Popularisé par l’arrivée des smartphones, puis des tablettes, et leurs plates-formes de téléchargement appelées magasins d’applications (apps store), au premier rang desquelles figure l’App Store d’Apple pour iPhone ou iPad, le terme « application mobile » désigne un programme informatique correspondant à une fonctionnalité activée grâce à une icône affichée sur l’écran tactile d’un téléphone portable ou d’une tablette. Les abréviations « appli » en français et « apps » en anglais sont couramment utilisées. La liste des usages est infinie. Citons, pour les médias, la diffusion de fils d’informations, de contenus audiovisuels, de services interactifs, de jeux ou encore l’accès aux archives et à l’édition du jour d’un quotidien. Parmi l’ensemble des applications mobiles, la distinction doit être faite entre les applications dites natives (native apps), communément désignées « applications » et les applications web (web apps). Elles correspondent, chacune, à une approche particulière du développement de services sur les terminaux portables. En quelque sorte, les applications natives et les applications web sont au téléphone portable ce que le logiciel Word de Microsoft et Google Document sont au traitement de texte sur un ordinateur. L’un est installé sur la machine de l’utilisateur et l’autre est accessible via un logiciel de navigation sur le Web. Les applications natives s’appuient sur un modèle économique fermé, tandis que les applications web renvoient au modèle ouvert de l’Internet fixe.
Téléchargées à partir de magasins d’applications et installées sur un terminal portable, les applications natives sont propres à un système d’exploitation et fonctionnent uniquement sur les appareils qui en sont équipés. C’est le cas bien connu des applications mobiles téléchargées gratuitement ou vendues sur l’App Store pour les terminaux iPhone ou iPad, équipés d’iOS, le système d’exploitation d’Apple. Il en va de même pour Google, avec Google Play qui propose, en téléchargement gratuit ou payant, des applications compatibles uniquement avec les appareils munis de son système d’exploitation, Android. Il existe aujourd’hui environ une dizaine de systèmes d’exploitation majeurs pour terminaux portables et une soixantaine de fabricants, les plus importants proposant chacun leur magasin d’applications (Blackberry App World, Samsung Apps, Ovi Store …). Stockée sur le téléphone portable, chaque application native donne un accès rapide à un service ou à un contenu, délivré directement sur le terminal de l’utilisateur, puis consulté, le cas échéant, sans connexion au réseau. Gratuites ou payantes, les applications sont aussi freemium. Une application freemium est téléchargée gratuitement mais elle comporte des options payantes, baptisées in apps. Il est ainsi possible de vendre des contenus ou des services au sein d’une application (in app purchase), sans avoir à passer par la boutique en ligne. Afin d’être accessibles sur les principales plates-formes d’applications existantes, les éditeurs de contenus pour les terminaux portables doivent développer autant d’applications natives qu’il existe de systèmes d’exploitation. Ces plates-formes d’applications correspondent à un modèle fermé dont les règles de fonctionnement sont établies par leur gestionnaire. Ainsi, un prélèvement de 30 % des revenus générés est effectué pour frais d’hébergement et de facturation. Les gestionnaires de plates-formes peuvent se réserver également le droit de refuser certaines applications ou encore d’imposer des conditions particulières d’utilisation. La politique menée par Apple à l’encontre des éditeurs de presse concernant notamment la commercialisation des abonnements sur iPhone ou iPad en est le meilleur exemple (voir REM n°21, p.17).
Contrairement à une application native, une application web est accessible par le Web, via un logiciel de navigation, quel que soit le système d’exploitation du téléphone portable utilisé. Une application web permet à un éditeur de contenus ou de services de répliquer, sur l’Internet mobile, le modèle de l’Internet fixe, à savoir un système ouvert, non affilié à une plate-forme ou à un système d’exploitation particulier. Il faut rappeler qu’avant même le déploiement de l’Internet mobile, les principaux usages développés sur le Web, moteur de recherche, webmail, jeux en ligne, Google Maps ou encore Facebook, sont des applications web, accessibles grâce à un navigateur, depuis n’importe quel ordinateur. Mises à la disposition des internautes sur des serveurs, elles fonctionnent sur le mode du Software as a Service (SaaS) de l’informatique en nuage (cloud computing, voir REM n°9, p.43). Il en va de même pour une application web dans l’univers de l’Internet mobile. Hébergée sur un serveur, une application web pour les terminaux portables ne nécessite pas de téléchargement, contrairement à une application native. Elle fonctionne uniquement en mode connecté et elle est mise à jour sans intervention de l’utilisateur. Contrairement à une application native fermée sur elle-même, une application web offre une navigation libre sur le site web mobile auquel elle donne accès depuis une page web, un moteur de recherche, ou une URL (www…). Lorsque le site internet mobile d’un éditeur de contenus a la même adresse (URL) que celle de son site internet fixe, la requête de l’internaute est automatiquement dirigée vers le site mobile si celui-ci se connecte à partir d’un terminal portable. Les applications web mobiles sont développées en langage de programmation HTML (Hypertext Markup Language), conçu pour éditer des pages sur le Web, langage dont la dernière version « 5 » permet de concevoir des applications web aux fonctionnalités proches de celles des applications natives. Cependant, le HTML5 ne permet pas encore aujourd’hui d’atteindre la qualité et la richesse des usages proposés par les applications natives sous iOS ou Android. Effaçant les contraintes techniques et financières liées au main- tien de leur présence sur les divers apps stores, un bon nombre d’applications proposées pourraient avantageusement basculer sur le Web lorsque le HTML5 aura suffisamment progressé, jusqu’à pouvoir fournir les fonctionnalités offertes par les applications natives.
