Le rachat de Virgin Media au Royaume-Uni par Liberty Global, premier acteur européen du câble, traduit l’intérêt en Europe pour les réseaux câblés, les plus à même de proposer très rapidement une offre de communication en très haut débit. Il confirme en même temps le rôle de Liberty Global qui consolide encore un peu plus le marché européen du câble après s’être imposé en Allemagne derrière l’opérateur historique Kabel Deutschland. Aux Etats-Unis, où le marché est consolidé, son leader Comcast a finalisé son arrivée dans les contenus avec la prise de contrôle totale de NBC-Universal.
En annonçant, le 5 février 2013, s’emparer du groupe britannique Virgin Media, l’américain Liberty Global, contrôlé par John Malone, s’impose définitivement comme le leader du câble en Europe. Liberty Global, qui compte parmi les plus grands groupes américains de communication, a en effet cette particularité de réaliser 90 % de ses revenus en Europe où il compte 18 millions d’abonnés sur un total de 20 millions d’abonnés dans le monde. Cette position a été acquise en quelques années grâce à une série de rachats dans le câble. Après une tentative avortée pour s’emparer de Kabel Deutschland en 2002, Liberty Global est parvenu à s’imposer en Allemagne comme le numéro 2 du câble en prenant le contrôle, en novembre 2009, des actifs d’Unity Media pour 3,5 milliards d’euros (voir REM n°13, p.14). En rachetant pour 3,16 milliards d’euros KBW en mars 2011, le troisième acteur du câble en Allemagne, Liberty Global a fini d’asseoir ses positions en Allemagne, devenue ainsi son premier marché, avec quelque 7 millions d’abonnés, juste derrière Kabel Deutsch- land et ses 8,8 millions d’abonnés (voir REM n°18- 19, p.24). S’ajoute aux actifs allemands une forte présence en Belgique avec Telenet, mais également en Suisse, aux Pays-Bas et en Autriche.
L’arrivée de Liberty Global au Royaume-Uni change la donne car le groupe s’ouvre ainsi l’accès à l’un des principaux marchés européens de la télévision payante et d’Internet, avec l’Allemagne et la France. En effet, le groupe Virgin Media, fondé par Richard Branson, est le numéro 2 de la télévision payante au Royaume-Uni, avec 4 millions d’abonnés en 2012 (4,9 millions en incluant également les accès à Internet haut débit), derrière le leader incontesté de la pay TV britannique, BSkyB et ses 10,3 millions d’abonnés. Endetté, distancé par BSkyB, mais disposant d’un réseau permettant de développer une offre très haut débit, Virgin Media est donc un actif stratégique, ce qui est inscrit dans le prix payé par Liberty Global pour s’en emparer : le groupe américain va en effet débourser 16 milliards de dollars et reprendre la dette de Virgin Media, ce qui fait monter la transaction à 23 milliards de dollars. Pour ce prix, John Malone devient le principal concurrent de BSkyB au Royaume-Uni, le bouquet contrôlé par News Corp., groupe dans lequel John Malone détenait une participation avant de la céder à Rupert Murdoch, en 2006, contre le contrôle du bouquet de télévision par satellite américain DirecTV.
Avec le rachat de Virgin Media, Liberty Global devient en outre, selon le communiqué du groupe, « la première entreprise mondiale de communication à haut débit, couvrant 47 millions de domiciles et desservant 25 millions de clients dans 14 pays », dont près de 23 millions en Europe. Dans cette an- nonce, outre le renforcement de Liberty Global sur la télévision payante, l’important est d’abord l’intérêt stratégique du câble comme pourvoyeur d’offres de services à haut débit, la télévision payante mais surtout Internet. Alors que partout en Europe les opérateurs historiques de télécommunications sont obligés de faire évoluer leurs infrastructures pour déployer la fibre optique jusque chez l’abonné, les câblo-opérateurs bénéficient d’un réseau qui est déjà à niveau et d’offres performantes pour le très haut débit. Cet intérêt renouvelé pour les câblo-opérateurs favorise d’ailleurs de fortes valorisations : en décembre 2012, Liberty Global a dû renoncer à une OPA pour se renforcer dans Telenet en Belgique, son offre de 3,87 milliards d’euros ayant été rejetée. Fin mars 2013, Liberty Global a proposé 632,5 millions d’euros pour s’emparer de 12,6 % du capital du câblo-opérateur néerlandais Ziggo. En France, où le réseau câblé Numericable est loin derrière les opérateurs ADSL en nombre d’abonnés (585 000 abonnés très haut débit début 2013), un rapprochement avec le deuxième acteur des télécommunications, SFR, est pourtant envisagé.
Aux Etats-Unis, la situation est différente. Le marché du câble est verrouillé et son leader, Comcast, s’arroge sur son seul marché national la première place mondiale en nombre d’abonnés, devant Liberty Global. Cette situation explique d’ailleurs l’intérêt de Comcast pour les contenus qui lui permettent d’asseoir la suprématie de son réseau aux Etats-Unis tout en s’assurant d’exclusivités. Ainsi, après s’être accordé avec General Electric sur la cession progressive de ses 80 % dans NBC-Universal en 2009 et avoir racheté à Vivendi sa participation de 20 % dans NBC-Universal en 2010 (voir REM n°13, p.30), Comcast a racheté, le 13 février 2013, les 49 % de NBC-Universal qu’il ne détenait pas encore à General Electric, pour 16,7 milliards de dollars, devenant officiellement le quatrième groupe de médias américains derrière Walt Disney, News Corp. et Time Warner. Avec cette opération, Comcast prend le contrôle de NBC, l’un des quatre réseaux de chaînes aux Etats-Unis, ainsi que des chaînes MSNBC, Bravo, des studios de cinéma Universal et des parcs à thème du même nom.
Sources :
- « Télé payante : John Malone vient défier Rupert Murdoch au Royaume-Uni », Nicolas Madelaine, Les Echos, 7 février 2013.
- « L’achat de Virgin Media relance la spéculation dans le câble », Marie- Cécile Renault, Le Figaro, 7 février 2013.
- « Comcast seul maître à bord de NBC Universal », Grégoire Poussielgue, Les Echos, 14 février 2013.
- « La revanche des câblo-opérateurs », Marie-Cécile Renault, Le Figaro, 19 février 2013.
- « Malone accélère les rachats dans le câble européen », Le Figaro, 30 mars 2013.