Nomophobie

Néologisme issu de la traduction de l’expression « No mobile phobia », apparue au Royaume-Uni en 2008, pour désigner un sentiment d’angoisse déclenché à l’idée d’être privé de son téléphone portable. Publié en février 2012, un sondage réalisé par la société SecurEnvoy révèle que 66 % des utilisateurs de téléphone portable au Royaume-Uni déclarent être « très angoissés » à l’idée de le perdre. Cette nomophobie concernerait 76 % des jeunes de 18 à 24 ans : une pathologie qui explique peut-être que 40 % des personnes interrogées possèdent deux téléphones portables.

Cette forme d’addiction aurait débuté avec l’arrivée des SMS, au point de qualifier de « génération des pouces » ceux des utilisateurs de téléphone portable qui tapotent sans cesse sur leur clavier. Un trouble psychologique qui pourrait devenir endémique avec la généralisation de l’usage des smartphones et des forfaits offrant un accès Internet illimité. Née en 2011, l’expression Fomo pour « Fear of missing out » désigne déjà la peur de manquer quelque chose sur les réseaux sociaux, lesquels incitent leurs adeptes à une mise à jour et à une consultation permanentes.

Selon un sondage réalisé en mars 2012 par la société Mingle, il est « impossible » de passer plus d’une journée sans téléphone portable pour 22 % des Français interrogés et pour 34 % des 15-19 ans, alors que 29 % des sondés déclarent qu’ils y parviendraient, « mais difficilement », et 49 % « sans problème ». Une autre enquête menée dans six pays européens, publiée en avril 2012 par la société Kaspersky Lab., indique que le smartphone fait partie de la liste des objets nécessaires dans la chambre à coucher, après le réveil ou le livre, mais avant la télévision. Ainsi, 20 % des Français prennent leur téléphone portable pour aller dormir, tout comme 22 % des Britanniques, 19 % des Portugais, 18 % des Allemands, 16 % des Italiens et des Espagnols.

Une enquête réalisée par Ipsos pour Google, publiée en mai 2012, indique que 38 % des Français sont équipés d’un smartphone contre 27 % un an aupa- ravant. Près d’un quart des possesseurs de smart- phone déclarent qu’ils se passeraient plus facilement de leur téléviseur que de leur portable et 77 % ne sortent jamais sans. Cette forme de dépendance peut s’expliquer par l’usage multifonc- tion des smartphones, à la fois carnet d’adresse, agenda, portefeuille, bureau en ligne, répertoire de musique, de jeux, album photos… Perdre son portable, c’est perdre la possibilité de tout contact avec les autres, mais c’est aussi perdre ses affaires. La peur du manque est liée à cette nouvelle addiction à la technologie invitant les internautes à être connectés en permanence, à vérifier leur portable à chaque instant et à prendre l’habitude de faire plu- sieurs choses en même temps.

Près des trois quarts des internautes français (73 %) déclarent « ne plus pouvoir se passer d’Internet dans la vie de tous les jours », selon un sondage de l’institut Ifop pour l’Observatoire Netexplo en février 2012, un sentiment que partagent plus particulièrement les cadres et les 15-24 ans. Ce résultat n’apparaît pas surprenant quand on sait que 85 % des internautes français se connectent tous les jours, 63 % d’entre eux plusieurs fois par jour et que pour 51 % des personnes interrogées « avec Internet on se sent plus intelligent ». Néanmoins, 77 % des internautes français se sentent « plus surveillés avec Internet ».

Le phénomène est à prendre au sérieux. Dans les hôpitaux, les services d’addictologie soignent les effets de la cyberdépendance, tandis qu’en ville, des spécialistes aident à lutter contre « l’hypersollicitation ».Près d’un tiers des internautes « multiconnectés » passent plus de quatre heures par jour sur Internet. Certains rêvent de lutter collectivement contre le surmenage technologique généralisé, à l’instar de l’écrivain Phil Marso, à l’origine des Journées mondiales sans téléphone portable (6-8 février), lancées il y a dix ans. Conscients des méfaits du flux permanent sur leur vie quotidienne, notamment sur leur capacité de concentration, d’autres tentent individuellement d’y échapper en réapprenant à vivre déconnectés, ne serait-ce que pendant les repas. Le temps passé sur l’Internet mobile ne cesse de croître. Dans l’hyperconnectivité ambiante présentée comme un luxe, rester maître de son temps de connexion devient un apprentissage.

Ingénieur d’études à l’Université Paris 2 - IREC (Institut de recherche et d’études sur la communication)

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