Droits du foot : les enchères montent au Royaume-Uni et en Allemagne où Sky défend ses positions

Les bouquets européens de télévision par satellite du groupe News Corp., BSkyB et Sky Deustchland, ont tout fait pour maintenir leur contrôle sur la diffusion des matchs de chacun de leurs championnats nationaux. Cette stratégie, qui prend le contrepied de celle de Canal+ en France, a conduit à une surenchère sur les droits sportifs.

Alors qu’en France, le groupe Canal+ ne doit plus faire face aux surenchères des opérateurs de télécommunications lors des appels d’offres sur les droits du football, Orange ayant décidé de mettre fin à sa chaîne sportive (voir REM n°20, p. 26), la situation inverse caractérise le Royaume-Uni et l’Allemagne où l’opérateur historique, respectivement British Telecom et Deutsche Telekom, cherche à se positionner face au premier bouquet de télévision payante du pays, BSkyB outre- Manche, Sky Deutschland outre-Rhin.

En annonçant, le 2 avril 2012, vouloir candidater à l’appel d’offres pour les quatre prochaines saisons (2013-2017) de la Bundesliga, le championnat allemand de football, Deutsche Telekom a fait ressurgir de mauvais souvenirs au sein de Sky Deutschland, quand le bouquet allemand de télévision par satellite, alors baptisé Premiere, avait perdu en 2005 les droits du football au profit d’Arena (voir REM n°2-3, p.18). En effet, Sky Deutschland savait que la perte du championnat allemand, qui attire en moyenne 18 millions de téléspectateurs, soit un quart de la population, se traduirait par une chute du nombre d’abonnés, comme cela s’est produit en 2006. Pour barrer la route à Deutsche Telekom, qui cherche à valoriser son offre face à la concurrence des câblo-opérateurs (voir REM n°18-19, p. 24), Sky Deutschland, dont l’actionnaire majoritaire est le groupe News Corp. (voir REM n°5, p.21) a donc opté pour la surenchère.

Avec une offre dépassant de 20 % le prix proposé par son deuxième concurrent sur trois des quatre principaux lots, Sky Deutschland s’est emparé, le 17 avril 2012, de la totalité des droits de la Bundesliga sur les saisons 2013-2017, pour une diffusion sur le câble et le satellite, mais également sur le mobile et en IP-TV, un lot auparavant détenu par Deutsche Telekom. Pour parvenir à ce résultat, Sky Deutschland déboursera 486 millions d’euros par an, contre 250 millions d’euros précédemment, ce qui permet à la Ligue de football allemande de bénéficier, tous lots confondus, d’une hausse de 52 % du prix des droits de retransmission des matchs de football. Sky Deutschland sanctuarise donc le football au cœur de son offre, réservée à ses 3 millions d’abonnés, à l’inverse du groupe Canal+ qui, en France, a préféré payer moins pour les deux meilleures affiches de la Ligue, laissant les chaînes d’Al-Jazira, BeIn Sport 1 et 2, s’emparer des autres lots du championnat français.

La même logique s’est répétée, deux mois plus tard, pour l’appel d’offres sur les droits de retransmission du championnat de football britannique, la Premier League. De nouveau, un bouquet de télévision payante contrôlé par le groupe News Corp., le bouquet BSkyB, s’est retrouvé opposé à un opérateur historique de télécommunications, en l’occurrence British Telecom. Ce dernier a souhaité s’emparer de droits sportifs pour créer une chaîne sportive réservée à ses abonnés triple play, reproduisant quatre années plus tard la stratégie infructueuse d’Orange avec Orange Sport en France. La situation des deux opérateurs n’est toutefois pas pleinement comparable, British Telecom étant en concurrence avec BSkyB également sur le marché de l’accès à Internet.

Le 13 juin 2012, la Premier League annonçait être parvenue à augmenter de 71 % le coût des droits de retransmission du championnat britannique grâce à cette nouvelle concurrence, avec un total de 3 milliards de livres, supérieur de plus d’un milliard de livres au précédent appel d’offres, où les droits avaient été partagés entre BSkyB et ESPN. BSkyB, qui dépensera 760 millions de livres par saison, soit en tout 2,3 milliards de livres (2,8 milliards d’euros) sur la période 2013-2016, conserve 116 matchs. ESPN, la chaîne sportive du groupe Disney, est de son côté écartée au profit de British Telecom, qui dépensera 246 millions de livres par saison pour 38 matchs, soit en tout 738 millions de livres.

Sources :

  • « Deutsche Telekom veut ravir la Bundesliga à Sky », Karl de Meyer, Les Echos, 3 avril 2012.
  • « Bundesliga : Sky s’impose face à Deutsche Telekom », Karl de Meyer, Les Echos, 18 avril 2012.
  • « Premier League rights sold to BT and BSkyB for £3bn », James Pearce, bbc.co.uk, 13 juin 2012.
  • « Hausse de 70 % des droits télé de la Premier League anglaise », Amadine Alexandre, Le Figaro, 15 juin 2012.
Professeur à Aix-Marseille Université, Institut méditerranéen des sciences de l’information et de la communication (IMSIC, Aix-Marseille Univ., Université de Toulon), École de journalisme et de communication d’Aix-Marseille (EJCAM)

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