Crimes et Châtiments dédié aux faits divers, Hobo by L’Équipe au sport, We demain au changement d’époque, The Believer à la littérature. Un format que France Culture a également retenu en lançant France Culture papiers en février 2012, afin d’exploiter autrement les 2 200 heures que diffuse chaque trimestre la radio du secteur public. Jouant pleinement la complémentarité du son et de l’écrit, les articles comportent un code 2D (code graphique, voir REM n°12, p.40) permettant d’écouter à l’aide d’un smartphone les émissions radiophoniques auxquelles ils font référence. Une niche éditoriale sur laquelle mise aussi le groupe L’Express-Roularta en éditant l’été 2012 un mook baptisé Long cours sur le thème du voyage. Désormais, il n’est pas rare de trouver un espace réservé aux mooks dans les librairies.
A l’heure où le numérique bouleverse l’écrit en lui imposant sur le Web l’instantanéité de l’audiovisuel, ces nouvelles revues renouent avec une tradition journalistique bien française alliant littérature et journalisme. Ainsi le mook reflète-il peut-être l’envie qu’auraient aujourd’hui en commun journalistes et lecteurs, celle de prendre leur temps à enquêter et à écrire pour les premiers, à lire et à comprendre pour les seconds.