Si le marché des applications mobiles s’est initialement développé selon un modèle propriétaire, engendré par le duo iPhone-App Store, le Web pour- rait ainsi devenir, à terme, la principale plate-forme de développement pour les terminaux portables. C’est la politique défendue par le W3C (World Wide Web Consortium), organisme de standardisation à but non lucratif chargé de promouvoir la compatibilité des technologies du World Wide Web, fondé par Tim Berners-Lee, inventeur du Web et principal auteur du langage HTML.
Les applications web devraient se multiplier afin de permettre la consultation sur tous les terminaux et, notamment, de contourner le « système Apple ». En 2010, Google lance une application web au format HTML5 de son site de partage de vidéos YouTube, afin de permettre que celui-ci soit accessible sur tous les mobiles, y compris ceux qui ne sont pas équipés du logiciel de lecture vidéo Flash d’Adobe, dont l’iPhone. Les mobinautes se connectant à partir de l’application native iOS de YouTube pour iPhone, qui n’avait guère évolué depuis son lancement, sont réorientés vers sa nouvelle application web, d’un confort d’utilisation égal à l’application native. Depuis 2011, le quotidien britannique The Financial Times propose une application web développée au format HTML5, pour iPhone et iPad, accessible par Safari, le logiciel de navigation d’Apple, sur le site app.ft.com. L’internaute profite des mises à jour régulières sans avoir besoin de procéder à un nouveau téléchargement, avec la possibilité de sauvegarder les ajouts récents afin de les consulter ultérieurement. L’application web a finalement remplacé les applications natives du Financial Times sur l’App Store et sera prochainement accessible sur d’autres téléphones et tablettes. Parallèlement aux mises à jour de ses applications natives pour Android et iOS, le réseau social professionnel LinkedIn a édité en 2011 une version HTML de son application web. En 2012, Apple décide de rendre Google Maps incompatible avec la dernière version de son système d’exploitation, iOS 6, au profit de sa propre application de cartographie baptisée Plans. Mais une parade existe sur le Web, en passant par l’intermédiaire de Safari, le logiciel de navigation d’Apple, pour accéder à l’application web de Google Maps.
Dans un avenir assez proche, les fabricants de terminaux, les opérateurs de télécommunications et les éditeurs de contenus pourraient s’appuyer de plus en plus souvent sur le Web pour développer leurs services mobiles. Ils s’affranchiraient ainsi du dictat technologique – ou du passage obligé – d’Apple et de Google, récupérant par la même occasion la totalité des revenus engendrés, tout en misant sur une clientèle plus large que celles des détenteurs de terminaux Apple ou Google.
Le choix d’un standard compatible finira par s’imposer aux développeurs à la faveur de la multitude des terminaux connectés, à laquelle est venu s’ajouter tout récemment le téléviseur, avec pour avantage de créer des passerelles entre les différents services proposés. Pour la télévision connectée sont déjà développées des synch apps, applications synchronisées avec la diffusion d’une émission à la télévision (voir supra) qui offrent aux téléspectateurs la possibilité d’obtenir des contenus supplémentaires en lien avec les programmes et d’interagir avec leurs amis, sur tablette ou smartphone, pendant qu’ils regardent un programme (voir REM n°22-23, p.65). Favorables à une standardisation du Web selon les normes du W3C, des développeurs en informatique entendent promouvoir l’idée d’un responsive web design (conception de sites web adaptatifs), idée selon laquelle une seule page HTML doit être conçue et réalisée pour être capable de s’adapter automatiquement à n’importe quel terminal ou à n’importe quelle taille d’écran. Ainsi, un site web s’organise lui-même et son contenu se redistribue différemment (ajustement, déplacement des colonnes, redéfinition, ou même disparition, des images) selon les caractéristiques de l’appareil sur lequel sera consulté, ainsi que selon les usages liés à celui-ci.
L’heure n’est pas venue de voir se transformer toutes les applications natives en applications web. Mais l’avenir dira, pour une application, s’il vaut mieux, à l’ère de l’Internet mobile, être bien référencée par un moteur de recherche ou être classée dans le palmarès des dix applications les plus téléchargées. En 2012, le nombre d’applications téléchargées depuis les boutiques en ligne accessibles sur smart- phones et tablettes devrait dépasser 45 milliards, selon l’institut Gartner, dont 21 milliards sur l’App Store d’Apple qui en compte près de 600 000. En janvier 2012, les 200 apps les plus téléchargées sur iPhone ont engendré plus de 3 millions de dollars par jour.